La légende de l'Oiseau de feu

27 mai 1942

Aujourd'hui, la 588e unité était la première à quitter Engels. Marina Raskova accompagnait le régiment afin d'assurer le transfert de commandement. Elles seront confiée à , qui se trouvait déjà sur leur nouvelle base à Vorochilovgrad, sur le front.

Elles étaient parties depuis environ une heure lorsque les avions se firent secouer. Trois chasseurs venaient de passer à travers leur formation. Les ailes avaient été prises par les remous de leurs turbulences. Raskova vit la plupart des autres avions descendre subitement en piqué tout en se dispersant dans toutes les directions. Ils descendaient à une vitesse folle, probablement bien plus élevée que la vitesse autorisée. Les pilotes devaient certainement entendre le vent siffler en passant rapidement dans les mâts et les haubanages des ailes de leurs Po-2. Le commandant savait ce qui leur était passé par la tête : elles avaient pris les chasseurs pour des avions ennemis. C'étaient pourtant des avions russes sensés les escorter. Elles n'étaient pas au courant de cette information. Elle ne la leur avait pas partagée pour les tester une dernière fois mais les pilotes n'avaient apparemment pas été attentives à ce qui les entourait. Ce qui rassurait tout de même en partie Raskova, c'est qu'elles appliquaient les techniques de fuites et de camouflage qui leur avaient été enseignées. Elles descendaient le plus rapidement possible en direction du sol. Aux alentours de 300 mètres d'altitude, elles redresseraient leur Polikarpov Po-2 et continueraient leur descente jusqu'à être au plus près du sol, là où elles seraient pratiquement invisibles, de jour, grâce à leur camouflage vert et brun. L'Oiseau de feu ne voyait plus les chasseurs. Ils avaient dû descendre à leur poursuite pour se moquer d'elles par la suite. Ils ne faisaient qu'empirer la situation. Tant pis, elle les retrouverai à la base.

Arrivée à la base, elle descendit de son avion et attendit le reste de ses soldats. Elles arrivèrent presque toutes ensemble une dizaine de minutes plus tard. Elles vinrent vers elle précipitamment en lui expliquant qu'elles ne comprenaient pas pourquoi les chasseurs ennemis ne leur avaient pas tiré dessus. Raskova les arrêta immédiatement en leur disant qu'elle devait leur parler sur le champ. Elles se rassemblèrent devant leurs avions et la regardèrent attentivement en attendant qu'elle prenne la parole.

- Je sais que beaucoup d'entre vous sont troublées par les évènements qui viennent de se passer. Les chasseurs que vous avez vu passer au travers de notre formation n'étaient pas des avions ennemis. C'étaient des chasseurs russes sensés nous escorter, ce qui explique pourquoi ils n'ont pas ouvert le feu sur vous.

Le commandant marqua une légère pause afin de passer son regard sur chacune d'entre elles.

- Je suis très déçue et même en colère de voir que vous avez fait preuve d'une telle négligence. Votre manque d'attention lors de ce transfert est une faute grave. C'est un comportement qui ne doit jamais se reproduire. Les chasseurs auraient pu être des chasseurs ennemis ! Ils ne vous auraient fait aucun cadeau. Beaucoup d'entre vous auraient été blessées. Certaines auraient même été tuées. C'est un risque qui sera toujours présent mais qui l'était d'une façon démesurée à cause de votre manque de concentration. En plus de ça, vous avez fait honte aux régiments féminins. Les hommes sont déjà suffisamment réticents à la présence des femmes sur le front. Votre incompétence leur rajoute des arguments pour prouver qu'aucune fille n'a sa place dans l'armée. Heureusement que vous avez au moins exécuté avec application les procédures de fuite qu'on vous a enseignées. Mais ce n'est pas suffisant ! C'est un comportement que je ne veux jamais revoir.

Le régiment était maintenant sous les ordresdu commandant Berchanskaya. Le commandant Raskova s'éloigna vers son avion sansjeter de regard en arrière. Elle ne reverra probablement jamais la plupart deces filles. Sa déception pouvait se lire sur son visage. Elle espéraitsincèrement qu'elles arriveraient à tirer des leçons de ce vol catastrophique.