Grossir en taille

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1981 - 1991

Après avoir lancé le sort qui aurait dû tuer le bambin qui hurlait dans son lit à s'en déchirer les cordes vocales, Voldemort s'était senti frappé en retour et il avait hurlé à son tour, alors qu'il avait l'impression que son âme se brisait irrémédiablement.

Mutiler son âme pour créer des horcruxes avait été quelque chose de douloureux. C'était un acte de Magie Noire contre nature après tout, qui nécessitait un sacrifice humain, et probablement une dose de folie pour oser profaner son propre corps de cette façon... Cependant cette douleur qu'il ressentait était pire que tout. Il en venait à souhaiter mourir pour que tout cesse, pour un peu de répit. Ses projets, sa vie, ses rêves... Rien n'avait plus le moindre sens alors qu'il se sentait écartelé dans un océan pourpre de souffrance pure, poussant des cris presque inhumains.

Il avait eu l'impression que son calvaire durait des heures, le supplice augmentant petit à petit comme si la bulle de souffrance qui l'étouffait était en train de grossir en taille jusqu'à l'écraser complètement. Puis tout s'était arrêté et il avait constaté avec soulagement qu'il n'avait plus aucune sensation. Ni chaud ni froid, ni douleur ni bien-être. Il était juste encore conscient de qui il était, de son passé également. Rien de plus.

Voldemort n'était même plus capable de déterminer où il était et ce qui s'était passé. La douleur avait tout englouti. Tout effacé.

Il était dans le noir, et il essaya d'ouvrir les yeux. Mais il ne ressentait plus son propre corps. Il avait l'impression de flotter, perdu, avant de légèrement paniquer.

Où était-il ? Que lui était il arrivé ?

Lord Voldemort fut un jeune garçon particulièrement intelligent. Tom Jedusor s'était souvent distingué pendant sa scolarité par sa capacité à réfléchir rapidement, sans se limiter aux idées préconçues.

Il devina que le sort de mort qu'il avait lancé sur le bébé était probablement la cause de son état. Quelque chose s'était terriblement mal passé, même s'il ne comprenait pas ce que ça pouvait être... Dans toutes ses lectures, il n'avait jamais entendu parler d'une telle chose.

De mémoire de sorcier, jamais personne n'avait pu survivre à un Avada. Et un tel sort - même s'il s'agissait de Magie Noire destinée à ôter la vie - ne pouvait pas avoir de telles répercussions sur le lanceur.

Il se plongea dans son esprit, se résumant la situation : Pettigrew avait trahi le fidelitas placé sur la maison des Potter, et lui était entré d'un pas conquérant, ravi de lire l'effroi sur le visage de James Potter. Excepté le fait qu'il était un Auror particulièrement agaçant, Voldemort ne voulait pas le tuer. Après tout, il était un sang-pur venant d'une noble famille.

L'Auror avait voulu jouer les héros - après tout il était un stupide Gryffondor - et s'était interposé, levant sa baguette sur lui. Alors, Voldemort l'avait tué d'un geste, sans le moindre remord. James Potter ne représentait rien pour lui.

Puis, il était entré dans la chambre de l'enfant. Le gamin pleurait et Lily Potter criait, lui ordonnant de partir, protégeant son fil avec une détermination qui forçait l'admiration. Bien qu'elle soit une sang-de-bourbe, Voldemort n'était pas venu pour elle. Juste pour l'enfant, celui de la prophétie.

Il avait tué Lily parce qu'elle refusait de courber l'échine devant lui, de céder et de le laisser s'occuper de son fils. Quelque part au fond de lui, une vague de jalousie l'avait envahi, alors qu'il regrettait n'avoir jamais connu ça. Personne ne s'était jamais soucié de lui. Personne ne l'avait jamais protégé de cette façon, au péril de sa propre vie.

En voyant sa mère au sol, le petit Harry avait hurlé de toutes ses forces, comme s'il comprenait que sa famille avait été décimée et qu'il était désormais seul. Avec un rictus satisfait, Voldemort avait lancé l'Avada.

Le Seigneur des Ténèbres une fois conscient des évènements qui venaient d'avoir lieu se rendit compte qu'il était toujours dans la maison Potter. Le gamin avec ses insupportables yeux verts trop brillants était assis dans son lit et sanglotait doucement, le regard perdu sur sa mère inerte. Vivant.

Et lui, Lord Voldemort, n'avait plus d'enveloppe corporelle. Il semblait que seule une part de son esprit - son âme mutilée à de multiples reprises peut-être - avait survécu. Lui qui rêvait de gloire et de puissance venait d'être réduit à presque néant par un gosse d'un an.

Avec un hurlement de rage, Voldemort se concentra pour quitter cette endroit. Il pensa à un endroit qu'il avait assidûment fréquenté à une époque. L'instant d'après, il n'était plus chez les Potter à Godric's Hollow. Il n'était même plus en Angleterre.

Désormais dépourvu d'existence tangible - il n'était qu'une conscience après tout - Voldemort retrouva avec plaisir un environnement familier. C'était un endroit où il s'était toujours senti en sécurité, apaisé, et il s'y retrouvait miraculeusement alors qu'il était totalement perdu.

L'esprit de Lord Voldemort était apparu au cœur d'une forêt en Albanie, à l'endroit même où il avait déniché le diadème de Serdaigle. L'endroit qu'Helena, la fille de la fondatrice avait choisi lorsqu'elle avait fui Poudlard par jalousie.

Les premiers temps, il errait dans ces lieux familiers, vide de toute vie humaine. Il n'avait plus conscience du temps qui passait, et plus rien n'avait réellement d'importance.

Bien sûr parfois il pensait à la guerre dans laquelle il s'était engagé, mais il ne pouvait pas réellement continuer alors qu'il n'existait plus.

A d'autres moments, il avait envie de vengeance. Il voulait faire payer Dumbledore et surtout le fichu gamin qui l'avait réduit à néant, alors qu'il ne savait ni marcher ni parler.

Peu à peu, il reprenait prise sur sa volonté, et l'objectif qu'il s'était fixé revenait de plus en plus souvent dans ses pensées. Il était mort depuis près d'un an quand pour la première fois il découvrit qu'il pouvait prendre quelques instants une forme... matérielle. Vivante.

Tout à fait par hasard, il s'était retrouvé à occuper le corps d'un petit écureuil. La conscience animale de la bestiole avait été repoussée au fond du corps poilu, tandis que Voldemort regardait autour de lui et apprenait à maîtriser le mammifère.

Il resta une heure dans le corps de l'écureuil, avant que ce dernier ne succombe à la possession. Poussé par la curiosité et l'envie de revenir au premier plan du monde magique, il s'employa à occuper le corps de petits animaux, cherchant les limites de cette étrange capacité. Il lui fallut peu de temps pour se rendre compte que plus l'animal était gros et intelligent, plus il pouvait rester longtemps dans son corps.

Voldemort n'était pas pressé : il était patient et savait qu'il ne devrait pas commettre d'erreur pour retrouver sa place et gagner la guerre. Aussi, une fois qu'il se fut entraîné à se mouvoir dans des corps animaux qui ne lui appartenaient pas, il décida de chercher un sorcier humain. Par chance, un homme étrange passa près de l'endroit qu'il hantait. En se jetant sur lui pour l'occuper, Voldemort laissa échapper un rire qui terrorisa sa victime savourant l'ironie du destin. Il allait revenir dans le monde magique anglais en utilisant le corps d'un professeur de Poudard. D'un professeur de Défense qui plus est.

Apparences trompeusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant