Anatomie Divine I - Les Études de Sheth

5 février - 12 février 2537

5 février 2537

J'ai peut-être découvert quelque chose hier soir. J'étudiais un livre tantriste consacré au Kundalini-yog, une forme de méditation corporelle visant à faire circuler l'énergie interne dans le corps. Celle-ci est la Kundalini, qui est souvent représentée par un serpent lové autour de la colonne vertébrale, un équivalent de notre caducée alchimique. Cette énergie est dite divine, car c'est une force déposée par la Divinité en chacun d'entre nous et assoupie jusqu'à ce qu'on la sollicite, ce qui me permet de l'associer sans difficultés à ce que nous autres hermétistes appelons âme. L'ouvrage décrivait avec force détails techniques les pratiques physiques par lesquelles diriger cette énergie de chakras en chakras depuis le périnée jusqu'à la tête. Ce faisant, il est possible d'atteindre une forme d'apothéose au cours de laquelle celle-ci se diffuse soudainement dans l'ensemble du corps : la conscience du pratiquant fusionne alors avec la Divinité grâce à l'éveil de son corps matériel, qui agit comme catalyseur de cette coalescence. En abandonnant son égo et son sens du moi au cours de cette transcendance, le tantriste devient un avec la Divinité et peut entrevoir un temps son pouvoir.

L'équivalent des Lecteurs et des Dissecteurs tantristes sont des pratiquants assidus d'une forme de Kundalini-yog collectif : ils utilisent des excitateurs mécaniques et des contracteurs musculaires judicieusement greffés pour activer leurs chakras et exciter la Kundalini, l'énergie divine assoupie, en conduisant son flux vers les zones supérieures. Ils s'assurent ainsi un état de transe plus long et plus intense, et peuvent coordonner leur montée par l'application de signaux électriques communs.

Toutes ces informations étaient déjà passionnantes en tant que telles, mais c'est un paragraphe en particulier qui a retenu mon attention. Écrit comme une mise en garde à l'attention des pratiquants du Kundalini-yog, il présentait les dangers de celui-ci et décrivait les risques liés à son utilisation mal maîtrisée. Il se peut en effet qu'un égo individualiste résiste à l'éveil collectif provoqué par le Kundalini-yog, et que sa férocité finisse ainsi par éclipser le Soi révélé. Plus insidieusement, il pourrait tenter de se faire passer pour celui-ci, infiltrant le conscient et l'inconscient du sujet avec ses fausses croyances et ses promesses de puissance individuelle. S'il n'est pas maîtrisé et dompté, l'égo résistera de toutes ses forces, entraînant des lésions sévères dans tout l'organisme, brûlant les chakras de l'individu et rongeant sa psyché. Même lors d'un Kundalini-yog collectif, il suffit qu'un égo particulièrement fort subsiste pour mettre en danger toute l'assemblée, absorbant et dévorant les âmes assemblées autour de lui.

Alors que je parcourais cette description terrifiante, l'analogie avec ma propre dissonance m'apparut comme une évidence. Son interprétation était désormais claire : mon propre égo, libre et déchaîné, avait défait notre communion spirituelle et modulé ma voix au point de rompre les molécules parasites présentes dans le creuset. Comment est-ce possible ? Je suis un moine-chercheur comme les autres, comment mon léviathan peut-il être si fort et si terrible qu'il brise les molécules ? Tous nos rituels destinés à affaiblir et à maîtriser l'égo sont-ils vains ? Je dois le mater, c'est une chose ignoble et impure et sa puissance est terrifiante. Je dois le mater et me replonger dans le Soi galmique avec mes frères.

-------- Note de Mirai : Sur l'égo-léviathan --------

Nous autres hermétistes décrivons habituellement l'égo comme un léviathan monstrueux s'agitant dans une mer déchaînée, ce qui n'est finalement pas très éloignée de la description faite par les tantristes. On dit que la matière de ce léviathan est la pensée individualiste, l'attachement à tout ce qui valorise et confirme les fausses représentations de soi-même, que ce soit le pouvoir, l'apparence ou l'argent qu'accumulaient les capitalistes.

Vaincre l'égo-léviathan au profit de la conscience collective est l'objectif de chaque Citoyen et de chaque moine-chercheur des Ordos. C'est aussi une aspiration essentiel du Culte Shethiste dont je suis le Magister, car le monstre de l'égo est tout aussi dangereux pour nous qu'il ne l'est pour les Ordos.