Mars 1996
Pour la plus grande surprise de ses Mangemorts, Tom avait suivi à la lettre les conseils de son célèbre petit frère. Il leur avait demandé de faire profil bas, de ne pas afficher la marque des Ténèbres – quelle qu'en soit la raison. Ils devaient faire comme s'il n'était jamais revenu... Le ton de Voldemort était sans appel et aucun de ses fidèles n'envisagea la moindre protestation : ils savaient tous qu'une punition terrible attendrait ceux qui ne respecteraient pas les ordres. Il était un Maître cruel et exigeant bien qu'il semblât un peu moins... pris de folie qu'auparavant.
Les premières semaines suivant l'annonce "officielle" de la mort de Harry, la Gazette publiait chaque jour les déclarations alarmistes de Dumbledore relayées par Fudge. Les deux hommes apparaissaient en photo, ensemble, discutant gravement, l'air soucieux : tout pour alimenter la paranoïa des lecteurs.
Dans un premier temps, il y eut une vague de panique parmi les sorciers, et le Chemin de Traverse et autres lieux publics furent désertés.
Puis, alors que la Gazette continuait à décrire un avenir apocalyptique, après la trahison de l'Élu, les sorciers se rendirent compte que rien ne se passait. Aucune attaque. Aucune preuve de ce qu'ils pouvaient lire chaque jour dans les journaux.
Contrairement à ce que prétendait la Gazette, il n'y avait aucune action de Mangemorts. Pas de morts. Même pas dans le monde moldu, ce que les nés-moldus s'empressèrent de confirmer.
*
Le Chemin de Traverse se repeupla, prudemment d'abord. Mais rien ne se passait, une fois encore. Alors, la guerre disparut des préoccupations du monde magique. Chacun reprit ses habitudes, indifférents aux cris d'alarme de la Gazette, commençant à penser que Dumbledore se faisait vieux et craintif.
Sauf que Rita Skeeter n'était pas prête à abandonner le filon. En plus des multiples témoignages d'enfants de Poudlard sur l'annonce de la mort de Harry Potter et de sa trahison, elle transcrivait avec une joie évidente toutes les déclarations du Ministre et de Dumbledore qui appelaient à la prudence et à l'effort de guerre.
Les parents d'élève - étrangement majoritairement les parents d'élèves de Serpentard bien que personne n'en fit la réflexion - commencèrent à demander des explications sur ce qui s'était réellement passé. Comment un élève mineur avait-il pu sortir de Poudlard et se retrouver sur le Chemin de Traverse comme l'avait déclaré Dumbledore, sans que celui-ci ne s'en rende compte ? Poudlard était sensé être l'endroit le plus sûr du monde magique, et les professeurs avaient la responsabilité des élèves après tout.
Lassés de cet alarmisme constant, les sorciers envoyèrent une nuée de beuglantes au siège de la Gazette et Barnabas Cuffe, le rédacteur en chef, finit par museler Rita Skeeter, refusant de publier la moindre chose provenant de Dumbledore ou concernant les Mangemorts et la guerre inexistante.
Presque deux mois plus tard - deux mois d'un silence assourdissant du côté des Ténèbres, Lucius Malefoy réussit enfin à faire plier le Magenmagot comme il le souhaitait. Fudge était trop malléable, et se laissait manipuler par les deux camps. Alors, il fit en sorte qu'il soit destitué et remplacé à la demande de son Maître.
Ce plan comportait des risques - rien n'empêchait que ce soit un sorcier acquis à la cause de Dumbledore qui soit nommé après tout - mais avec un peu de chance, le Directeur de Poudlard serait affaibli par ce changement soudain.
Rufus Scrimgeour - anciennement en charge des Aurors et connu pour être incorruptible - prit la tête du monde magique à la surprise générale, élu à la majorité par le Magenmagot.
En annonçant la nouvelle à son maître, Lucius craignait un Doloris - bien que depuis que Harry Potter était arrivé dans leurs vies, il n'avait pas encore reçu de punitions du Maître. Cependant, Voldemort se contenta de hocher la tête d'un air songeur et de le remercier de l'avoir prévenu. Puis, il reconduisit son ordre de faire profil bas, plus que jamais d'actualité.
Lorsque l'aristocrate rejoignit Narcissa dans leur chambre en grommelant, celle-ci éclata de rire.
- C'est une idée de Harry et crois-moi, ce gosse est un vrai Serpentard refoulé. Tu risques d'être surpris des résultats qu'il obtiendra le moment venu je pense...
Lucius pinça les lèvres mais resta silencieux : il savait qu'il valait mieux ne pas contredire une Black. Surtout quand celle-ci était sûre d'elle.
*
Dans son bureau à Poudlard, Dumbledore fulminait. Il ne pouvait pas croire que son stratagème ne donne rien. Le jeune Potter était mort, et après un petit désordre de quelques jours, le monde magique semblait avoir repris une vie normale.
Pire encore, Voldemort se tenait tranquille. Totalement silencieux, comme si sa conquête effrénée du monde magique ne l'intéressait soudainement plus.
Au lieu d'accueillir des soutiens et de récolter des fonds, il devait multiplier les interventions pour rappeler qu'ils étaient en guerre. Il avait l'impression désagréable de parler dans le vide. Les sorciers avaient la mémoire courte après tout.
Lorsque Fudge fut poussé à la démission, il se précipita au Ministère, cherchant à savoir ce qui s'était passé tout en voulant sauver les fesses de sa marionnette. Cependant, les membres du Magenmagot semblaient se méfier de lui, et il comprit à demi-mots que la vision du Ministre sur la situation du pays ne plaisait pas à tout le monde.
Lorsque Scrimgeour fut nommé, le vieux sorcier soupira, soulagé. Au moins, Scrimgeour avait été un combattant acharné de Voldemort pendant la première guerre des sorciers. Mieux, il était un Auror. Et il n'était pas connu pour être corruptible. Dans son esprit, il était évident qu'il serait un soutien solide pour l'Ordre du Phénix.
Aussi, dès qu'il eut pris ses fonctions, il se présenta à son bureau avec un sourire confiant.
Il lui rappela d'un ton paternaliste qu'ils ne devaient pas se laisser leurrer par un moment de calme, et qu'ils allaient devoir agir pour mettre le mage noir qui semait la terreur depuis bien trop longtemps hors d'état de nuire, et ce définitivement.
Sûr de lui, il continua son petit laïus sans s'occuper des réactions du Ministre.
- Il faut les forcer à sortir de leur trou. Frapper un grand coup pour en terminer. Vous devez envoyer les Aurors dans les Manoirs des anciennes familles Sang-pur soupçonnées de soutenir Vous-savez-qui et les malmener un peu. Quelques mois à Azkaban devraient être suffisants pour que nous récupérions l'avantage maintenant que le petit Potter est mort.
Scrimgeour se leva et se pencha en direction de Dumbledore, les yeux lançant des éclairs.
- S'en prendre aux familles sang-pur ? Aux lords et ladies d'Angleterre ? Sans aucune preuve ? Êtes vous devenu fou Dumbledore ?
- Ils sont affiliés aux Mangemorts mêmes s'ils ne portent pas la marque, tout le monde sait ça.
- Mangemort ou pas, même si l'un deux entrait ici en exposant la marque sur son bras, je ne lèverai pas le petit doigt. Le monde magique a retrouvé son calme. En l'absence de preuves que quelque chose se prépare, il est hors de question d'envoyer qui que ce soit à Azkaban sans une très bonne raison.
- Vous êtes inconscient Monsieur le nouveau Ministre. Une inconscience dangereuse !
- Mon boulot est de m'assurer que le monde magique soit calme. Que les moldus ne nous découvrent pas. Pas de lancer une chasse aux Mangemorts qui conduiraient à l'anarchie ! Les dommages de la première guerre se font encore sentir, et il n'est pas question de perdre plus d'anciennes familles !
- Mais...
- Augusta Longdubas est une lady sang-pur d'une vieille famille. Dois-je l'envoyer moisir à Azkaban parce que vous le désirez ?
Dumbledore ne répondit pas. Il se leva et sortit du bureau ministériel en claquant la porte. Scrimgeour se rassit et soupira, priant pour que Dumbledore ne se décide pas pour un nouveau plan qui entraînerait le chaos. Il prit conscience qu'il allait devoir garder un œil sur le Directeur de Poudlard pour éviter un nouveau désastre.
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Apparences trompeuses
FanfictionEt si l'histoire telle qu'on la connaissait n'était pas tout à fait vraie ? Et si un minuscule détail changeait ? Trois époques, trois destins entrelacés qui au final ne forment plus qu'une seule histoire.