Opéra

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Fin 1995

Dumbledore arriva au Royal Opera House d'un pas conquérant. Le Ministère organisait une réception en l'honneur de la célèbre Célestina Moldubec, pour l'ensemble de sa carrière. Fudge n'était pas peu fier et il avait fait en sorte de réserver le célèbre opéra londonien pour la cérémonie.

Le Directeur de Poudlard avait été invité en tant que membre éminent du Magenmagot, et il ne s'était pas privé d'y aller. Ce genre d'évènement était une aubaine pour lui, pour plaider sa cause et tirer les ficelles dans l'ombre.

Il avait remarqué qu'il lui suffisait de quelques suggestions murmurées dans les bonnes oreilles, pour faire pencher la balance en sa faveur. Comme toujours.

Il fit le tour de la salle, souriant avec bonhommie, saluant tout le monde, échangeant quelques mots à l'occasion. Il se gorgeait de l'attention qui lui était donnée, du respect qu'il inspirait. Dumbledore savait que c'était les efforts de toute une vie qui payaient enfin, et il était soulagé que le jeune Potter soit finalement tombé sous sa baguette. Le gamin avait toujours été un électron libre, mettant son nez partout, impossible à canaliser.

Ce n'était pas parce que ses plans étaient remis en question qu'il allait abandonner. Au contraire, le sorcier tirerait parti de la nouvelle situation. Il se vantait de pouvoir rebondir dans n'importe quelle situation. Sa petite arme était morte ? Qu'importe ! Il en profiterait pour attiser la haine à l'encontre de ce cher Tom. Tom si prévisible, qui en prenant l'identité de Voldemort l'avait aidé plus qu'il ne pourrait jamais le soupçonner. Autant que Gellert autrefois qui avait naïvement cru qu'ils étaient une équipe.

Harry mort, Voldemort devenait une menace encore plus présente, et il espérait que ce serait le déclic pour que le monde magique se tourne vers lui et ne lui demande d'agir. Il attendrait d'être appelé, pour arriver en conquérant. Ce serait l'occasion tant attendue d'avoir enfin un rôle de premier plan.

Finalement, il termina son petit tour auprès du Ministre.

Comme à son habitude, Fudge l'accueillit avec l'obséquiosité qui le caractérisait. Il multiplia les courbettes et les sourires, agissant comme s'ils étaient amis proches, s'assurant que tous les sorciers présents puissent noter leur proximité et leur pseudo-complicité.

Puisqu'il avait besoin de sa coopération, Dumbledore le laissa faire, même si les simagrées de l'homme l'agaçaient prodigieusement. Lorsqu'il commença à en avoir marre, il prit une mine lugubre, et adopta un ton grave, annonciateur de mauvaises nouvelles.

Fudge réagit immédiatement : il vérifia d'un regard que personne n'avait surpris le changement de posture du Directeur de Poudlard puis l'entraîna à sa suite à l'écart, empressé. Il fit signe à un de ses assistants en lui demandant de faire patienter les invités quelques minutes, pour une affaire urgente qui requérait son intervention.

Dumbledore se laissa entraîner dans une petite pièce un peu à l'écart et attendit que Fudge eut fermé la porte et lancé un sort de silence.

Le Ministre fronça les sourcils.

- Que se passe-t-il ?

Dumbledore soupira et prit le temps d'ôter ses lunettes et de les essuyer avant de répondre.

- J'ai bien peut d'avoir de terribles nouvelles, mon cher ami.

- Quoi ?

Le ton du Ministre devenait agressif, son inquiétude était presque palpable. Le vieux sorcier lissa sa barbe, et regarda dans le vague, prenant un air qu'il espérait dévasté.

- Le jeune Potter... j'ai bien peur qu'il y ait eu un accident.

- Un accident de quel ordre ? Il est blessé ?

Dumbledore se tourna avant de répondre, comme pour cacher une émotion qu'il ne pourrait pas maîtriser.

- Il est mort.

Il retint difficilement un sourire en entendant le couinement paniqué du Ministre, et il attendit d'avoir repris le contrôle de son expression pour lui faire face de nouveau.

- Malheureusement vous n'ignorez pas que le jeune garçon avait un problème manifeste avec le règlement et l'autorité. Il avait pour ordre de rester en sécurité à Poudlard durant les vacances scolaires, mais... il a profité de mon absence momentanée de l'école pour se faufiler à l'extérieur.

Le Directeur de Poudlard s'interrompit un bref instant pour sortir un mouchoir bleu électrique de sa poche et le passer sous ses yeux pour essuyer des larmes inexistantes. Puis il continua sa petite histoire, alors que Fudge était muet d'horreur, pendu à ses lèvres.

- En découvrant son absence, j'ai tout mis en œuvre pour le retrouver... Mais malheureusement je n'ai pu le localiser qu'aujourd'hui même, sur le chemin de Traverse. Je m'y suis aussitôt rendu pour ramener le pauvre enfant...

Nouvelle pause dramatique. Ses yeux bleus pétillèrent un bref instant en voyant le Ministre pendu à ses lèvres, attendant la suite.

- Malheureusement, Voldemort est arrivé juste après moi. Pour une raison que j'ignore il a fait en sorte de ne pas être vu de la population, ce qui au moins a évité un massacre terrible et un mouvement de panique qui aurait pu être tragique.

Fudge laissa échapper un couinement misérable à l'idée d'avoir échappé à un tel drame, tout en frissonnant au nom du Mage noir. Il était parfaitement conscient qu'une telle catastrophe aurait poussé le monde magique à lui demander des comptes...

Dumbledore soupira et secoua la tête.

- Il me semble que je vous avais parlé des... difficultés qu'avait le pauvre Potter pour maîtriser l'occlumentie. Et cette défaillance lui a été fatale. Il semblerait que Vous-savez-qui en ait profité pour le détourner de la lumière et contrôler son esprit. J'ai tout tenté... vraiment tout pour le ramener...

Le vieux sorcier passa de nouveau son mouchoir sous ses yeux, et souffla.

- Je pensais avoir réussi mais Vous-savez-qui lui a jeté le sort de mort, probablement pour s'assurer que nous ne puissions pas récupérer notre Sauveur.

Fudge réagit immédiatement, visiblement catastrophé.

- Par Merlin ! C'est une catastrophe ! Comment allons-nous faire ?

- Sachez que je me battrais jusqu'au bout, Cornélius.

Le Ministre sembla se calmer légèrement et hocha la tête gravement.

- Le monde magique vous en sera éternellement reconnaissant, Albus. En attendant, je vous laisse carte blanche pour trouver une façon de vaincre et de libérer le monde magique de cette menace ! Il ne faut surtout pas que la population sorcière ne découvre à quel point la situation est sérieuse, ou ça sera la panique.

Dumbledore resta silencieux, affichant juste un léger sourire satisfait. Il allait mener son plan tranquillement, sans se préoccuper des désirs de cet incapable de Fudge.

Ce dernier redressa les épaules et ouvrit la porte d'un grand geste, un sourire plaqué sur les lèvres.

- Allons. Ne faisons pas attendre nos invités ! Miss Moldubec doit être impatiente de nous offrir un échantillon de son talent !

Apparences trompeusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant