Chapitre III - Logan

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Je déteste attendre. Je crois que je dois être le mec le plus impatient de la planète. Dans certaines situations comme au front, je sais mettre à profit mon aptitude à supporter la longue attente sans me décourager. Mais dans ce putain d'aéroport de malheur, à attendre la nana que j'aime, je n'arrive pas à me contrôler. Je croise mes bras sur mon torse, tape du pied et grogne, incapable de me contenir.

Putain, mais qu'est-ce qu'elles foutent ? Pourquoi est-ce qu'elles mettent quatre heures à récupérer leurs foutues valises ?

J'essaie de me dérider avec mon téléphone portable sans trop savoir ce que je suis en train de faire. Je tente d'imaginer dans quel état peut bien être Sianna. Je me demande si elle s'imagine qu'un petit mois loin d'elle a réussi à me calmer. Si c'est le cas, c'est qu'elle me connaît vraiment très, très mal. La rage au ventre, cette colère ne m'a pas quitté depuis mon départ de Boston. Et je compte bien sur mes talents d'acteur hors-pair pour ne rien laisser paraître.

Plusieurs passagers traversent les portes coulissantes avec leurs sourires niais placardés sur la gueule. Mes yeux sont fixés sur ce point d'où sortent les gens, dépassant le reste du monde d'une bonne tête et demie. Je commence à vraiment fulminer sur place quand une brune et une blonde daignent enfin pointer le bout de leur nez. Soudain, mon cœur a un raté. On croirait que mes yeux sont fixés sur Kaycee qui fonce sur moi comme un chien qui retrouve son maître après des mois de séparation, pourtant mon esprit est happé par cette brune aux formes discrètes qui nous rejoint d'un pas timide, ses valises en mains et celles de sa copine qu'elle galère à pousser.

- Tu m'as tellement manqué, murmure Kaycee qui me serre dans ses bras tel un koala accroché son arbre.

- Tu m'as manqué aussi, je souffle dans ses cheveux en plantant mes yeux dans ceux de Sianna pour qu'elle comprenne que mes mots lui sont dédiés.

Son expression est jouissive. Je vois bien qu'elle essaie de feindre l'indifférence mais je la connais mieux qu'elle ne se connaît elle-même. J'adore quand elle essaie de m'échapper comme une souris que j'ai coincé sous ma patte. Je décide pousser encore le vice un peu plus loin pour m'amuser davantage à ses dépens. Je m'écarte de la blonde, emprisonne son visage entre mes mains et l'embrasse fougueusement. Tout le long du baiser, je darde sur Sianna mon regard le plus provocateur, si bien qu'elle détourne immédiatement le regard. Quand je relâche Kaycee, cette dernière est à bout de souffle. Cette petite sotte a le goût du dentifrice, j'imagine que c'est pour ça que j'ai poireauté plus que nécessaire. Elle papillonne des yeux, comme pour se remettre de ses émotions. Son regard éberlué m'irrite mais je ne laisse rien transparaître.

- Hey la godiche, désolé, j'avais oublié ta présence !

Sianna me lance un regard noir. Je sais que cette appellation la renvoie vers de vieux souvenirs, la plaçant intentionnellement dans une case bien précise.

- Ce n'est pas grave, dit-elle pour se redonner contenance. Les retrouvailles sont importantes pour vous.

Pour « nous. » Comme s'il pouvait y avoir un autre nous que Sianna et moi.

- Comment tu vas la godiche ?

- Fatiguée mais ça va, et toi ?

- Bon, je coupe volontairement pour ne pas avoir à répondre à sa question rhétorique. Allons-y. Il risque d'y avoir de la circulation même à cette heure.

Je ramasse les deux énormes valises de Kaycee et laisse Sianna se démerder avec les siennes derrière nous.

L'air humide de San Francisco se colle à nos peaux. Heureusement que la climatisation de ma BMW X6 est puissante. Les filles n'ont pas l'habitude de se retrouver sur la côte ouest en septembre et je les vois s'attacher simultanément les cheveux. J'ai intentionnellement posé des affaires inutiles sur le siège derrière Kaycee, ce qui signifie que Sianna n'a pas eu d'autres choix que de se placer derrière moi. Elle a préférée entre-ouvrir légèrement sa fenêtre. Je l'observe dans le rétro, le nez presque plaqué contre la vitre, des mèches brunes virevoltants autour d'elle qu'elle s'obstine à rabattre toutes les trente secondes. Bon sang, je voudrais les replacer moi-même derrière ses oreilles. Mon regard la sonde et je sais qu'elle le sent mais elle s'entête à éviter mon contact comme la peste ce qui me fait sourire.

Destin tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant