Anatomie Divine I - Les Études de Sheth

13 février - 17 février 2537

13 février 2537

Les deux cours de la journée se sont déroulés à merveille : plus de mille endos tantristes étaient présents dans l'amphithéâtre, captivés par mes exposés. Il est toujours difficile de communiquer avec les membres des autres Ordos tant nos manières d'appréhender la science galmique sont différentes. Mais je pense avoir réussi cette épreuve, si je me fie aux nombreuses questions qui suivirent. J'ai la chance d'avoir déjà lu des ouvrages tantristes, et j'ai pu adapter mon discours pour correspondre à leur langage et coller au mieux à leurs concepts.

J'ai d'ailleurs retrouvé l'endo qui m'avait posé de nombreuses questions lors de l'oration que j'avais donnée sous la voûte il y a quelques mois. Elle m'a rejoint à la fin de la deuxième session et s'est présentée comme Adma, m'expliquant ensuite qu'elle avait insisté pour être celle qui m'accompagnerait pendant mes recherches ici. Elle semble avoir une connaissance assez fine de la fusion de matière et travaille à l'union des pôles masculins et féminins de leur Galm, un phénomène qu'elle nomme yab-yum.

Le reste de l'après-midi fut donc consacré à la visite du temple et de la branche Yab-Yum dans laquelle travaille Adma. Cela m'a permis de lui poser de nombreuses questions sur le Kundalini-yog, en évitant tout de même de mentionner le phénomène de dissonance et les ravages que pourrait causer un égo dominant. Elle semblait sincèrement ravie de pouvoir s'entretenir avec moi et encore plus de voir que je m'intéressais aux recherches tantristes. Cependant, j'avais le sentiment qu'elle trouvait cet intérêt pour leurs travaux un peu étrange, puisque très peu de ces connaissances pourront m'être réellement utiles compte tenu de la différence immense de nos approches respectives. Je lui ai donc expliqué que bien que nos mots soient différents, nous désignons bien la même chose. La Divinité est unique et multiple à la fois, et il en va de même pour les manières de la concevoir. Le flux énergétique provoqué par la pratique du Kundalini-yog pourrait être rapproché du courant ionique qui parcoure les nerfs lorsqu'ils sont mis sous tension, et l'énergie interne ressentie par les tantristes serait donc celle des espèces chimiques propulsées dans les axones.

Nous nous rendrons demain à la bibliothèque et j'espère trouver quelque chose concernant des expériences ratées du passé. Je ne peux évidemment pas demander à Adma de m'aider à chercher des mentions de gènes dominants ou d'égo dissonant, mais elle pourra sûrement me conduire vers les ouvrages les plus pertinents traitant de la fusion des chairs.

15 février 2537

Cela fait deux jours que j'épluche les archives tantristes à la recherche du moindre indice sur l'utilisation de gènes dominants. Leur littérature est définitivement obscure pour moi, et je dois consulter Adma régulièrement pour tenter d'y voir clair. La seule chose qui puisse se rapprocher d'une amorce de piste, c'est la description d'une célèbre expérience de fusion de protoplastes de plantes. Les auteurs expliquaient comment ils avaient réussi à retirer la paroi de deux cellules de plantes pour leur permettre de fusionner et de devenir une nouvelle espèce. Adma m'a confirmé que ce type de manipulations est désormais courant au sein de l'Ordo, et que les spécimens que j'ai pu observer en arrivant ici - et un peu partout depuis - témoignent de l'expertise des tantristes dans ce domaine. Ils ont même réussi à hybrider des espèces végétales et animales, le tubercule cardiaque que j'ai aperçu dans le bureau d'admission en étant la preuve. La question est donc : quels facteurs déterminent l'ordre – animal ou végétal - auquel appartient la nouvelle espèce une fois la fusion accomplie ? Existe-t-il une forme de dominance d'un ensemble génétique par rapport à l'autre qui forcerait ce nouvel individu à avoir des caractéristiques animales plutôt que végétales, ou inversement ? Par exemple, on pourrait se demander comment ce tubercule choisit entre la respiration animale et la photosynthèse végétale. Je n'ai rien trouvé à ce sujet, et je ne sais pas si les tantristes ont poussé ces expérimentations encore plus loin. Leur Galm ne contient aucun gène végétal, mais peut-être ont-ils exploré cette voie d'une autre manière. Adma ne pouvait répondre à cette question et m'a suggéré de me renseigner auprès du Raj de la Branche des Sept Lotus, l'équivalent de notre département Panacée. Elle m'a assuré que je pourrais avoir une entrevue dès le lendemain.