3 septembre - 6 septembre 2536

216 8 7
                                    

Les Études de Sheth

3 Septembre 2536

Cela fait aujourd'hui cinq ans que Mirai et moi travaillons sur les propriétés régénératrices de solutions colloïdales de particules de tungstène. Lorsque Prakels nous a confié cette tâche, nous pensions que cela nous prendrait deux ans, trois tout au plus. A l'époque nous maîtrisions déjà la synthèse de nanoparticules de molybdène, celles-ci ayant été utilisées pour souder les chairs du Galm depuis 2521. Ce n'est qu'en 2530 que sont apparus les premiers signes de la dégénérescence des jonctions réalisées à l'aide de pommade de molybdène. Le matériau s'est avéré toxique, et des cicatrices boursouflées sont apparues sur tout le corps du Galm, perçant et craquelant la matière autour d'elles. Il devint urgent de trouver un remplaçant au molybdène dans la composition du baume de fusion, et Prakels réunit tous les directeurs d'Athanor pour chercher des solutions. Chacun se vit confier la poursuite d'une solution hypothétique différente, et j'héritai donc du tungstène. A l'époque, nous pensions naïvement que le même procédé de synthèse pouvait être appliqué à la fabrication de particules de tungstène. Il s'avéra vite que c'était une erreur, et il devint clair un an après le début de nos travaux que la production de solution collidoidale de particules de tungstène serait difficile. Quels que soient les paramètres de température et de pression, les particules de tungstène s'avéraient trop lourdes : elles se déposaient systématiquement dans le fond des tubes et nous ne pouvions maintenir la suspension nécessaire à l'élaboration d'émulsions, et donc de pommades.

J'avais fait part de mes doutes à Prakels à peu près à la fin de la deuxième année, mais nous avions décidé ensemble de poursuivre malgré tout. A la fin de la troisième année, nous avions dégagé deux voies de résolution. La première était de chercher un solvant suffisamment visqueux pour retenir les particules : en réalité, elles tomberaient toujours vers le fond, mais à une vitesse tellement faible que leur chute serait imperceptible. Cette option avait la préférence de Mirai, et il a décidé récemment de la poursuivre en parallèle de nos travaux. La seconde était d'associer le tungstène à un élément plus léger, et le molybdène revint alors au premier plan.

Un alliage tungstène-molybdène avait une chance de souder correctement les chairs, sans effets néfastes, et serait assez léger pour rester en suspension. C'est donc cette voie que j'ai choisi de suivre, plaçant à l'époque beaucoup d'espoir dans sa réussite. Mais nous avions sous-estimé le taux d'incompatibilité de ces deux éléments. C'est comme si les deux matériaux se détestaient, et il s'est avéré impossible de les unir. Même à très haute température, ils forment des agrégats séparés et ne se mélangent pas. Nous avons passé deux ans de plus à chercher des solutions, jusqu'ici sans succès. Mais une idée nouvelle me taraude depuis quelques semaines : peut-être que l'adjonction d'un élément tertiaire permettrait de les réconcilier. Il nous faudrait un élément médiateur, un matériau qui créerait le lien unificateur et qui permettrait aux deux autres d'échanger à travers lui. Pour l'instant, nous dopons les particules au césium, mais peut-être qu'un alcalin ferait l'affaire. Je ne vois pas pourquoi attendre plus longtemps, j'exposerai mon idée à Mirai demain.

Si tout va bien, nous devrions pouvoir tenter les réactions d'unification rapidement, et je vais préparer un banc d'essai d'éléments tertiaires à adjoindre au mélange. Je pense qu'on doit doit tout avoir en réserve à l'exception peut-être du lithium, il faudra que j'envoie Mirai en chercher.

4 septembre 2536

Je pensais qu'on avait tout sur place, mais nos réserves sont vides. Mirai est parti réapprovisionner l'Athanor en alcalins et en acides, et de mon côté j'ai envoyé une demande pour renouveler notre réserve de matière. Si nous voulons expérimenter avec des alliages, nous allons avoir besoin d'une certaine quantité de matière afin de mettre à l'épreuve les différents dosages. Si Mirai revient rapidement de sa mission, nous pourrons commencer les calcinations dans la soirée et avec un peu de chance, d'ici quatre ou cinq jours un des creusets contiendra notre alliage ternaire. Je ne place pas un espoir démesuré dans la réussite de cette opération, mais peut-être en apprendrons nous plus sur la possibilité d'associer ces trois éléments. Cela me permettra au moins d'avoir quelque chose à dire à Prakels pendant la réunion mensuelle des directeurs d'Athanor. Une piste, un bout de début d'amorce d'espoir, n'importe quoi fera l'affaire. Trois mois depuis notre dernière réunion et aucune avancée significative, j'ai peur qu'il ne commence à trouver le temps long et me remplace par un autre. Ils sont nombreux à attendre leur tour, et sûrement autant à formuler des théories et à imaginer des particules miracles.

Anatomie Divine I - Les Études de ShethOù les histoires vivent. Découvrez maintenant