Chapitre 20

1K 213 85
                                    

Léonie

     Ça y est, c'est le grand jour. C'est comme s'il s'agissait de l'accomplissement de tout ce qu'on a fait, depuis la création du groupe de parole.

Il y a encore deux mois, je ne me serais jamais imaginée mener un combat féministe. Et pourtant, voilà où j'en suis. Je n'aurais jamais pensé non plus que j'organiserai une manifestation. Enfin, organiser est un bien grand mot.

Nous avons convenu de démarrer la manif à 14h30, place de la République. J'espère qu'il y aura du monde. Vous imaginez, si on est à peine une centaine ? Ce serait un peu ridicule, non ?

Étant donné que Gaïa habite en plein centre-ville, nous nous retrouvons toutes chez elle pour manger ce midi. Par nous, j'entends Maëlle, Eliott et la quasi-totalité du groupe de parole.

La table n'est pas assez grande pour que tout le monde puisse avoir une place alors nous nous installons par terre. Certaines sur le canapé, d'autres sur le sol. Enfin, peu importe, on a chacun notre assiette de pâte et on discute de tout et de rien, riant beaucoup. Je pense que nous sommes toutes stressées pour cet après-midi mais à la fois excitées. Parce qu'on s'est toutes battues pour en arriver jusque-là. Nous nous sommes battues pour pouvoir nous faire entendre et aujourd'hui, tout se concrétise. Parce que ce ne sont pas simplement les gens du lycée qui vont nous voir et nous entendre mais la ville toute entière.

Une fois qu'on a terminé de manger, on se prépare pour partir. On sort nos pancartes, on enfile les tee-shirts qu'on a customisés hier et on se peinturlure le visage. Personnellement, je m'éclate, je dessine des cœurs sur mes joues, je rajoute des paillettes, des fleurs dans mes cheveux, la totale. Qui a dit qu'on ne pouvait pas manifester avec style ?

Maëlle porte un tee-shirt avec la phrase « A BATS LE PATRIARCAT » écrite en grosse lettre rouge.

Un peu avant 14h30, nous sortons de chez Gaïa, nos pancartes sous le bras. Les gens que nous croisons dans la rue nous dévisagent ouvertement, se demandant probablement ce qu'on fait. Lorsque nous arrivons place de la République, il y a déjà beaucoup de monde. Je reconnais plusieurs personnes du lycée, y compris des garçons, ce qui me réchauffe le cœur. Certains sont peut-être là uniquement pour sécher les cours mais honnêtement, peu importe. Ils sont là.

Quand ils me voient m'approcher avec les filles, ils poussent des cris d'exclamation.

— Léonie tu déchires, grâce à toi on n'est pas obligée d'aller en maths ! me crie un gars du lycée que je connais vaguement.

— L'écoute pas, il dit n'importe quoi, me rassure un de ces amis. On est là pour les mêmes raisons que vous, marre de ce système patriarcal de merde !

— Pourtant il t'avantage pas mal ce système patriarcal de merde, comme tu dis, fait remarquer Maëlle.

Le garçon hausse les épaules avec désinvolture.

— Ouais sans doute mais j'ai deux petites sœurs et franchement, j'ai pas envie de leur laisser un monde pourri comme celui-là. J'veux qu'elles puissent se sentir en sécurité et qu'elles puissent faire ce qu'elles veulent sans qu'on leur mette des barrières sous prétexte que ce sont des filles.

Surprise, Maëlle applaudit son discours et le félicite. Si seulement ils pouvaient tous penser comme lui, les choses seraient beaucoup plus simples.

J'aperçois Luce, Amandine et Victoire un peu plus loin et leur fais signe avant d'avancer vers elles en entraînant Maëlle et Eliott avec moi. Il faut absolument qu'ils les rencontrent.

Elles arborent leur habituel sourire et tiennent elles aussi des pancartes. Amandine a même un mégaphone.

— Léonie, tu es superbe ! me complimente-t-elle.

IndignéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant