Chapitre 9

843 59 171
                                    

Without you, I've got no hand to hold

Contrairement à d'habitude, Léopoldine n'attendit pas Stanley devant la salle de français comme chaque lundi matin ; elle s'installa directement à sa place, au premier rang.
Elle agissait de la sorte parce qu'elle était toujours vexée par le fait que Stan ne lui ait pas parlé de ses problèmes familiaux, alors que tout le monde, sauf elle, était au courant. Quand elle s'en était rendu compte, le samedi, elle s'était sentie comme une étrangère, exclue au groupe. En outre, elle avait réalisé qu'elle avait un train de retard sur les autres ; elle se pensait autrefois importante aux yeux de Stan, mais la vérité était que les Losers avaient, au cours des années, soudé des liens bien plus forts que ceux qu'elle partageait avec le bouclé. Elle avait maintenant conscience que même si elle essayait, elle ne réussirait jamais à s'incruster parfaitement dans leur groupe. Cette réalité, crue, la tourmentait, la blessait même. Elle avait espéré trouver sa place en rencontrant Stan et les autres, mais peut-être s'était-elle trompée après tout, peut-être que sa place n'était pas parmi eux. Léopoldine avait bien peur de ne jamais la trouver, sa place.

Stanley fut surpris de voir que la française ne l'avait pas attendu pour rentrer en classe. Cela ne pouvait paraître qu'un détail anodin pour n'importe qui, mais le jeune homme savait que c'était plus que ça ; quelque chose clochait. Leo et lui étaient l'un comme l'autre attachés à leur routine, c'était d'ailleurs l'un de leurs principaux points communs. Le fait que son amie brise la routine qu'ils avaient naturellement instaurée ne pouvait signifiait que mauvais présage.
Cependant, Stanley ne fit aucune remarque, déduisant que si Léopoldine s'était assise sans l'attendre c'était parce qu'elle n'avait pas envie de parler. Le bouclé se contenta donc de s'asseoir à côté d'elle, la saluant tout de même.

- Bonjour, dit-il en français, avec un petit sourire hésitant.
- Salut, répondit-elle en anglais.

Léopoldine refusait de parler français comme ils le faisaient d'habitude, brisant une nouvelle fois leur routine. De plus, elle avait pris un ton froid, ce qui confirmait les doutes de Stanley ; la jeune fille était énervée. Il ne savait pourtant pas si c'était contre lui ou contre quelqu'un d'autre. Certes, c'était avec lui qu'elle se comportait de la sorte, mais il venait tout juste d'arriver et n'avait encore rien fait qui aurait pu énerver son amie.
Par peur d'empirer les choses, il décida donc de ne pas insister et de laisser Léopoldine tranquille, pensant que c'était sûrement ce dont elle avait besoin pour l'instant. Ainsi, les deux adolescents n'échangèrent pas un mot durant tout le cours de français.

Quand ce dernier prit fin, Léopoldine rangea ses affaires en quatrième vitesse et n'attendu pas non plus Stanley pour quitter la salle. Le bouclé, pris au dépourvu, accéléra la cadence pour la suivre. Même en se dépêchant, il ne réussit à la rattraper que parce qu'elle s'était arrêtée à son casier afin de prendre des livres pour le cours suivant.
Stanley la rejoignit et, voulant connaître la raison de sa mauvaise humeur, lui demanda,

- Qu'est ce qu'il se passe?
- T'aurais pu m'en parler, répondit la française toujours d'un ton froid, alors qu'elle enlevait le cadenas qui verrouillait son casier.

Avant que Stan puisse demander de quoi est-ce qu'elle parlait, Léopoldine ouvrit son casier, dont une feuille tomba.
La jeune fille se pencha pour ramasser le papier qui était atterri à ses pieds et se redressa ensuite pour voir de quoi il s'agissait. Elle ne se souvenait pas avoir déposé une feuille en vrac dans son casier, cela ne lui ressemblait pas. Elle déplia le bout de papier et constata que c'était une lettre, rédigée d'une écriture soignée et stylisée. Elle jeta un regard interrogatif à Stan qui haussa les épaules, n'en sachant pas plus qu'elle. Léopoldine s'entreprit donc à lire son contenu.

Be proud - ReddieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant