Elevation

Chapitre 3 : Trajet secret

J'observai avec nostalgie et appréhension la rive, sur laquelle j'avais grandi, peu à peu disparaitre à l'horizon.

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Sur le bateau, personne ne parlait. Chacun était plongé dans ses pensées, appréhendant ce qui allait lui arriver une fois là-bas. Je profitai de ce silence pour observer mes futurs rivaux. La plupart avait l'air assez robustes et entrainés. Certains paraissaient plus vulnérables. Ce serait certainement les premières victimes, même si mon instinct me soufflait de ne sous-estimer personne. Malgré leur panique apparente, tout le monde se devait d'être préparé à une possible sélection. Personne n'était à l'abri, et nous le savions depuis notre tendre enfance.

Mon regard s'arrêta sur une fille qui avait visiblement le même âge que moi. Contrairement aux autres, elle paraissait assez sereine. Elle observait la vue qui s'offrait à nous depuis l'embarcation. Ses yeux, rivés sur l'horizon, semblaient d'un bleu profond venant compléter son visage d'une beauté à couper le souffle.

Elle dut sentir mon regard inquisiteur puisqu'elle tourna la tête vers moi. Ses yeux s'ancrèrent dans les miens et elle m'adressa un sourire. Surprise, je mis quelques instants à lui rendre. Je ne m'attendais pas à un comportement avenant de la part d'un autre participant, sachant l'esprit de compétition régnant à Elevation.

Le trajet se déroula dans le silence le plus total. Je voyais les remparts d'Ardysia se rapprocher, grandissant à mesure que nous naviguions vers eux. Le Fleuve semblait les séparer en deux, ouvrant une voie vers l'extérieur, un unique échappatoire.

Lorsque nous arrivâmes au pied des remparts, le bateau ralentit. Un barrage coupait le fleuve, aligné aux remparts. Je commençai à me trémousser discrètement d'impatience. Après avoir franchi le barrage, nous serions enfin dehors. En terre inconnue. Personne ne savait à quoi ressemblait l'extérieur. La ville était fortifiée depuis sa création, et même du temps de l'ancien dirigeant, lorsqu'elle n'était pas encore fermée, peu de gens s'aventuraient à l'extérieur. 

De plus, sur ce bateau, nous étions tous enfants lorsque le Dirigeant Marcus prit le pouvoir. Le dehors était comme une légende pour nous. D'après les archives d'Ardysia, il ne restait plus qu'un vaste désert nous entourant. J'en doutais fortement. Peu importe ce qu'il s'y trouvait, les probabilités pour qu'il n'y ait rien étaient infimes. Mais Marcus était maître dans l'art de manipuler, et cette croyance l'arrangeait bien puisqu'elle dissuadait les plus téméraires de s'enfuir d'ici. Si rien ne nous attirait là-bas, à quoi bon quitter l'enceinte de notre ville bien-aimée ?

Au niveau du barrage, le bateau se stoppa. Un garde entra en discussion avec le personnel du bateau. Soudain, une employée d'Elevation se tourna vers nous.

- Des masques recouvrant le visage vont vous être distribués. Vous êtes priés de les enfiler, de sorte que vous ne puissiez pas voir la suite du voyage. Il s'agit d'une simple mesure de sécurité pour Elevation, déclara-t-elle tandis que ses collègues passaient déjà parmi nous en nous tendant les fameux masques.

Je fronçai les sourcils en attrapant le mien, contrariée. Évidemment, Marcus n'allait pas nous laisser voir l'extérieur. Même si à l'issue du jeu, 49 d'entre nous seraient morts, une personne allait bien retourner à Ardysia, et il était hors de question qu'elle dévoile les petits secrets de Marcus. Toutefois, cela attisa fortement ma curiosité. Si l'extérieur était aussi désert qu'il le prétendait, pourquoi le garder si farouchement secret ?

- Enfilez-les à mon signal, rajouta la commandante du bateau.

Lorsque tout le monde avait en main son masque, elle hocha la tête. J'enfilai à contre-coeur le masque. Aussitôt, je fus plongée dans l'obscurité. Une odeur suspecte me fit me crisper. Cette odeur m'enveloppa, et je sentis mon corps se ramollir. Je tentai de retirer le masque mais mes bras ne me répondaient déjà plus.