Cracher

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Fin 1995

Après l'incident du Chemin de Traverse, Tom s'était installé au Manoir Malefoy. Il avait décidé que Harry avait besoin de compagnie, et quoi de mieux qu'une maison où il y avait un garçon de son âge avec qui il s'entendait bien ?

L'adolescent n'avait pas protesté, même s'il avait été légèrement gêné de s'imposer ainsi. Cependant, les Malefoy l'avaient rapidement rassuré, lui assurant qu'ils étaient ravi de le compter parmi eux. De les compter, même si la présence de Tom semblait stresser toute la famille.

Le lendemain de l'attaque, Lucius s'était rendu au Ministère de bonne heure. Il avait plusieurs rendez-vous d'affaire, et il voulait en profiter pour s'assurer de la docilité de Fudge comme à son habitude. Il n'était pas dupe et savait pertinemment que l'homme était tellement faible qu'il se laissait manipuler de toutes parts, écoutant aussi bien les conseils venant des Mangemorts que de Dumbledore.

Cependant, la richesse et la puissance affichée par Lucius faisait régulièrement pencher la balance en sa faveur : son poids politique était suffisant pour permettre à cet avorton de rester au pouvoir, même s'il était évident qu'il n'avait aucune envergure.

Il détestait l'homme mais il savait que c'était un mal nécessaire. Il aimait la sensation d'être aux commandes du monde magique dans l'ombre, juste en chuchotant à l'oreille d'un sorcier trop stupide pour se rendre compte qu'il était manipulé.

Narcissa ne l'attendait pas avant le repas de midi. Elle connaissait parfaitement les habitudes de son mari, et son agenda était plein. Aussi, lorsque la cheminée s'illumina et qu'une silhouette en sortit, elle sursauta violemment, une main sur le cœur.

Néanmoins, Narcissa était une Black et une ancienne Serpentard : malgré la frayeur qu'elle avait eu, elle brandissait sa baguette de sa main libre, un impardonnable sur le bout des lèvres, à l'instant où la silhouette inconnue apparaissait.

En reconnaissant son mari, juste avant de lancer son sort, elle fronça les sourcils. Et en le voyant presque enragé, elle comprit que quelque chose s'était produit. Quelque chose de grave.

Habituellement, sang-pur oblige, Lucius était capable de garder son calme en toute circonstances. Quelque soit son humeur, il offrait au monde un visage impassible et rien ne pouvait le détourner de sa routine. C'était une façon de prouver sa supériorité de son propre aveu : montrer au petit peuple que les considérations bassement matérielles ne pouvaient pas l'atteindre.

Par un malencontreux hasard, ce fut à cet instant que Harry et le Lord descendirent de leurs chambres respectives ce matin-là. Si Harry resta en retrait, Voldemort pour sa part s'avança face à son Mangemort, les sourcils froncés.

- Lucius ? Un problème ?

Le Lord reprit contenance bien que son regard gris ne cachait rien de sa colère et de son agitation. Il grogna avant de commencer à s'expliquer.

- Maître. Je rentre du Ministère, j'y ai croisé Fudge. Et cet imbécile à cru bon de me faire quelques confidences au nom de notre amitié de longue date.

Harry leva les yeux vers Lucius, une lueur de curiosité passant dans son regard vert. L'aristocrate soupira et secoua la tête. Lucius pensa vaguement qu'il aurait préféré que Harry ne soit pas présent puisque l'information était à son sujet. Il estimait que le gamin en supportait assez pour ne pas lui ajouter en plus l'annonce des nouvelles qu'il avait appris.

- Il y avait une soirée en l'honneur de cette chanteuse, Célestina Moldubec...

Tom ricana, amusé.

- Cette vieille pie est encore en vie ? Elle chantait déjà quand je suis né !

Un bref sourire passa sur les lèvres de Lucius,qui était parfaitement conscient de la longévité de la chanteuse, et il continua, un peu plus calme, même si son esprit était toujours autant agité.

- Bref, Fudge y paradait, et Dumbledore, ce vieux fou, était présent. Il a annoncé à notre cher Ministre que le jeune Potter était mort. Pire encore, selon sa version, Harry a désobéi, s'est rendu au chemin de Traverse, a trahi le monde magique et a été tué par... par vous Maître... juste avant qu'il ne puisse le ramener à la Lumière.

Tom gronda, sa magie s'agitant déjà. Harry renifla et haussa les épaules.

- Et c'est tout ?

La colère des deux hommes retomba brusquement alors qu'ils dévisageaient l'adolescent, stupéfaits. Lucius se reprit assez rapidement.

- Quoi ? Ça ne te dérange pas ?

- J'ai déjà compris que Dumbledore était un menteur. Et puis... pour lui je suis réellement mort, il ne m'a pas vu ouvrir les yeux.

- Alors quoi ? Tu apparais en public pour le ridiculiser ? Après ça, il ne pourra plus vraiment cracher de venin...

Tom ne sembla pas apprécier la suggestion de Lucius, et s'apprêtait à protester, mais Harry fut plus rapide une fois encore.

- Je dois avouer que ça me plaît assez que tout le monde pense que je suis mort. Je veux dire... ils ne me chercheront plus, et ça me permet de ne pas avoir à prendre part à tout ce bazar. Sans ça, Dumbledore ne cesserait d'essayer de me contrôler à nouveau.

Narcissa eut un léger rire.

- Vu l'expression de mon cher époux, Harry, tu es doué pour te montrer surprenant. Je dois avouer que tu prends plutôt bien la situation...

Le jeune homme gloussa, les yeux pétillants, avant de retrouver son sérieux. Il resta silencieux quelques instants avant de reprendre, toute joie envolée.

- Le seul problème qu'il y a c'est que mes amis vont en souffrir. Hermione, mon parrain...

Tom lui posa une main sur l'épaule en signe de réconfort. Un peu mal à l'aise de consoler Harry devant les Malefoy, il essaya cependant de le rassurer comme il le pouvait.

- Pour ton amie Hermione, je suppose que Severus pourra veiller sur elle. Et puis, si tu as confiance en elle, rien ne t'interdit de lui écrire.

Harry secoua la tête vivement.

- Hors de question ! J'ai toute confiance en Hermione, mais je refuse de la mettre en danger !

Narcissa fronça les sourcils soudainement.

- Ton parrain... Il s'agit de mon cousin Sirius, n'est-ce-pas ? Quel est le problème avec lui ? C'est un Black, il est fort. Il ne va pas s'effondrer !

Harry grimaça.

- Azkaban a laissé des traces. J'ai peur qu'il... Qu'il ne perde la raison en apprenant ma mort, et qu'il ne fasse quelque chose de stupide. Il ne survivra pas à un autre passage en prison.

La conversation fut interrompue par l'arrivée de Drago, venant visiblement de se lever. Le regard encore embrumé, il bailla à s'en décrocher la mâchoire et regarda chaque personne présente d'un air surpris.

Il grogna.

- Quelqu'un est mort ou quoi ? Vous en faites des têtes !

Ses parents et Tom restèrent bouche bée, tandis que Harry partait dans un mémorable fou rire sous le regard stupéfait du blondinet.

Apparences trompeusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant