Apparences trompeuses

Un vent glacial caressait son corps sans vie

Fin 1995

Les deux frères Potter faisaient face à Dumbledore, se tenant la main pour se soutenir mutuellement, alors qu'ils comprenaient que le vieux manipulateur était la cause de leurs malheurs. Ils avaient été malheureux d'aussi loin qu'ils se souviennent. Leurs enfances avaient été misérables. Ils avaient connu la peur, le rejet, la faim et les coups. L'un avait plongé dans les ténèbres, alors que l'autre était resté fixé dans la lumière.

Ils étaient liés depuis le début, par le sang d'abord, par la prophétie de Trewlanney ensuite. Les similitudes ne s'arrêtaient pas là, ils se ressemblaient bien plus qu'ils n'auraient pu le penser. Qu'ils puissent se retrouver ainsi tenait donc du miracle.

Si Harry avait encore eu quelques inquiétudes au sujet de ce frère qui tombait du ciel - et qui se retrouvait être par la pire des coïncidences celui qui voulait sa mort depuis sa naissance - les mots de Lily avaient effacé tout ressentiment qu'il aurait pu garder à son encontre. Tom avait peut-être tué leurs parents, mais il était depuis toujours sous le coup d'une malédiction. Elle n'avait jamais été levée par la faute de Dumbledore.

En parlant du Directeur de Poudlard, Harry avait rapidement compris qu'il ignorait qui était réellement Tom. Il n'avait pas fait le rapprochement, probablement parce que le destin avait fait fort cette fois-ci. C'était tellement... incroyable que ça ressemblait à une mauvaise blague cosmique.

Le pire pour eux était probablement de se rendre compte que Dumbledore ne semblait avoir aucuns regrets. Il estimait qu'il avait fait le nécessaire pour atteindre ses objectifs, pour le plus grand bien et pour sa réussite personnelle. Qu'il ait détruit la vie de deux enfants au moins n'était qu'un détail insignifiant.

Aux yeux de Dumbledore, l'intervention étrange des esprits des Potter était un fâcheux contretemps. Il allait être compliqué après ça de reprendre l'ascendant sur le jeune Harry, et il avait encore besoin de lui pour ses projets.

Il avait compté sur lui pour détruire Voldemort et il avait espéré que la malédiction prenne ensuite le relais pour lui offrir sur un plateau un nouveau mage noir en la personne du pauvre Sauveur. Il se lamenterait de la perte de son petit protégé, ce gamin qu'il voyait comme son propre petit-fils. Il le réduirait à néant en prétendant que ça lui arrachait le cœur et il trouverait bien une explication - corrompu par la Magie Noire de Voldemort serait une bonne idée.

Harry était certes puissant, mais le vieil homme avait veillé à ce qu'il ne puisse jamais atteindre son plein potentiel. Les privations et les maltraitances l'avaient rendu faible et craintif, suffisamment pour que Dumbledore n'ait rien à craindre lorsque viendrait le moment de l'éliminer.

Le Directeur de Poudlard regretta un instant de ne pas avoir quelques un de ses éternels bonbons au citron pour se réjouir de ce plan parfait. Puis, il agrippa fermement sa baguette, bien décidé à reprendre le contrôle. En premier lieu, en finir avec Voldemort. Il avait fait son temps pour maintenir le monde sorcier sous sa coupe, suffisamment effrayé pour ne pas remettre en question ses conseils. Ensuite, il allait devoir forcer ce petit démon de Gryffondor à plier, même s'il devait pour ça lui lancer l'Imperium.

D'un geste ample, il leva sa baguette et eut un rire mauvais. Enfin le moment était venu de mettre un point final à son plan commencé des années auparavant.

Puis, sans la moindre hésitation, il lança l'Avada à pleine puissance, pour contrer les effets de ce dôme mystérieux.

Le rayon vert fusa, et immédiatement Harry réagit. Il savait pertinemment qu'il n'y avait aucun bouclier permettant d'arrêter ce sort, quelque soit la puissance magique du lanceur. Il l'avait suffisamment entendu depuis qu'il connaissait le monde magique.

Il avait fait également quelques recherches, pour savoir pourquoi il avait survécu, lui et pas sa mère. Il savait donc qu'il était un cas unique, et que son cas ne s'était jamais produit dans l'histoire du monde magique.

Aussi, il n'eut pas la moindre hésitation, pas le moindre doute. Il venait de retrouver son grand frère, et il voulait lui donner une seconde chance. La possibilité de redevenir Thomas Potter, celui qu'il aurait dû toujours être, en espérant qu'il soit heureux. Tom n'avait jamais eu droit au bonheur après tout...

Il se précipita devant lui, faisant écran de son corps.

La scène fut si rapide que personne ne put réagir. Le rayon toucha Harry en plein mouvement, et le petit brun s'écroula sur le sol comme une marionnette à qui on aurait coupé les fils.

Un vent glacial caressait son corps sans vie et soulevait paresseusement ses épais cheveux noirs, exposant la cicatrice qui l'avait rendu tellement célèbre.

Voldemort resta figé par la surprise, ne comprenant pas immédiatement ce qui venait de se passer. Il regardait le corps de son ancien ennemi, de son petit frère tombé du ciel, étendu sur le sol, celui qui lui avait permis de retrouver sa raison, celui qui avait réveillé un cœur qu'il pensait mort. Il s'était pris d'affection pour lui, parce que ce fichu gosse était imprévisible. Harry l'avait pardonné, il l'avait rejoint, et il l'avait accepté sans sourciller. Et il venait de se sacrifier pour lui sauver la vie, comme s'il en valait la peine.

Les poings serrés, Voldemort sentit la rage monter en lui. Harry aurait mérité de vivre heureux, et libre. Pas de se retrouver à terre, tué par Dumbledore. Il n'aurait jamais dû mourir en le sauvant lui, le monstre sanguinaire.

Face à lui, Dumbledore baissa le bras, stupéfait.

Son plan si parfait venait de s'effondrer à cause de l'impulsivité incompréhensible de son écervelé d'élève. S'il avait eu l'espoir de ramener Harry sous sa coupe, il savait qu'il ne pourrait rien face à Voldemort. Son ancien élève était perdu depuis trop de temps pour espérer en tirer quelque chose.

Pire encore, en se sacrifiant volontairement pour sauver le Mage Noir, Harry venait de lui offrir une protection magique aussi forte que celle de Lily Potter. Comment Harry avait il pu changer de camp aussi vite et aussi radicalement ? Il se demandait ce qu'il avait pu louper pour en arriver à ce résultat.

Rejoindre les Mangemorts était une chose. Se sacrifier pour son Maître en était une autre que très peu de Mangemorts auraient fait.

Les yeux fixés sur le corps inerte de l'adolescent, Dumbledore ignora les esprits de Lily et James qui semblaient dévastés. Et bien qu'ils n'aient aucunes prises sur le monde réel, matériel, ils sentaient tous les deux la magie de Thomas s'agiter violemment, grossissant sous sa colère, prête à dévaster tout sur son passage.

Sans Harry pour le calmer, il était fort probable que le mage noir ne détruise tout sur son passage, causant un carnage sans précédent...