Fiction

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1945

En rentrant chez lui, Tom jeta à peine un coup d'œil au minuscule studio crasseux qu'il louait près du Chemin de Traverse. L'endroit était misérable, mais il s'en moquait : il ne comptait pas y passer sa vie, ça ne serait que provisoire. Le temps de reprendre le cours de ses projets initiaux.

Il se laissa tomber dans un fauteuil défoncé, grimaçant en sentant les ressorts lui entrer dans le dos. Il regarda autour de lui, avec un soupir.

S'il s'en donnait la peine, il pourrait peut être rendre cet endroit un peu plus agréable. Nettoyer un peu, métamorphoser les vieux meubles en quelque chose de plus... chic. Un peu de couleur serait éventuellement plus joyeux. Il supposa que sa mère avait aimé les couleurs, puisqu'elle avait eu beaucoup de babioles colorées enfermées dans son coffre.

Mais Merope Gaunt était morte. Il ne l'avait jamais connue, et il n'attendait rien d'elle. Il n'était même pas sûr de l'aimer : il lui en voulait trop de l'avoir abandonné. Il sentait l'épais parchemin dans sa poche, les derniers mots de sa génitrice qui lui étaient adressés. Il imaginait que ce serait probablement des mots pleins d'une niaiserie dégoulinante de bons sentiments.

Après tout, Merope avait été reniée à cause de son amour pour un vulgaire moldu. Elle avait oublié ses origines, trahi sa famille et avait fui. Le moldu l'avait mise enceinte, puis l'avait abandonné.

Au moins, Tom avait été rassuré d'apprendre qu'il n'était pas un bâtard : ses parents avaient été mariés. Son géniteur, avant de mourir de sa main, avait craché que la sorcière l'avait drogué et manipulé, mais l'acte de mariage existait et était parfaitement valide.

Avec un soupir, Tom fit venir à lui un verre – opaque tellement il était usé - et une bouteille de whisky écossais flambant neuve. Il l'avait "empruntée" dans le stock personnel de Slughorn avant de quitter Poudlard. Il n'était pas un gros buveur, mais il pensait qu'il en aurait besoin cette fois. Affronter le passé nécessiterait un peu de réconfort liquide.

Il se servit d'une main sûre et but une gorgée avant de sortir la lettre qui lui était destinée.

En l'ouvrant, un petit médaillon en tomba, accroché à une chaîne en argent. Un joli bijou, qui aurait pu être vendu pour une bonne somme de gallions. Tom fronça les sourcils, ne comprenant pas pourquoi Merope l'avait gardé, alors qu'elle aurait pu se payer un repas chaud. Ou un abri pour quelques nuits.

Il posa le bijou de côté, caressant doucement la petite médaille en argent. Un cœur y était gravé, aux côtés d'une petite émeraude. Bien que simple, c'était visiblement un objet de très bonne qualité. Au delà de tout ce que la famille Gaunt avait possédé les dernières années de leurs vies.

Il déplia la lettre, découvrant pour la première fois de sa vie l'écriture de sa mère. Cependant, avant de commencer la lecture, il but une autre gorgée d'alcool, savourant la brûlure dans son tube digestif, fermant un instant les yeux. Une crainte sourde lui tordait les entrailles, et il se sentait légèrement nerveux à l'idée de ce qu'il allait apprendre.

Il déplia le parchemin et commença à lire, nota l'écriture malhabile et légèrement brouillonne. Sa mère visiblement, n'avait pas été une élève brillante s'il se fiait à sa façon de tracer les lettres, digne d'un élève d'élémentaire.

Au début, ce n'était que les souhaits d'une femme mourante envers son enfant. Elle se savait malade, et elle savait déjà qu'elle ne survivrait pas.

Elle était sans-le-sou, reniée par ses parents, n'avait aucunes compétences pouvant lui offrir un emploi. Et surtout, elle avait le cœur brisé.

A ces mots, Tom grogna doucement, heureux d'avoir mis fin à la misérable existence de son géniteur. C'était de la faute de Tom Jedusor Senior s'il avait grandi dans un orphelinat, seul au monde.

Il fit une pause pour boire une nouvelle gorgée d'alcool, se rendant compte que malgré tout, il se sentait... triste pour sa mère. Il n'était peut être pas totalement dépourvu de sentiments après tout.

Il reprit sa lecture, survolant la description des espoirs déçus de sa mère. Puis, une phrase le fit se figer, et le verre posé à ses côtés explosa sous la manifestation de sa magie.

"Je ne suis pas ta mère biologique"

Il secoua la tête, et attrapa la bouteille pour en boire une gorgée directement au goulot.

Merope avait été enceinte - il le tenait de Jedusor Senior. C'était un fait. La directrice de l'orphelinat l'avait trouvé tenant un nourrisson contre elle. Lui. Un autre fait.

Il haleta et continua sa lecture.

Elle racontait le départ de Jedusor Senior, expliquant que quand elle avait découvert sa grossesse elle avait cessé les philtres d'amour, persuadée que la venue d'un héritier changerait tout. Son désespoir, son errance.

Elle avait tenu plusieurs mois à la rue, se débrouillant comme elle l'avait pu.

Puis, elle détaillait son accouchement. Long et pénible. Douloureux. La naissance de son fils, qu'elle avait nommé Tom Elvis. Il avait poussé son premier et dernier cri. Trop fragile, il était mort presque immédiatement.

Trop pauvre pour lui offrir une sépulture décente, elle s'était rendue dans un cimetière et l'avait elle-même enseveli, pleurant son bébé qui n'existait qu'à ses yeux.

En repartant, ce trente-et-un décembre - elle se savait déjà condamnée - elle avait trouvé un nourrisson. Minuscule. Un petit garçon. Vivant et en pleine santé. Comme pour remplacer l'enfant qu'elle avait perdu quelques heures plus tôt.

Elle l'avait pris contre elle, devinant qu'il avait été abandonné. Il portait la médaille à son cou, et elle avait supposé que ses vrais parents l'aimaient malgré tout. Alors, la jeune femme était retournée à Londres. Elle s'était rendue à Gringotts et avait pris le temps de tout écrire, tout ce qui s'était passé. Elle avait déposé la lettre avec le médaillon, offrant à l'enfant la possibilité de rechercher ses origines un jour. Quand il en éprouverait le besoin.

Une moldue avait eu un jour pitié d'elle et lui avait donné l'adresse de l'orphelinat Wool. Aussi, une fois ses affaires terminées dans le monde sorcier, elle avait utilisé une toute dernière fois la magie pour transplaner.

Tom supposa qu'elle s'était effondrée devant la porte, ne trouvant même pas la force de frapper. La suite de l'histoire, il la connaissait. Madame Cole avait ouvert la porte et l'avait trouvé. Elle avait tenté de la soigner, mais Merope s'était éteinte rapidement, après avoir donné le nom de son fils, n'ayant visiblement aucune envie de se battre. Et lui, il avait grandi sans famille, au milieu de moldus.

Ce soir-là, Tom s'enivra pour la toute première fois de sa vie à cause de ce récit digne d'une mauvaise fiction. Il but pour oublier ce qu'il venait de lire, pour oublier que quelque part, il avait une famille. Une vraie famille. Sauf qu'il ne voulait pas se demander s'il avait été désiré ou non. Il ne voulait pas savoir pour quelle raison il avait été laissé dehors par une nuit d'hiver glaciale. Il voulait juste les haïr et les oublier.

Apparences trompeusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant