Chapitre 17

859 159 67
                                    

Léonie

     Maëlle tape du pied depuis un bon quart d'heure et je me concentre sur un magazine pour ne pas m'énerver sur elle. Je sais qu'elle est stressée et je ne peux pas lui en vouloir.

Elle a décidé d'appeler une assistante sociale il y a quelques jours pour prendre un rendez-vous. Je lui ai aussitôt proposé de l'accompagner parce que je sais que même si elle ne l'avouera jamais, elle était terrifiée à l'idée d'y aller toute seule.

Je pose ma main sur son genou pour la calmer et elle cesse aussitôt de faire tressauter son pied.

— Désolée, murmure-t-elle.

La porte en face de nous s'ouvre enfin pour laisser apparaître une femme d'une quarantaine d'années dont les cheveux sont noués en une queue lâche, laissant échapper quelques mèches qui encadrent son visage. Elle a un regard bienveillant mais l'air terriblement fatigué.

— Mademoiselle Bergotte ?

Maëlle se tend, droite comme un piquet et se lève en m'adressant un regard paniqué.

— Je peux l'accompagner ? demandé-je alors.

L'assistante sociale nous dévisage toutes les deux et face au regard suppliant de mon amie, elle accepte.

Son bureau n'est pas très grand et assez terne. Deux chaises noires en plastiques, une plante grasse en fin de vie dans un coin et une seule et unique fenêtre qui donne vue sur un parking.

Il y a une petite pancarte sur son bureau qui indique son nom : Nathalie Mason.

— Alors, qu'est-ce que je peux faire pour vous ? demande-t-elle à Maëlle d'un ton las.

Je prends sa main dans la mienne et la serre fort pour l'encourager.

— Je voudrais faire une demande d'émancipation.

Mme Mason fronce les sourcils, étonnée.

— Je ne peux rien faire pour vous, il faut voir ça avec un juge.

Maëlle se tourne vers moi, ne sachant quoi faire.

— Explique-lui la situation, murmuré-je.

Elle hoche la tête et prend une grande inspiration avant de se lancer.

— Je voudrais faire cette demande sans l'accord de mes parents. Et d'après ce que j'ai pu lire, seul un parent ou un tuteur légal peut saisir un juge.

Soudainement, Mme Mason paraît plus intéressée et Maëlle reprend contenance.

— Quel âge avez-vous ?

— Dix-sept ans.

L'assistante sociale commence à prendre des notes.

— Et pour quelle raison voulez-vous faire cette demande d'émancipation ?

— Ma mère est partie quand j'avais dix ans et je ne l'ai plus jamais revue depuis. Je vis donc avec mon père qui est alcoolique et il s'est montré violent avec moi à plusieurs reprises.

Elle dit tout ça d'un ton neutre, ne laissant passer aucune émotion et, même si elle sent probablement mon regard sur elle, elle reste droite, évitant à tout prix de se tourner vers moi.

Elle ne m'avait jamais dit tout ça. Je ne pensais pas que le problème était si profond.

Mme Mason secoue la tête de haut en bas à plusieurs reprises tandis qu'elle écrit.

— Donc si j'ai bien compris, vous comptez sur moi pour prouver que votre père n'est pas capable de s'occuper de vous correctement afin de saisir un juge sans passer par lui ou un tuteur légal ?

IndignéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant