Chapitre 3

1.6K 216 61
                                    


Maëlle

     Mon portable vibre dans ma poche arrière. Je ne réponds pas, je sais que c'est mon père. J'étais censée rentrer il y a plus de deux heures.

Je tire une dernière taffe sur ma cigarette et écrase le mégot du bout de ma chaussure. Je n'ai aucune envie de rentrer mais plus je retarde ce moment, pire sera la réaction de mon géniteur.

Je descends les marches de l'escalier en métal, me pressant tout de même un peu. Il n'y a personne à l'arrière du centre commercial.

Je viens souvent ici après les cours. Lorsque l'on monte les escaliers qui se trouvent à l'arrière du bâtiment, une fois arrivé en haut on peut voir une bonne partie de la ville. Les chemins de fer aussi et les trains qui passent. J'aime bien m'essayer à deviner où ils vont. Parfois aussi, je m'imagine à la place des passagers. Laissant ma vie derrière moi, fuyant mes problèmes, le lycée, mon père. Monter dans un train au hasard et tout oublier.

Mais je suis forcée de revenir à la réalité parce que mon portable se remet à vibrer. Merde, mon père doit vraiment être énervé. J'imagine qu'il n'est pas en état de préparer le repas et il comptait sur moi. Si vous croyez qu'il s'inquiète, vous êtes complètement à côté de la plaque.

J'ignore une nouvelle fois son appel mais accélère le pas. Je coure presque.

Lorsque j'arrive enfin au bout des 4 étages qui mènent à mon appartement, je suis plus qu'essoufflée. Alors que je tourne la clé dans la serrure, une boule se forme dans mon estomac. C'est comme ça tous les soirs : je traîne après les cours, il m'appelle, je ne réponds pas, feignant l'indifférence mais quand je rentre dans l'appartement je suis toujours paralysée par le stress, craignant sa réaction.

Il est là, avachi dans son fauteuil, un verre de whisky à la main et une bouteille presque vide à côté de lui. La télé est allumée, laissant entendre les effluves de joie des supporters de football mais il a le regard dans le vague. Il semble retrouver ses esprits lorsqu'il m'entend refermer la porte. Ses yeux se figent immédiatement sur moi, injectés de sang, les pupilles dilatées par l'alcool. Moi qui pensais pouvoir atteindre ma chambre sans qu'il me voie, c'est raté.

Il se lève et s'approche de moi, son haleine alcoolisée effleurant mon visage. Je suis terrorisée mais je tente de ne rien laisser paraître, adoptant une attitude nonchalante. J'arque un sourcil, une façon implicite de lui demander quel est le problème. Je regrette instantanément car sa réaction ne se fait pas attendre.

— Où est-ce que t'étais ?

Il ne crie pas, pas encore, mais son ton est glacial. Je hausse les épaules.

— Tu traînais encore dehors, hein salope ?!

Je ne dis toujours rien, ne sachant que répondre. J'ai l'habitude des insultes mais venant de mon père, c'est plus dur à encaisser que ce que j'aurais pu imaginer.

Face à mon manque de réaction, il lève sa main, prêt à me gifler. Mais il se retient et pendant une fraction de seconde, je crois apercevoir du regret et de la peur dans ses yeux. J'ai l'impression que mon père est redevenu celui qu'il était. Mais je dois probablement rêver parce que l'instant d'après il me plaque contre le mur, sa main enserrant ma gorge.

— Tu crois que je suis pas au courant de ce qu'on raconte sur toi Maëlle ?

Je voudrais fermer les yeux et hurler mais je me retiens, il faut que je reste forte. Parce que si je peux tenir tête à mon père, je peux tenir tête à tous ces connards au lycée.

Je relève le menton, une lueur de défi dans le regard.

— Tu crois que je ne sais pas ce que tu fais ?

IndignéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant