Chapitre 13

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Well, you look like yourself But you're somebody else, Only it ain't on the surface.
Well, you talk like yourself. No, I hear someone else though, Now you're making me nervous.


À la pause de dix heure, le lundi matin, tous les Losers se regroupèrent à une table de pique-nique dans la cour. Tous, sauf un.

– E-E-Eddie n'est p-pas venu en c-cours, annonça Bill alors qu'il venait de rejoindre le groupe, accompagné de Richie.
– Vraiment? demanda Beverly, étonnée.

Lorsque les Losers avaient constaté l'absence d'Eddie le matin même, ils avaient déjà été surpris de voir qu'il était en retard, alors d'apprendre qu'il avait carrément sécher les cours... Cela ne ressemblait pas à l'asthmatique. Il n'était pas exactement le plus mature du groupe mais s'il y avait quelque chose qu'on ne pouvait lui enlever, c'était qu'il était sérieux à propos de ses études. Il y mettait beaucoup d'effort et d'énergie car, pour lui, partir étudier à l'université était synonyme d'échapper à sa mère et à Derry.

– C'est bizarre, observa Richie, affichant une mine inquiète qui lui était peu familière. Il est pas non plus venu aux Friches hier. J'pense qu'il se passe quelque chose. Ça se trouve, il s'est fait chopé par sa mère en revenant de la fête.
– Mais non, il y a pas de quoi s'inquiéter, le contredit Stan. Je suis pas venu non plus hier parce que j'ai préféré récupérer de la fête. A mon avis, il devait être fatigué comme moi et il a préféré rester chez lui.
– Pour récupérer de la fête? T'es sûr que c'était pas plutôt pour rester peloter Leo? Ou bien... Juste histoire de nous éviter? répliqua le binoclard, durement.

Un silence se fit à la tablée, suite à la réponse cinglante de Richie. Elle n'avait pas été prononcée sur son ton taquin habituel, elle était pleine de reproches. Elle avait été émise dans le seul et unique but de provoquer Stanley.
Richie avait l'air réellement énervé contre le juif. Il ne faisait pas semblant de l'être pour amuser la galerie, il l'était.

Cela glaçait le sang des Losers. Ils n'avaient jamais vu un tel agacement briller dans les yeux de Richie. Pire encore, ils avaient eu l'impression de se retrouver face à un total inconnu à l'instant même où la lueur de malice dans son regard avait disparue. Ils avaient alors soudainement réalisé qu'ils ne connaissaient Richie qu'en apparence. Comme une prise de conscience collective, ils s'étaient aperçus qu'ils ne connaissaient que l'image que leur ami laissait refléter à travers ses plaisanteries qui sonnaient fausses, qui sonnaient creuses. Ils n'avaient jamais vraiment vu la personne derrière cette façade, et ce qu'ils s'apprêtaient à en découvrir n'allait pas leur plaire.

– Pardon? balbutia Stan, hébété face à l'accès de colère inattendu de son ami.
– J'crois que tu m'as parfaitement entendu. Depuis que t'es en couple avec elle, tu fais que nous éviter. Tu penses qu'à son cul, c'est comme si on était plus rien pour toi!
– T'as de la chance que Leo soit pas là sinon...
– Sinon quoi? le provoqua le binoclard. Tu veux te battre, Stanley?

Sur ses mots, Richie se leva d'un bond, arracha le carnet de dessin des mains de Stan et le balança à la volée. Il n'eut cependant pas le temps de faire aucun geste de plus car, instantanément, Bill l'attrapa par les deux épaules et le fit se rasseoir de force.

Toute la tablée fixait maintenant l'ami qu'ils ne reconnaissaient plus, dans un silence total et pesant. C'était le même silence que celui qui suit les révélations de secrets de famille, lorsqu'à table on annonce que tonton n'est pas venu au dîner car il est retombé dans la drogue, ou que papa trompe maman. Le silence qui marque les trahisons, lorsqu'une personne qui nous est chère montre finalement son vrai visage et que l'on se rend compte que, jusqu'ici, tout n'était que mensonge, que façade.

Be proud - ReddieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant