Chapitre 90

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Tout en avançant, je perçois alors à plusieurs reprises cet effleurement qui semble accidentel. Je commence à me demander si Mika n'en est pas pleinement conscient et tente de manière naturelle à la vue de tous, de toucher ma peau. Je souris car cela me semble peu probable maintenant qu'il ne l'ait pas voulu et ce geste de balancement de bras qui apparaît comme incontrôlé est en fait tout à fait intentionnel. Je m'échine alors moi aussi tout au long de notre marche de provoquer ces effleurements discrets de nos paumes de mains. Nous continuons de discuter durant tout le trajet comme si de rien n'était mais pour quelqu'un d'attentif nos sourires sur le visage trahiraient un peu notre petit jeu.

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Lorsque nous parvenons enfin aux pieds de la Tour, il y a déjà un max de monde. Je me doutais que nous ne serions pas les seuls, mais pas à ce point, sachant que nous sommes un jeudi en plein après-midi. Je vois une file de personnes impressionnante, c'est sûrement celle pour monter au sommet. Je regarde Mika et le questionne du regard.

Mika : "Bon, vu qu'on a fait tout ce chemin et que tu le voulais vraiment, on ne va pas se décourager pour si peu. Allez, allons faire la queue avant que plus de monde n'arrive. On prendra des photos en bas quand on sera redescendu. Et puis tu pourras en prendre depuis la file aussi, non? "

Je hoche la tête avec un sourire. C'est vrai que ce serait dommage de se démotiver si près.

Andy : "Tu as raison. Allons-y."

Nous attendons alors l'heure qui suit patiemment. Comme nous n'avons rien à faire je me trouve une occupation pour passer le temps. Je m'amuse à observer les gens autour de moi, je suis attentif à leurs attitudes, leur façon de se comporter avec leurs proches et les autres personnes autour, leurs réactions, leurs langages multiples. J'aime cette diversité. Je prends finalement pas mal de photos, entre les gens, le pied de la tour et surtout je mitraille tout à loisir Mika, qui au début semble gêné et puis finalement au bout d'un moment se détend et joue avec moi à prendre plein de poses. Finalement le temps passe plus vite que ce que je craignais et nous arrivons enfin à monter dans l'ascenseur. Nous décidons d'aller au plus haut que nous pouvons. Je suis un peu déçu car ce n'est pas aussi haut que je pensais, mais bon, le panorama est quand même magnifique. Je suis bluffé de la vue dégagée que nous avons sur tout Paris. Le temps est clair et bien qu'il ne fasse pas un grand ciel bleu, la lumière qui inonde les toits de cette ville est splendide. Je prends à nouveau quelques clichés de la ville, puis de mon homme devant sa cité d'enfance. Je sens bien que je ne suis pas le seul émerveillé. Bien que pour moi c'est une première découverte, pour lui c'est une redécouverte. Il doit sûrement être confronté à de multitudes de souvenirs qui resurgissent de son esprit. J'aimerais tant qu'il me les partage, mais pour le moment je ne veux pas le brusquer et le laisse déjà digérer lui même les sentiments auxquels il doit faire face à cette vue de son enfance.

Pendant le temps qu'il rêvasse, j'en profite pour le prendre autant en photo que possible. Il est superbe, dans son caban bleu marine et son jean blanc, les cheveux bouclés en vrac qui s'agitent avec l'air. Mine de rien, il y a un peu de vent à cette hauteur. Je resserre un peu l'écharpe autour de mon cou, pourtant je ne suis pas frileux, mais j'ai quand même bien fait de m'habiller chaudement et de prendre un gros blouson. Je suis loin d'être aussi bien habillé que mon mec par contre, du coup je me sens un peu moche à côté de lui. Mais lui n'a pas l'air de s'en formaliser, jusque là, bien qu'il prenne grand soin de son look, il ne m'a jamais fait de remarque sur le fait que je ne m'habillais que très simplement. Est ce qu'il n'y fait pas attention? Je ne devrais pas me poser ce genre de questions, après tout, je me suis toujours vêtu comme ça et je ne dois pas changer. Tant mieux qu'il n'essaie pas à tout prix de me changer en gravure de mode, surtout qu'il aurait bien des difficultés à m'y faire ressembler, je suis loin d'être un apollon. Mais le fait qu'il ne dise jamais rien est il bon signe pour autant? Ca me met des doutes. Je devrais peut être faire un peu plus attention à ce à quoi je ressemble, non?

Je suis sorti de mes pensées par Mika qui revient vers moi, il affiche un beau sourire et le regard pétillant de joie. Je le lui rends de suite.

Andy :" Franchement, on a bien fait de commencer par là, c'est sublime. Je suis trop content."

Mika : "Oui moi aussi, ça me rappelle tant de souvenirs, cette ville. "

Soudain je le vois sursauter légèrement comme s'il venait d'avoir une idée. Il vient me prendre mon appareil photo des mains et dans un sourire énigmatique, se retourne vers moi pour me prendre en photo, de surprise. Je râle pour la forme. Si c'est moi qui ait l'appareil dans les mains c'est pour une bonne raison, je n'aime pas être sur les photos, je n'y suis jamais bien, elles sont toujours ratées. Je le vois alors se tourner et chercher quelque chose. Sa tête tourne à droite puis à gauche sans trouver ce qu'il cherche apparemment. A un moment, il s'approche d'un couple de touristes et leur parle en français. Je ne sais pas exactement ce qu'il leur demande jusqu'à ce que je vois l'homme hocher la tête et prendre mon appareil dans les mains de Mika. Ok, je comprends maintenant qu'il veut qu'on prenne une photo de nous deux.

Mika me rejoint et vient placer sa main sur mon épaule en affichant un beau sourire. J'essaie de rester le plus naturel possible et de sourire un peu pour ne pas gâcher cet instant saisi. Ce sera notre première photo ensemble. J'espère qu'elle sera réussi. De Mika, je ne doute pas car il est tellement photogénique qu'il est bien sur toutes les photos même quand on ne le prévient pas. Mais je ne sais pas ce que vaudra le cadrage de ce jeune homme ni ma tronche au moment où l'appareil a capturé l'image.

Mais j'ai hâte de voir le résultat. Lorsque le couple rend l'appareil à Mika, celui-ci en profite pour mitrailler tout ce qui nous entoure, moi y compris au passage, il me semble. Heureusement pour moi que je suis passé à un réflexe numérique depuis peu, sinon il aurait épuisé ma pellicule en un rien de temps. Nous finissons par redescendre au niveau de la dalle sous la Tour Eiffel. Je récupère alors mon appareil et prends des photos des angles que je n'avais pas pu tout à l'heure dans la file. Je vais finir par avoir quarante milles photos qui se ressemblent mais ce n'est pas grave. J'adore avoir l'oeil derrière l'écran, j'ai l'impression de pouvoir percevoir le moindre détail qui m'entoure, là où mon regard seul serait passé sans rien voir de particulier.

Mika qui m'a laissé tranquille jusque là, finit par se rapprocher de moi et essaie de capter mon attention.

Mika : "Il nous reste encore un peu de temps avant d'aller manger, tu veux qu'on aille se promener sur les Champs Elysées? "

Le chemin jusqu'à toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant