Chapitre 2

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Toute illusion a une fin, plus ou moins dure à accepter. Elle se dissipe petit à petit, et le moment fatidique où tout a disparu, où il faut admettre que c'est fini, il faut revenir à la réalité.
Madison se tient debout dans l'encadrement de la porte. Sur le canapé, elle remarque une ombre qu'elle ne connait que trop bien, celle de son frère, affalé comme à son habitude, en train d'insulter l'adversaire qui vient de tuer son personnage de jeu vidéo. Tayler est là, il l'a vu entrer et s'est finalement reconcentrer sur son jeu. C'est vrai que c'est plus important que sa petite sœur, bien plus important. Madison s'apprête à monter l'étage quand elle distingue un "ça va ?" désintéressé. Ces deux petits mots eurent l'effet d'une bombe sur Madison. Elle fond en larme, les nerfs ont lâché.
Elle plaque ses mains sur sa bouche pour retenir un cri, dont elle est incapable de supporter l'écho. Ce cri, c'est un appel au secours, un appel à l'aide, un appel qui dit "Je n'en peux plus."; "Je ne peux plus.". Elle monte les marches quatre par quatre, et une fois arrivée en haut, elle se retourne et ne peut que constater l'absence de son frère.
Il n'est pas là pour la secourir, pour l'aider. Il n'a pas su voir, ni comprendre ces signes qui annoncent que quelque chose ne tourne pas rond. Il n'est pas là. Ce frère qui pourtant quelques années auparavant, aurait tout de suite remarqué que quelque chose n'allait pas, et qui lui aurait demander si ça aller vraiment.
Car malheureusement de nos jours, nous avons la fâcheuse tendance, à demander si ça va, sans en attendre vraiment la réponse et sans le penser vraiment. Et ce jour-là, non, ça n'allait pas; ça n'allait plus depuis longtemps. Peut-être qu'il joué à l'autruche ou peut-être qu'il a vraiment changé, et pour de bon.
Un changement radical sur lequel est inscrit en lettres minuscules, qu'il n'y a pas de retour en arrière.
Aujourd'hui, ça n'allait pas. Aujourd'hui, Madison a eu droit à sa routine quotidienne. Tôt ce matin, elle a été réveillée par un message, c'est Clara, une fille de sa classe, un peu comme elle, surtout comme elle. Elles ont les mêmes goûts, les mêmes playlists, les mêmes amours... Clara lui annonce que ce soir, il va y avoir une fête "extra" et lui demande si elle sera de la partie. Machinalement, elle répond "oui", un tout petit oui, sans fond, ni sens, tout simplement sans intérêt.
Cela faisait maintenant quelques années que Madison était de toutes les fêtes, de toute les soirées, au début c'était pour faire comme tout le monde et un peu par curiosité, mais depuis quelques mois, le cœur n'y était plus. Il n'y avait plus ce pique d'adrénaline et cette peur au moment de faire le mur. Il n'y avait tout simplement plus rien.
Un souvenir lui revint alors, celui de ce jour où son frère l'avait surprise en train d'escalader le portail, qu'est-ce qu'ils avaient ri ce jour-là. Tayler n'était pas encore l'ombre qu'il est aujourd'hui, non, c'était un jeune homme plein de vie. Ça lui arrivait même parfois de se laisser entraîner par Madison à l'une de ses soirées.
Puis comme un réflexe, Madison se perd sur les réseaux sociaux, scrutant les moindres détails de chaque photo où elle apparaît, elle semble chercher un défaut ou quelque qui la rende vulnérable aux yeux du monde. En suite vient le tour de toutes les personnes qu'elle connaît, amis, ennemis ou juste simple connaissance, elle sonde chaque photo, dans l'espoir de trouver quelque chose d'attaquable. Elle finit par remarquer ce petit bouton mal camouflé sur une photo de Kate. Voilà, elle a trouvé sa cible.
Telle une montre à gousset, à 6h42, elle se lève de son lit pour se diriger vers sa coiffeuse, et comme chaque matin, Madison répète les mêmes étapes : eau micellaire, crème de jour, correcteur, bronzer, blush, highlighter, ombre à paupière, mascara, crayon à sourcil et lissage de cheveux. Puis c'est direction la salle de bain pour se brosser les dents et retour à la case départ, pour choisir la tenue du jour. Aujourd'hui, son choix s'est porté sur un crop top, un jean boyfriend, sa paire de baskets préférée et une veste en cuir.
Elle descend alors les escaliers, se dirige vers le couloir et marque un arrêt devant le miroir de l'entrée, pour la touche finale, le rouge à lèvre. Il s'agit d'un rouge à lèvre dont la teinte est entre le vermillon et le carmin, la couleur est très singulière. Mais aujourd'hui, l'effet qu'il produisait, s'était comme éteint, et comparé au reste, ce n'était rien.
Malgré tous ses efforts, Madison, pour la première fois, n'a pas réussi à cacher ce manque de vie, c'est comme si son charme s'était évanoui et qu'il ne lui restait plus qu'à prier pour que personne ne le remarque. Mais au fond, ça, ça ne compte pas vraiment, elle, elle sait que quelque chose n'est pas comme d'habitude. Et elle sait que ça la torturera jusqu'à la fin de la journée.
Madison porte sur elle-même un regard distant, comme si cette personne ce n'était pas elle, et donc, se comporte avec elle-même comme avec les autres, avec froideur et dédain.

𝑴𝒂𝒅𝒊𝒔𝒐𝒏 𝑩𝒍𝒂𝒌𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant