Chapitre 9

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Cela faisait maintenant trois semaines, que Madison avait décidé de refouler ses souvenirs, et depuis, plus aucun n'avait refait surface. Petit à petit, elle retrouvait un semblant de vie normale. Tout ce qui se passait dans sa vie était divisé en deux catégories : souvenir à garder ou souvenir à jeter. Pour elle, ce choix était devenu très simple, et malheureusement, de plus en plus de souvenirs se retrouvaient dans la catégorie souvenir à jeter. Elle faisait le tri, elle ne cherchait même plus à savoir si ces souvenirs comptaient ou non pour elle, si d'une certaine manière ils l'avaient forgé. Tout lui était devenu atroce et insoutenable, même les choses les plus banales étaient devenues trop dures à supporter.
L'autre jour, elle avait renversé le pot de confiture par terre, elle s'était effondrée. Son frère entrait dans la cuisine à cemoment-là, il pensa qu'elle était juste sur les nerfs. Mais en réalité, Madison pleurait toutes les nuits. Il s'agissait parfois de larmes de colère, parfoisde larmes de honte, et parfois de larmes d'épuisement. Il ne faut pas croire que Madison aimait la personne qu'elle était devenue. Non, elle la détestait,mais en même temps, elle lui était reconnaissante d'exister. Sans cette autre version d'elle-même, elle n'aurait pas pu tout supporter. Elle pensait naïvement qu'une fois qu'elle se sentirait mieux, elle pourrait reprendre le contrôle, et que Madison la peste, laisserait la place à Madison la gentille. Elle n'était plus tellement sûre de laquelle des Madison, elle était vraiment. Mais pour l'instant, la peste était aux commandes, et ne s'en sortait pas trop mal.
Les gens changent certes, mais il reste toujours une petite part de notre ancienne version en nous, on ne peut pas tout effacer en un claquement de doigts.
Et pourtant, Madison cherchait à prouver le contraire. Elle voulait que tout le monde la déteste, elle voulait que tout le monde se moque de ce qui pourrait bien lui arriver. Peut-être que c'était ça son plan depuis le début, se faire haïr, avant de disparaître de cette terre, comme ça, personne ne la pleurerait, personne ne la regretterait. Elle voulait peut-être que le jour de l'annonce de sa mort, qu'on puisse lire sur le visage de ses petits camarades leur surprise. Peut-être, qu'elle voulait que personne n'ait assez de peine pour lui faire regretter son geste.
La vérité derrière tout ça, c'est qu'elle était déjà morte, il y avait trop longtemps maintenant qu'elle vivait en sursis, trop longtemps qu'elle vivait la vie d'une autre. Bien sûr qu'elle aurait pu être heureuse, bien sûr qu'elle aurait pu mener une vie de rêve. Mais cela faisait maintenant six qu'elle marchait sur un fil. L'illusion s'était rompue, et elle devait se préparer à la chute qui lui était destinée. C'est très fataliste, je sais, mais lorsque qu'on arrive au bord de la falaise et que toutau long du voyage, on s'est préparé à la chute, le moment venu, il n'y plus d'hésitation. Madison était en chemin, elle savait ce qui l'attendait. Vous me direz sûrement qu'avec de la volonté, on peut se remettre de tout, et je pense que ce n'est pas totalement faux. Certaines personnes peuvent se relever, d'autres non. Lorsqu'on se réveille le matin et qu'on se couche le soir, sans rêves ni espoirs, qu'on supporte toute la journée le poids écrasant de nos actes et qu'on a l'impression de périr à petits feux, non, je ne pense pas que l'insu soit spécialement fataliste. Voilà ce que Madison ressentait chaque jour, mais elle était devenue experte dans l'art de cacher ses sentiments.
Alors oui, je vous ai vendu mon histoire comme étant une histoire d'amour qui finit mal, mais ne vous inquiétez pas, j'y viens. Oui, il s'agit bien d'une histoire d'amour. Il était une fois, une jeune fille de onze ans, qui rêvait de trouver son prince charmant. Une matinée de printemps, elle rencontra, celui qui devait être son prince. Il s'appelait Louis Holen, et il venait d'emménager dans son quartier. Il était à peine plus vieux que Madison, et c'était un ange. Très vite, lui et Madison sont devenus inséparables, lorsqu'on cherchait l'un, on était sûr de trouver l'autre avec. Ils passaient leurs journées à jouer ensemble, soit au parc, soit chez ou l'autre. Ça peut paraître trop beau pour être vrai, mais leur amitié était tout ce qu'il y a de plus réel. C'était simple, innocent, juste beau. Bien sûr, pour Madison, il y avait un peu plus que de l'amitié, mais bizarrement, leur relation actuelle lui suffisait, elle n'avait pas besoin de plus, elle n'avait pas envie de plus. Il faut dire que Louis était beau garçon, il avait un de ces sourires ravageurs qui font tomber toutes les filles à leurs pieds. Mais contrairement à ce qu'on pourrait penser, il n'utilisait pas son charme pour jouer avec les sentiments des filles, non, c'était vraiment un mec bien.
Lui aussi avait un passif douloureux, sa mère était morte quelques semaines après sa naissance, et son père lui faisait payer cher le prix de la disparition de sa femme. Il était très dur avec son fils, il lui faisait sans cesse des reproches inutiles, Louis les encaissait du mieux qu'il pouvait. Parfois, Madison le surprenait à pleurer, cette image l'avait marquée. De voir ce garçon qui en apparence semblait n'avoir jamais connue la tristesse, laissait transparaître sa souffrance, elle trouvait cela touchant. Elle voulait du plus profond de son cœur, l'aider à traverser cette période difficile, elle voulait qu'il continu à se battre pour son bonheur. C'est ironique de voir que celle qui aujourd'hui baisse les bras, aider un autre à sortir la tête de l'eau.

𝑴𝒂𝒅𝒊𝒔𝒐𝒏 𝑩𝒍𝒂𝒌𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant