Destin tome 2

Chapitre I

Maman nous serre dans ses bras pour la énième fois, si bien que je fini par lever les yeux au ciel.

- Vous nous appelez tout de suite dès que vous atterrissez, dit-elle, la voix remplie d'émotion.

- C'est promis, répond Kaycee.

- Vous n'avez rien oublié ? Vous avez bien pris vos passeports ?

- On te les a déjà montrés cent fois maman, réprimandais-je. Nous avons tout ce qu'il faut.

Ma mère nous toise l'une après l'autre. La brune et la blonde. De grosses larmes pointent de nouveau aux coins de ses grands yeux empreints d'une profonde tristesse. Dire qu'elle s'était jurée de tenir bon jusqu'à notre départ...

- Vous allez tellement me manquer mes chéries.

Elle pose une main sur sa bouche pour retenir un sanglot étouffé. Nous nous approchons d'elle pour la serrer encore une fois contre nous et faisons de notre mieux pour la calmer.

- Mesdames et Messieurs, votre attention s'il vous plaît. Tous les passagers à destination du vol San Francisco 711 sont priés de se présenter porte B.

La voix de l'annonciatrice résonne dans l'énorme aéroport. Maman et papa nous regardent de nouveau, avec une expression grave sur le visage.

- Bon allez, dit papa soudain très pressé. Soyez prudentes les filles, je vous aime. Je t'attends dans la voiture, ajoute-t-il à l'attention de maman.

Il se détourne promptement et s'éloigne d'un pas rapide sans que nous ayons le temps d'ajouter quoi que ce soit.

- Vous connaissez Jay... justifie maman dans un soupir.

Oui, je sais comment papa gère ses émotions. Il cache tout, camoufle chaque expression pour ne rien laisser paraître. Je n'ai vu mon père pleurer qu'une seule fois : c'était il y a un mois.

- Bon, souffle ma mère. Soyez prudentes surtout. Et faites attention l'une à l'autre, veillez mutuellement à ce que tout se passe bien. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je veux que vous nous appeliez immédiatement à la maison. C'est compris ?

- Compris, répondîmes en chœur.

Cette fois, nos larmes rejoignent celles de maman. Cet instant avec elle a beau ne pas être le dernier, nous savons parfaitement qu'il marque un tournant décisif dans nos vies respectives. Quitter le domicile familial - surtout après le drame qui a frappé nos deux familles - est la chose la plus difficile qu'il m'ait été donné de faire. Ma mère a toujours été mon encre dans ma vie. Mon repère. C'est elle qui m'a appris à rebondir sur mes pieds pour mieux avancer. Sans elle, j'ai peur de découvrir ce vaste monde et de ne pas réussir à m'y retrouver, loin d'elle pour m'épauler. J'innhale une dernière fois son odeur puis nous passons finalement les portiques de sécurité. Un dernier salut de la main et nous disparaissons dans les couloirs pour trouver cette fameuse porte B.

Nous nous installons dans les sièges de la salle d'attente qui sont loin d'être confortables. Silencieuses, ni elle ni moi ne prononçons le moindre mot, laissant les larmes se tarir sur nos joues sans un bruit. Le déchirement de quitter mes parents est si douloureux qu'il n'y a rien à dire de plus.

Kaycee s'allonge sur mes cuisses et laisse ses longs cheveux dorés s'étaler sur le denim de mon jean. Il n'en faut pas plus à ma meilleure amie pour craquer complètement. Je caresse ses mèches pour apaiser les sanglots qui la secouent comme j'ai pris l'habitude de le faire depuis un mois. La mort de John a sonné le glas dans nos vies. Avec sa disparition soudaine, il a emporté ce qu'il restait de cette joie de vivre immuable qui définissait Kaycee. Papa, maman et moi l'avons recueillie à la maison comme la logique des choses le voulait : elle était leur seconde fille, la sœur que je n'avais jamais eue. Mais malgré toute notre bonne volonté, soulager un peu cette peine en elle a été impossible. Après le drame, Kaycee n'a plus été la même. Et si elle a finalement daigné se nourrir un minimum, je sais que quelque chose est mort en elle en même temps que la disparition brutale de son père. La dérider a été difficile et la sortir de sa dépression encore plus.