Chapitre 4

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Ce contact fit remonter quelque chose, qui depuis des années, était enfui dans un des recoins les plus reculés de sa mémoire. En tant que lecteur, on se doute du genre de souvenir qui venait de remonter à la surface. Mais en tant que Madison, la seule chose qu'elle pouvait visualiser, c'était elle; à onze ou douze ans, recroquevillée dans un coin. Les visions du passé et du présent se superposaient alors, et elle était incapable de les dissocier. Le jeune homme, qui était toujours là, ne comprit pas ce qui venait de se passer. Il tenta de l'aider à se relever, ce geste pourtant bienveillant, effraya encore plus Madison, elle se mis à hurler. La colère s'empara d'elle. Elle le repoussa violement, sa tête heurta le rebord de la commode.
Réalisant la portée de son geste, son premier réflexe fut de vérifier qu'il était toujours en vie. Elle prit délicatement sa main pour vérifier son pouls, rien. Puis, elle tenta de lui faire un massage cardiaque, de lui faire du bouche-à-bouche, de panser la plaie, rien à faire, il était mort. Elle était paniquée, dans un état psychologique dérangé. Elle était incapable de réfléchir ou d'agir. Elle était là, pétrifiée, de retour dans son coin, la tête dans les genoux.
Madison resta ainsi plusieurs heures, elle aurait pu continuer ainsi, si les vibrations de son téléphone ne l'avaient pas obligé à sortir de cet état de stupeur. C'était Tayler, il s'inquiétait de ne pas la voir rentrer. Il lui avait laissé de nombreux messages et appelé trois fois déjà. Elle lui répondit que tout allait bien, qu'elle s'était juste endormie et qu'elle ne tarderait pas à rentrer.
Doucement, elle leva les yeux, forcée de constater que le corps était toujours là, et gisait à quelques mètres d'elle. Il est impossible de savoir ce qui lui ai passé par la tête à ce moment-là, mais quelques secondes plus tard, elle était là, son téléphone à la main, en train d'appeler la police. Peut-être avait-elle l'envie de se dénoncer ou peut-être avait-elle l'envie de se disculper. C'était un accident certes, mais comment pouvait-elle justifier son geste ? Elle avait tué un homme qui ne lui avait fait aucun mal, qui ne lui voulait aucun mal, qu'elle connaissait à peine. Comment expliquer qu'elle avait été prise d'une pulsion meurtrière qu'elle-même ne comprenais pas ? Comment expliquer que l'homme qu'elle avait repoussé ce n'était pas ce Steven, mais un autre qu'elle ne pouvait décrire ou nommer ?
La police arriva sur les lieux et trouva Madison, encore et toujours dans son coin. Sur le moment, Madison ne réfléchit pas, et se jeta dans les bras d'une lieutenante de police. Après quelques minutes, elle se sentie mieux et recoula d'un pas. Le regard interrogateur de la lieutenante se posa alors sur elle, Madison se sentie obligée d'expliquer son histoire. Elle connaissait à peine ce jeune homme, et l'avait trouvé comme ça, bien sûr, elle avait essayé de le sauver mais il était trop tard, il était déjà mort. Son speech était convainquant mais il manquait quelque chose, la lieutenante lui demanda de l'accompagner dans une autre pièce pour y être plus au calme. L'instinct de la lieutenante lui criait que quelque chose clochait dans son récit et elle voulait en avoir le cœur net. Elles s'assirent côte à côte, et la lieutenante tenta un coup de bluff. "Je sais ce qu'il s'est vraiment passé." lui dit-elle. Madison était déconcertée mais elle aussi avait quelques cartes dans sa manche et elle lui dit sur le ton de la sincérité : "Je le connais c'est vrai. Il y a quelques mois, nous nous sommes rencontrés dans un bar, il m'a plu tout de suite. Nous avons discuté et puis il m'a ramené chez lui. J'avoue, j'ai été naïve de croire qu'il voulait juste me montrer sa collection de livre. Une fois arrivée dans sa chambre, je n'ai pu que remarqué l'absence totale de livres. Il y avait vraiment une ambiance malsaine, mais je l'attribuait au simple fait que je ne m'étais pas sentie bien de toute la journée. C'est alors que je me suis retournée que je l'ai vu, me barrant la porte. Il s'est approché de moi et m'a...". Elle ne termina pas sa phrase. La lieutenante était stupéfaite et fière à la fois d'avoir obtenus de telles confidences grâce à un coup de bluff. En réalité, la lieutenante était bien loin de s'imaginer que la pauvre jeune fille qu'elle avait devant elle, s'était rendue compte de son stratagème et avait décidé de la piéger en retour.
Madison continua son monologue : "Depuis, je ne suis plus vraiment la même je l'avoue. Je me méfie de tout et de tout le monde. Je ne peux plus regarder un homme dans les yeux sans avoir peur ou honte. Je ne sors presque plus. Mais aujourd'hui, je sentais que j'en avais besoin, que je ne pouvais plus continuer à vivre cette vie-là. Alors j'ai accepté de venir à cette soirée. Je ne sais plus trop pourquoi mais à un moment je ne me suis pas sentie bien, alors je suis montée à l'étage pour trouver la salle de bain et puis j'ai ouvert cette porte et... Je l'ai trouvé là gisant au sol, la tête fracassée. Sur le moment je ne l'ai pas reconnu et j'ai tout essayé pour le sauver, je le jure. Et puis, je me suis rendue à l'évidence, il était mort. Je n'ai pas réfléchi et je vous ai appelé. J'étais paniquée à l'idée qu'on me soupçonne, ce qui est normal étant donné ce qu'il m'a fait. Bien sûr j'ai pensé à m'enfuir, à refermer cette porte, mais je ne l'ai pas fait, je savais que j'aurais eu l'air encore plus coupable après ça. Je ne serais pas surprise d'apprendre qu'il a tenté de faire ce qu'il m'a fait à une autre fille, et que celle-ci a eu le courage de se défendre.".
Vous savez le plus étrange, dans le récit de Madison, c'est qu'il n'était pas totalement faux.

𝑴𝒂𝒅𝒊𝒔𝒐𝒏 𝑩𝒍𝒂𝒌𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant