La Mystérieuse

Chapitre 22

Un mois plus tard

Allongé sur le lit de Darina, je somnole en pensant à la chance que j'ai d'être ici. Elle révise ses notes prises en cours tout en machouillant un stylo, à côté de moi.

   - Pourquoi est-ce que j'écris si mal ? Je n'arrive même pas à me relire, râle-t-elle.

   - Bah si toi tu écris mal, alors moi je gribouille.

   - Mais c'est illisible ! Je crois que je vais encore devoir demander les cours à Agathe.

Je soupire. Elle a tendance à dramatiser un peu trop.

   -Et pourquoi tu ne demandes pas à moi, on est dans la même classe, je te rappelle.

Elle daigne enfin lever les yeux vers moi.

   -Parce que tu ne prends pas tout en note et que tu te sers des miennes.

Je lâche un petit rire. Elle a totalement raison, c'est ça le pire. Au bout d'un moment elle grogne et referme ses cahier d'un coup sec.

   - Ça m'énerve, j'abandonne.

Je souris doucement, roule sur le dos et ouvre les bras pour l'inciter à venir, ce qu'elle fait. Elle se blottit contre moi et soupire de dépit.

   - J'ai l'impression que je n'y arriverai jamais, marmone-t-elle.

   - Ne dis pas ça.

J'embrasse doucement son front et la serre dans mes bras.

   - Je t'aime.

Elle sourit doucement.

   - Moi aussi.

Ça ne fait que quelques jours qu'elle répond à mes déclarations d'amour de manière aussi détendue. Tout mon être se réchauffe instantanément et je serre encore plus dans mes bras.

   - Darius, tu m'étouffes.

   - Je sais, fis-je sans pour autant desserrer mon étreinte. Mais c'est pas de ma faute si je t'aime.

   - Bah, concrètement, si, parce que si tu n'avais pas tant tenu à me connaitre au début d'année, on n'aurait jamais été ensemble.

Je lève les yeux au ciel.

   - Tais toi. Récite-moi plutôt ce que tu étais en train de réviser.

   - Nooon... pas la philo, par pitié !

Je ris doucement. C'est la seule matière où elle n'excelle pas et ça l'énerve particulièrement.

   - Tu le veux ton bac ou pas ?

Elle grommelle quelque chose d'incompréhensible et enfonce sa tête dans mon torse.

   - Hé je suis pas un chamallow ! Dis-je en faisant la grimace.

Elle relève la tête et s'excuse, confuse.

   - Hooo, pardon. Je suis un peu stressée.

   - Je sais. Mais c'est pas tout de suite, on a encore le temps.

Elle hoche lentement la tête mais ajoute tout de même :

   - Mais j'ai vraiment pas envie de le rater, et je vise la mention, alors il faut que je travaille.

Elle fronce les sourcils et continue en me lançant un regard.

   - Tu devrais bosser un peu plus, Darius.

Je grimace.

   - Arrête ça, on dirait ma mère.

   - Ouais, c'est le but, fit elle en souriant.

   - Attend, tu te moques de ma mère ou je rêve ?

   - Quoi ? Pas du tout ! Mais comme tu ne vas pas souvent chez tes parents, c'est bien que tu ne sois pas trop relâché, on a une épreuve super importante à la fin de l'année, tu te rappelles ?

   - Par pitié, arrête ! J'en suis conscient, c'est bon.

Elle hausse les épaules -enfin, c'est ce qui y ressemble, elle est quand même à moitié couché sur moi- et soupire sans rien ajouter. Je sais qu'elle n'a pas envie de m'énerver, elle déteste les conflits. Cependant, elle aimerait aussi que je travaille un peu plus. Elle s'inquiète réellement pour moi, et comme je ne suis pas un élève très sérieux, c'est tout à fait justifié.

   - Tu fais une pause ? Demandai-je au bout de quelques minutes.

   - Oui. Je commence à en avoir marre.

   - Tu m'étonnes, ça fait trois heures que tu révises.

   - Hum. Je suis un peu fatiguée.

Je l'embrasse à nouveau sur le front, prend mon courage à deux mains et demande.

   - Dis... on pourrait peut-être parler un peu ?

   - De quoi ?

   - Bah, je pensais... tu aurais pu me dire deux trois trucs sur toi.

Elle relève la tête et me fixe sans rien dire pendant un moment. Quand elle parle enfin, sa voix est un peu distante.

   - Maintenant ?

   - Non, enfin, si, mais si tu n'as pas  envie, c'est pas grave, on en parlera plus tard. Je ne veux pas te forcer.

Elle soupire et repose sa tête sur moi. Encore une fois, elle ne dit rien. Je sais qu'elle réfléchit, et je ne veux surtout pas la brusquer. Je sais que la vie n'a pas été très tendre avec elle et c'est normal qu'elle ai du mal à en parler. En fait, elle se referme comme une huître dès que quelqu'un fait référence à son passé, même quand ce n'est pas intentionnel. Je suis prêt à attendre encore un peu, mais j'aimerais quand même vraiment savoir de quoi il retourne exactement. Non seulement parce que je suis curieux, mais aussi parce que j'aimerais comprendre comment elle en est arrivé à ce point. Cela fait désormais un mois que nous sommes ensemble, et on se connait depuis quatre mois. Je sais qu'elle m'aime, mais me dire qu'elle ne me fait pas encore totalement confiance me brise le coeur.

Je tente de deviner ce à quoi elle pense mais c'est comme essayer d'ouvrir un coffre fort à mains nues. Soudain, elle dit, à voix basse mais d'un ton ferme :

   - Je vais tout te raconter.