Chapitre 5

363 34 7
                                        

- C'est... C'est impossible! S'exclama Elyrya, Personne n'a plus vu de Chimère depuis des siècles! Et les érudits d'Arwen se demandent si elles ont réellement existé.

- Dans les écrits, expliqua Zéphyr le visage crispé par l'inquiétude, les Chimères changent d'apparences selon l'auteur qui conte son histoire. Ce qui laisse à penser qu'elles utilisent nos peurs contre nous. Qu'elles se transforment en notre pire cauchemar... Leurs cris, en revanche, sont toujours les mêmes, qu'importe celui qui affronte les bêtes. Un cri glaçant, terrifiant, plus encore que celui d'un dragon, qui peut entrainer la mort.

- Mais d'après les légendes, elles auraient disparues à tout jamais! Ou du moins bannies dans le Royaume des ombres...

- Les légendes mentent toujours... Mais il est vrai que nous sommes proches des terres obscures.

     L'horrible hurlement retenti à nouveau. Elyrya crut que sa tête allait exploser. Le visage tordu par la douleur, elle plaqua ses mains sur ses oreilles, avant de tomber de l'arbre, ayant perdu le contrôle de son corps.

     Zéphyr eut l'impression que son âme l'abandonnait pour rejoindre le monstre. Il se mordit sa lèvre inférieure pour lutter contre le mal qui l'envahissait. La chimère approchait. Le combat était inévitable.

                      __________________

- Il faut s'en aller, il faut s'en aller, répétait Zéphyr rendu fou par le hurlement.

     Le regard perdu dans le vague, Elyrya se demanda si c'était la fin. La grande fin, à laquelle personne n'a de réponse. Lui tendrait-elle la main? Serait-elle douloureuse ou douce? Que se passerait-il après cela? Retrouverait-elle sa connaissance du monde, autre que celle dont-elle se souvenait, celle des livres et des légendes? Retrouverait-elle les souvenirs de ses sentiments? Elle se rappelait de leurs caractéristiques, de ce qu'ils étaient sensés provoquer, mais pas de ce qu'elle ressentait lorsqu'elle les éprouvait. Depuis son réveil, elle n'avait connu que la panique, l'effroi, la peur. Et un peu de réconfort auprès de Zéphyr. Mais pas de joie. Pas d'allégresse. Pas de plaisir, ni d'enchantement, encore moins d'amour. Juste de la tristesse. Depuis son retour, elle n'avait eu ni moments de bonheur, ni vrais moments de malheur: pas de peurs précises, pas de cauchemars...

- Pas de cauchemars...prononça t-elle tout bas.

Elle se releva.

Elle savait comment ils allaient s'en sortir.

                   _____________________

     Se relevant tant bien que mal, elle boita jusqu'à Zéphyr, tombé de l'arbre également, qui semblait inhabité par quelconque once de vie.

- On va s'en sortir, lui murmura t-elle doucement. 

     Elle prit soin de le dissimuler du mieux qu'elle le pouvait sous un tapis de feuilles. Elle ramassa ensuite les deux couteaux de chasse et la bourse, contenant le médaillon. Le ciel et la lune étaient voilés par d'épais nuages, des bourrasques parcourraient le bois. Puis elle inspira, et dans un élan de courage,  face au vent, elle prononça des paroles redoutées, insensées.

- Viens à moi, je t'attend.

     Dans la nuit, une ombre à l'obscurité incomparable fendit les rafales, répondant à un appel, une promesse de combat. Pourtant, ce soir, la nuit était plus sombre que jamais.

     Elyrya attendait. Un couteau dans chaque main, la bourse avec le médaillon coincé dans son pantalon. Soudain, les arbres s'écartèrent laissant place à une monstruosité noire. Informe, large et haute comme un ours, elle semblait aspirer le peu de lumière autour d'elle. Elyrya ne parvenait pas à distinguer les yeux de la créature, mais elle les sentait rivés sur elle. Chancelante, elle se releva, et d'une voix imprégnée de détermination, elle s'écria:

- Que la bataille commence !

                 _____________________

     Perdue, la Chimère ne parvenait pas modeler son corps selon les peurs de la fille. Comme si celle-ci venait juste de naître. Dommage. Ce soir la bête n'aurait pas l'occasion de se métamorphoser. Mais cela n'avait pas d'importance. La fille était faible, l'animal intelligent. De toute manière, son corps était insensibles aux ridicules couteaux dont elle était armée. Ils ne toucheraient que la surface de son épiderme, sans rien atteindre de vital. Et croire qu'un reflet de lumière l'anéantirait n'était qu'une douce illusion: la Chimère n'était pas une ombre, loin de là, mais une créature bien réelle, à l'apparence cauchemardesque. La créature n'avait pas à s'inquiéter, elle avait gagné d'avance. Sur ce, elle se jeta sur sa misérable proie.

                    ____________________

     Lorsque Elyrya réalisa son erreur, il était déjà trop tard. Elle pensait que les Chimères n'étaient que des reflets de peurs, nées de magie maléfique. Elle s'était trompée. L'animal face à elle était doté d'une véritable enveloppe corporelle et d'une intelligence certaine. Mais quand Elyrya s'en aperçu, la créature se préparait déjà à lui bondir dessus.

    La jeune fille vit le corps de la Chimère se moduler de telle manière à pouvoir sauter le plus précisément possible. Lorsqu'elle se propulsa dans les airs, Elyrya tenta de glisser vers l'avant, malgré son handicap, ce qui entraina sa chute. En l'air, la bête modifia sa trajectoire pour atterrir sur la nouvelle position de la fille. Elyrya se retourna sur le dos et brandit ses couteaux au dessus de sa tête. Les lames s'enfoncèrent dans la chair de la Chimère au fur et à mesure que celle-ci retombait sur Elyrya, sans paraitre lui faire le moindre mal. La jeune fille, le souffle coupé par le poids de la créature, lâcha les couteaux et tenta de dégager ses bras. Elle fit un mouvement brusque, entrainant la bourse avec elle dans sa tentative de dégagement. La poche de cuir s'ouvrit, exposant le médaillon au regard de la bête. Lorsqu'elle la vit, la Chimère eut un mouvement de recul. Ayant remarqué cela, Elyrya, de sa main libre, attrapa le médaillon et l'amena au plus proche de la créature. Et en un instant, la bête s'enfuit aussi vite qu'elle était arrivée.

     Elyrya n'eut pas la force de regarder son médaillon. Elle rampa jusqu'à la cachette de Zéphyr, avant d'éclater en sanglot. Pleurer lui faisait du bien. Il lui semblait que toutes ses craintes s'écoulaient hors de son corps en même temps que ses larmes. Une main lui saisit alors le poignet en guise de remerciements. Elyrya sécha alors ses larmes et s'endormit, épuisée, sans lâcher le bras du jeune homme.

    

    

    

Légendes - Les Royaumes d'ArwenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant