Léonie
Saint-Exupéry est un lycée comme les autres. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, c'est un établissement public. Bien sûr, pas n'importe quel genre de lycée public. Le genre qui accueille tous les bobos qui se disent contre le privé mais qui veulent tout de même offrir une bonne éducation à leurs enfants. Je fais partie de ces gens-là, tout comme la plupart de mes amis et en fait, quasi la moitié du lycée.
C'est ma troisième année là-bas – je suis en Terminale Littéraire – alors j'ai mes petites habitudes. Mon père me dépose tous les matins, avant d'accompagner Alix à son école. Il s'arrête toujours dans une rue parallèle à Saint-Exupéry, si bien que je passe chaque fois devant une boulangerie-pâtisserie pour aller en cours. La plupart du temps, je m'y arrête pour acheter un goûter. Pensez ce que vous voulez mais moi à 18h, je meurs de faim.
Après mon arrêt à la boulangerie, je rejoins Mathis sur un banc dans la rue du lycée et on fait le reste de la route ensemble, main dans la main. Je sors avec Mathis depuis la fin de la première soit un peu plus de six mois. Avant, je rejoignais directement mes amis devant l'entrée du bahut.
Mais ce matin, je fais un détour pour ne pas passer devant le banc. J'arrive par l'autre côté de la rue et je vois Mathis me chercher du regard. Même de loin, il est magnifique. Il est vêtu d'un sweat à capuche rose, celui qu'il m'a prêté un nombre incalculable de fois lorsque j'avais froid. Mon cœur se pince à l'idée de ces souvenirs qui ne sont justement déjà plus que cela.
J'ai bien réfléchi, il faut que je quitte Mathis. J'y ai pensé toute la nuit et il s'avère que c'est la meilleure solution. Quand bien même je l'aime, rester avec lui après ce qui s'est passé me fait trop de mal. Et puis j'ai lu sur internet que c'était le seul moyen de tourner la page. Alors d'accord, internet n'a pas toujours raison mais pour une fois, je pense qu'il n'a pas tort.
Le seul problème c'est quand et comment. Je n'ai jamais eu à rompre avec quelqu'un. A chaque fois, c'est le garçon qui le faisait parce que j'étais trop collante, trop extravagante, trop folle (je vous jure, on m'a vraiment dit ça) voire même pas assez jolie. En plus, tout cela remonte au collège voire à la primaire donc je ne me souviens plus vraiment de la manière dont ils avaient abordé le sujet. Est-ce que je vais le voir et je lui dis cash ? Quelque chose comme « Salut Mathis, je veux rompre avec toi, si tu es d'accord bien sûr. » ? Est-ce que je dois lui expliquer pourquoi ?
Il tourne la tête dans ma direction. Même de loin, il a dû sentir mon regard sur lui. Il se lève, je crois qu'il m'a vue. Mince, il approche et je ne suis absolument pas prête à lui parler. Je lui tourne le dos, faisant mine de ne pas l'avoir vu et rentre dans le lycée.
— Léonie ! Attends !
Je me retourne en plein milieu du couloir alors que Pauline cours pour me rattraper. Elle me fait la bise, comme si tout était normal. En même temps, rien n'a changé. Je ne sais pas pourquoi mais avec ce qui s'est passé, je pensais que les choses seraient différentes. Sauf que ce n'est pas le cas. Parce que personne n'est au courant. Et je ne sais pas si je suis déçue ou soulagée. Sûrement un peu des deux.
— T'étais pas devant les grilles ce matin.
Je fronce les sourcils. Est-ce qu'il s'agit d'un reproche ou d'un simple constat ?
— J'avais un truc à faire.
Je hausse les épaules d'un air désinvolte mais je sais que mon pseudo mensonge ne trompe personne. Néanmoins, Pauline n'insiste pas. A la place, elle se met à fouiller dans son sac à main pour en sortir mon téléphone portable.
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Indignées
Ficção AdolescenteA 17 ans, Léonie est victime de viol. A cause d'une photo qui a circulé sur les réseaux sociaux, Maëlle est considérée comme la "traînée" du lycée. Il y a Léonie et Maëlle mais elles sont loin d'être les seules. Plutôt que de se taire, Léonie décide...