𝙸 - 𝙳é𝚙𝚛𝚒𝚖𝚎, 𝚛𝚘𝚜𝚎 𝚎𝚝 𝚓𝚘𝚒𝚎

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Morrigane avait l'esprit ailleurs en cette journée pluvieuse au Deucalion. Ces vacances d'Hiver semblaient s'éterniser, et elle aurait donné n'importe quoi pour retourner au Sowun. En cet instant, même revoir Meurgatre la Maîtresse Initiatrice lui procurerait un plaisir immense. Jupiter étant encore une fois en déplacement, et Jack n'étant pas au Deucalion pour les vacances, Morrigane se sentait bien seule. Même les membres de son unité passaient leurs vacances en famille. Oh, le personnel de l'hôtel avait bien essayé de la sortir de sa déprime, mais rien ne marchait. Ni les merveilleuses fêtes de Frank le vampire nain, ni la douceur de Martha la femme de chambre, ni même la merveilleuse voix de Dame Chanda. Couchée sur un des bancs du Fumoir, Morrigane poussa un soupir à fendre l'âme.

-Hé bien ma chérie, fit une voix derrière le rideau de fumée rose pâle. La senteur du jour ne te procure donc aucune satisfaction ?

Surprise, Morrigane plissa des yeux pour voir à travers le rideau de fumée. Elle reconnut aussitôt Dame Chanda, assise élégamment sur son banc, les yeux fermés, détendue.

-Non, pas vraiment, répond la fillette. Je m'ennuie à mourir. Quand est-ce que Jupiter va rentrer ?

Cette question, Morrigane avait dû la poser au personnel de l'hôtel un bon milliard de fois. Mais, à chaque fois, on lui donnait la même réponse.

-Pas tout de suite, mon ange.

Dame Chanda lui offrit un sourire crispé, et le cœur de Morrigane se fana encore un peu plus. N'ayant soudainement plus aucune envie de respirer la senteur du jour ( Senteur côton-tout-doux-et-tout-rose pour « effacer l'ennuie et le stresse de son corps » ), elle décida de descendre dans le hall de l'hôtel, là où normalement, quelque chose est toujours entrain de se trâmer.

-Morrigane ! S'exclama Martha, la mine rassurée. Tu as fini par montrer le bout de ton nez ! Je te cherchais partout !

Un grand sourire barrait son visage. Morrigane avait beau adorer Martha, elle ne comprenait pas ce qu'il pouvait y avoir de si réjouissant en un jour si pourri.

-Il est rentré ! S'écria-t-elle, voyant que Morrigane ne réagissait pas.

-Qui est rentré ? Demanda-t-elle, sachant pertinemment de qui Martha voulait parler.

Mais elle ne voulait pas se faire de faux espoirs. Elle ne pourrait pas supporter une autre déception aujourd'hui. Alors, elle essaya à tout prix d'éteindre de toutes ses forces cette petite flamme venant de s'allumer dans son cœur. Juste au cas où.

-Je parle du Capitaine Nord enfin ! Il est rentré ! Et il t'attend dans son bureau. Il voulait te faire une surprise, mais étant donné que nous n'avions aucune idée de là où tu étais...

Le bonheur de Morrigane explosa en un joyeux feu d'artifice de cris de joie, de sauts dans le hall d'entrée, sous le rire ravis de Martha, et des regards surpris de la part des clients. Kedgeree, le concierge, s'avança vers elles.

-Cependant Morrigane, il n'a pas l'air dans son assiette. Alors si tu pouvais être... indulgente envers lui ? Crois-moi, il s'en veut terriblement de ne pas avoir été là pour toi ces derniers jours. Mais il n'avait pas le choix.

-IL EST PARDONNÉ ! Hurla Morrigane, courant déjà dans les escaliers pour rejoindre son mécène dans son bureau.

À peine arrivée devant, elle ouvrit la porte du bureau à la volée. Jupiter ne sourcilla même pas, et se leva d'un bond de son siège pour accueillir d'un câlin Morrigane. Décidément, ils s'étaient vraiment manqué. La barbe rousse flamboyante de son mécène lui chatouilla le visage. Mais elle s'en fichait.

-Comment tu vas, ma petite Mo....

Jupiter se stoppa net dans sa phrase lorsqu'il observa Morrigane de plus près. Il semblait abasourdi.

-Mais, Mog... c'est quoi.... tout ça ! S'exclame-t-il, faisant des gestes ridicules autour d'elle comme s'il chassait une mouche.

-Tu n'aimes pas ma coupe ? Je pensais...

-Morrigane.

La voix autoritaire de Jupiter lui fit fermer la bouche immédiatement. Il ne plaisantait pas.

-Qu'est-ce qu'il ne va pas ?

-Rien ! Tout va bien, pourquoi tu...

-Ne me ment pas, Mog, souffle-t-il, l'air un peu déçu. Je peux le voir.

Rien ne pouvait plus blesser Morrigane que la voix déçue de son mécène.

-C'est juste que tu es parti longtemps et... tu m'as manqué, finit-elle par avouer.

-Mog... la réprimande-t-il gentillement, l'emmenant s'asseoir sur un fauteuil prêt du feu. Je te l'ai déjà dit, il ne faut surtout pas laisser tes émotions négatives te consumer. Tu sais bien pourquoi... ton Wunder pourrait s'en servir contre toi.

-Je suis désolée... mais si ça peut te rassurer, dit-elle dans un grand sourire, maintenant que t'es rentré, ça va beaucoup mieux !

-Je suis ravi de l'entendre, affirme-t-il, un petit sourire triste aux lèvres.

Voyant bien que son mécène n'était pas au mieux de sa forme, elle l'observa quelques secondes leur préparer du thé, ébouriffer de temps en temps sa crinière rousse emmêlée. Il ne semblait pas avoir dormi depuis plusieurs jours. Morrigane n'avait peut-être pas le pouvoir du Témoin de Jupiter, mais elle savait quand il allait mal. Lorsqu'il revint s'asseoir à ses côtés, elle se risqua à lui poser la question.

-Jupiter... est-ce que ça va ?

Perturbé quelques secondes, il la regarda un certain temps avant de répondre.

-Disons que je n'ai pas passé le meilleur des mois, Mog. J'ai per.....

Il ne continua pas sa phrase, se rendant compte qu'il était allé trop loin.

-Tu as quoi ? Demande Morrigane, maintenant avide de connaître la suite.

-Rien, oublie ça, dit-il rapidement, buvant une gorgée de son thé brûlant. Alors, comment tu t'es occupé pendant mon absence ?

-C'est hors de question que tu changes encore une fois de sujet, Jupiter. Tu m'en as trop dit, maintenant je veux savoir.

Son mécène l'observa quelques secondes, amusé et un peu contrit.

-Depuis quand as-tu autant grandi ? Lui demande-t-il, l'air nostalgique, une main sous son menton. Bon... après tout je pense que tu es assez grande pour que je te le dise. Cette semaine, deux de mes amis d'enfance ont été retrouvés morts. Les Furtifs m'ont demandé de l'aide, et j'ai dû assister aux funérailles. C'est pour ça que je n'étais pas là.

Morrigane sentit une radiation de culpabilité lui ronger tout son corps.

-Oh mon dieu... Jupiter, je suis tellement désolée ! Et moi qui me plaignais parce que je m'ennuyais !

-Ne sois pas désolée, ma puce, lui dit-il avec quelques larmes mortes dans les yeux. Tu ne pouvais pas savoir.

Il lui prit les mains, et les pressa doucement.

-Et puis, après tout, tu m'as beaucoup manqué aussi tu sais ! Ajoute-t-il avec un clin d'œil.

Morrigane se demandait si c'était pour feindre l'indifférence, ou pour chasser ses larmes. Mais, elle ne put y réfléchir plus longtemps puisque Jupiter lui arracha sa tasse des mains, et l'emporta déjà dans l'hôtel pour rattraper tout le temps perdu. Un gros sourire aux lèvres, le cœur plein de bonheur malgré les nouvelles de son mécène, elle ne s'empêcha pas de soupirer d'aise. Alors que la main chaude de Jupiter serrait celle, petite et froide de Morrigane, la déprime de ces derniers jours fut très vite oubliée.

Morrigane et l'appel du mal Où les histoires vivent. Découvrez maintenant