Chapitre 6

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     Après un sommeil sans rêve, Zéphyr s'éveilla. Elyrya, toujours à côté de lui, dormait si bien que la réveiller lui paraissait cruel, surtout après ce qu'elle avait vécu au cours de la nuit. Le combat avait été rude, et à première vue, leurs seules armes étaient perdues. Le jeune homme avait suivi l'affrontement du regard, paralysé par la douleur. Mais il avait réussi à remarquer que la Chimère n'avait pas laissé de trace de son passage. Les couteaux ne l'avait pas atteinte jusqu'au sang mais étaient restés là ou la jeune fille avait touché la créature. Zéphyr jugea leur lieu de repos du regard: une clairière calme, le jour venait de se lever. Il décida d'aller récupérer son arc, à environ une lieue d'ici. Reposé, il pourrait courir, et être de retour avant le réveil de la fille. De toute manière, ils avaient besoin de se nourrir. Et pour se nourrir, ils auraient besoin d'une arme. Sa décision prise, Zéphyr commença sa course.

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    Il avait réussi. Il s'était enfuit. Le désert était derrière lui. Il avançait vers l'inconnu. Son carnet et de quoi survivre en poche. Il se l'était promis, il parviendrait au Nord. Il verrait les forêts et les loups. Il écrirait sa propre histoire. Car il avait réussi.

      Il ne faisait qu'un avec le vent. Il avait l'impression de voler. Pour la première fois de sa vie, il se sentait heureux. Un mélange d'émotions se bousculant dans sa tête, il eu l'envie soudaine de crier. Crier pour libérer les peines, le chagrin qu'il contenait au fond de lui. Crier, de joie et de tristesse à la fois. Crier, pleurer, avant de prendre un nouveau départ. Puis il chanta, un chant ancien, provenant de l'un des rares recueil de poèmes qu'il avait lu. Ce texte l'avait ému aux larmes. Il avait pris le soin de le recopier dans son carnet, mais il le connaissait déjà par coeur. À ses yeux, c'était son bien le plus précieux.

Je me relève,
Je me détourne de ce chemin,
J'écoute mes rêves,
Je rattrape mon destin.

À travers les vents,
Je perçois l'horizon,
Mon regard dérivant,
Vers de nouveaux Monts.

J'enlève mes chaînes,
Je fuis au loin,
Sans aucun gène,
L'espoir me reviens.

Je me relève,
Je vois le lendemain,
Un nouveau jour se lève,
Ma liberté entre mes mains.

     Et il le chanta une seconde fois. Et une troisième. Puis il eut envie de rire. De rire et de pleurer à la fois. Car pour la première fois de sa vie, Zéphyr était heureux. Heureux et libre.

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     Arrivé en haut de la falaise, il poussa un soupir de soulagement en retrouvant son arc et son carquois en parfait état. Il accrocha ses armes à son dos et reparti vers le campement. Pour retrouver sa route, il avait pris soin de casser des branches d'arbustes tout au long du chemin.

     L'air était humide et frais, le soleil, encore bas, brillait déjà, et les feuilles tombant des arbres semblaient danser au gré des brises. Sur le chemin du retour, Zéphyr s'arrêta de courir quelques instant pour admirer ce tableau. Une scène qu'il n'avait jamais vu dans son désert natal. En assistant à ce spectacle, le flegmatisme de Zéphyr s'estompa, laissant paraître une certaine mélencolie dans son regard. Il n'avait abandonné son caractère impassible qu'à une seule reprise: le jour de sa fuite. Le reste du temps, il avait un caractère plutôt insensible et distant. Sauf lorsqu'il lisait un texte qui le touchait. Un écrit qui l'atteignait au plus profond de son âme. Il prenait alors la main du poète et se laissait entraîner par les mots, sans poser de questions. Envoûté, tous les sentiments qu'il contenait en lui ne demandaient qu'à sortir, tambourinant dans sa poitrine ou s'échappant par ses larmes. Car il s'échappait à travers les mots. Ressentant le moindre effleurement et admirant les moindres détails. Un voyage merveilleux qu'il prenait soin de cacher au reste du monde. Mais qu'il couchait sur le papier d'un petit carnet à la couverture de cuir marron dès que l'envie lui prenait. Et lorsque on lui posait cette question si ordinaire et si impersonnelle à la fois, "Qui es-tu?", Il répondait simplement "Zéphyr". Son coeur, lui, lui criait tout autre chose: "Je suis un écrivain".

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     A l'instant même où Elyrya ouvrit les yeux, une douce chaleur l'envahit. Un rire discret s'échappa de ses lèvres lorsqu'elle vit que cela provenait du feu que Zéphyr alimentait. Portée par l'odeur des braises, elle le rejoigna malgré sa cheville encore enflée, ne prettant attention ni à l'arc, ni au lapin, traversé par une flèche d'une précision inouïe.

- Je m'occupe du feu, déclara t-elle, je te laisse t'occuper du repas.

Zéphyr acquiesca d'un hochement de tête muet.

Aucun des deux ne reparla de la nuit dernière, le médaillon laissé pour mort sur le sol.

     En quelques minutes, le jeune homme eu terminé de dépecer, de vider et de découpé l'animal à l'aide d'un carreau d'une de ses flèches. Il enfila sur celle-ci les différents morceaux de viandes, avant de l'amener près du feu. Elyrya, ayant compris son idée, avait fabriqué des cales à l'aide de pierres plates de part en part du feu, pour poser leur brochette le temps de sa cuisson. Une fois leur lapin prêt, il mangèrent en faisant un effort pour ne pas dévorer leur repas d'un coup. Zéphyr alla remplir sa gourde dans le ruisseau, puis exposa son plan à la jeune fille.  

- Nous ne sommes qu'à une dizaine de lieues de Brumes-Levantes , la Cité des Nymphes. Nous devrions lever le camp pour avoir une chance d'y être avant la tombée de la nuit.

     Sur ce, ils rassemblèrent leurs affaires, prenant soin de prendre le médaillon et de ne rien oublier d'autre. Cette nuit sombre mise à part.

Légendes - Les Royaumes d'ArwenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant