Pour toi

Lissa

Le trajet semble s'éterniser et je ne vois toujours pas comment nous sortir de cette situation. Rose semble aussi perdue que moi car elle serre les poings et semble vouloir leur sauter dessus pour les frapper. Mais je sais qu'elle ne le fera pas... Elle n'est plus vraiment cette jeune fille impulsive avec qui j'ai passé toute ma vie, pas depuis ce jour là où elle a poussé Victor contre ce mur, pas depuis que le bruit de sa tête heurtant violemment les marches la hante et lui fait faire des cauchemars. Elle a bien trop peur d'elle maintenant. Même si j'ai essayé de l'aider à se pardonner, même si j'ai tout fait pour faire fuir ses cauchemars, je sais qu'au fond, elle se sent toujours coupable quand bien même elle nous ait sauvé la vie.

Je vois un contrôleur qui passe près de nous. Je me relève alors en poussant un cri. Au diable la gentille princesse innocente : à mon tour d'être une pute sanguinaire comme Mia me l'a si gentiment dit l'année passée ! Nos assaillants sont visiblement pris de court mais Rose comprend immédiatement ce que je fais, sans aucun doute grâce au lien, car elle se lève aussi et cri :

-NON MAIS VOUS ÊTES MALADE OU QUOI ?!

Les trois hommes nous regardent comme si nous étions folles, ne comprenant pas à quoi nous jouons. Le contrôleur arrive vers nous, les sourcils froncés et il dit d'une voix forte :

-Qu'est-ce qui se passe ici ?

-Il m'a touché les seins !

-Oui ! Je l'ai vu faire !

-Quoi ? Mais je n'ai fait que m'asseoir ici. Mes compagnons peuvent en témoigner.

-Vous n'avez pas honte ? Elle pourrait être votre fille en plus !

Ils semblent enfin comprendre ce que nous trafiquons car ils amorcent tous un mouvement pour se lever mais le contrôleur les force à se rasseoir. D'autres passagers nous regardent et devant tant de monde, ils ne peuvent nous retenir. Rose et moi suivons donc le contrôleur loin de ces hommes. Un brouhaha se forme et je vois distinctement d'autres passagers leur crier dessus. Dimitri nous jette un regard et un coup d'œil vers Rose me montre qu'elle le soutien, très satisfaite de nous. Une fois que nous passons dans une autre voiture, elle me dit :

-Bravo Liss ! Maintenant, il faut qu'on descende de ce train !

Comme pour répondre à son appel, on annonce l'entrée en gare du train au prochain arrêt. Nous sautons vivement du train lorsqu'il s'arrête et nous nous fondons dans la masse à nouveau.

-Ils nous suivent sûrement !

-On n'allait pas rester indéfiniment pour vérifier !

Pas faux ! Nous quittons la gare lorsque je ressens un frisson me parcourir. Un rire semble résonner dans ma tête et je crois que Rose l'entend aussi.

« Ça me ferait presque de la peine... Tic-tac les filles. Vous ne pourrez bientôt plus m'échapper. »

J'ai soudain la nausée, j'ai l'impression qu'on vient de me vider de mon énergie... J'ai la tête qui tourne. Cette voix... Elle me fait froid dans le dos. J'ai eu l'impression qu'on chuchotait tout près de mon oreille, comme si cette personne était juste derrière moi. Soudain, j'ai la sensation qu'on m'observe, dans la foule, comme si on me guettait pour me tuer. J'ai cette envie de courir très loin et pourtant j'ai la sensation d'être coincé dans des sables mouvants, j'ai peine à respirer, j'ai l'impression désagréable que la bête approche, qu'elle est sur le point de nous attraper.

-AAAAH !

Je sursaute. Je me tourne immédiatement vers Rose et l'attrape par le bras pour l'éloigner de celui qui l'a attaqué. Il nous regarde avec inquiétude et je reviens aussitôt à la réalité : Mark nous observe sans comprendre notre réaction et j'ai enfin l'impression de pouvoir respirer. Les larmes commencent à couler sur mes joues et je sens déjà Rose sangloter. S'en est trop ! La coupe est pleine ! Nous nous laissons tomber au sol en pleurant. Pourquoi ? Pourquoi devions-nous autant payer ? J'ai déjà perdu ma famille, Christian, Natalie, je ne pouvais pas perdre Rose ! Je ne peux pas mourir, pas maintenant, j'ai encore tellement de choses à vivre !

Quelques personnes nous dévisagent mais ne s'arrêtent pas pour autant. Bientôt, Zmey, Dimitri et Ivan Zeklos nous rejoignent. Je les vois, à travers mes larmes, qui nous regardent d'un air désemparé. Je n'en peux plus... Je veux que tout cela s'arrête ! Nous avons combattu un Strigoï et un Moroï, nous avons fui l'académie, j'ai endormie une ville entière et nous avons fui Baia avec brio... Palms pring semblait enfin être un endroit où nous pouvions vivre en paix, je pensais que devenir marginale suffirait à satisfaire l'esprit de ce malade avide de vengeance mais maintenant il... J'ai envie de hurler, je veux que tout s'arrête, j'en ai assez !