Chapitre Deux

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Galnor la cité d'armes dans les Terres Mandrares.
L'ombre des grandes tours de Galnor dissimulait la poussière dispersée par les sabots de son cheval, à mesure que Locklhan pénétrait dans l'enceinte de la cité. L'imposante porte de bois et d'acier laissait entrer les quelques paysans qui partaient cultiver les champs à proximité.
Le jeune paladin restait émerveillé, comme à chaque fois, lorsqu'il voyait ces remparts dont la pâleur du soir reflétait les derniers rayons de soleil. Construite dans la plus dure des roches, armée des meilleurs archers et des plus puissantes balistes du royaume, quelconque armée qui oserait s'y aventurer ne pouvait que rebrousser chemin face à tant de grandeur et de force.

Tout juste arrivé devant les marches menant au château, un garde lourdement armé vint à la rencontre de Locklhan :
- Halte là ! Que faites-vous à Galnor paladin ?
- Je suis venu quérir de l'aide mon ami, répondit Locklhan.
- Rendez-vous dans une des tavernes, personne ne doit entrer dans le château !
- Bien mon ami, rétorqua-t-il, savez-vous pourquoi cette interdiction ?
- Je peux juste vous dire de ne pas entrer par delà les remparts du sanctuaire, déguerpissez maintenant !
- Bien, bien, je m'en vais, confirma le jeune paladin tout en finissant d'harnacher son cheval à un poteau de bois non loin de là.

Locklhan tourna les talons et se rendit dans la taverne la plus proche, plus précisément au « Navire insolent », propice à ce type de requête. La porte à demi ouverte, celle-ci s'ouvrit avec fracas avant même qu'il eut atteint la poignée, un homme visiblement ivre en sortit et bouscula le paladin.
Un échange de regard quelque peu féroce eu lieu. Locklhan savait qu'il ne devait pas perdre de temps avec ce genre d'individu et surtout dans une bagarre inutile. A peine entré dans la taverne, tous les yeux se tournèrent et dévisagèrent le jeune homme. L'on pouvait entendre des chuchotements çà et là, mais ce fut le tavernier qui posa la question le premier de sa voix rauque et de son accent si particulier :
- Qu'est-ce que j'vous mets à boire paladin ?

Locklhan regarda à droite, puis à gauche, pour enfin se tourner vers le tavernier le regard vif :
- Votre meilleure bière mon ami, il paraît que les champs de Galnor fournissent le meilleur houblon du coin ?

Personne ne dit mot. Les chuchotements se tinrent. Un léger rictus et le tavernier confirma :
- Du coin ? Vous rigolez ! Des Terres Mandrares oui !

Tout le monde s'esclaffa à cette annonce. Le tavernier prit une pinte et la remplit avec ferveur, une mousse blanchâtre vint s'accumuler jusqu'à faire disparaître de peu la bière puis il posa le récipient face au paladin qui l'éclaboussa :
- Deux griffes d'argent m'sieur, et seulement parce que nous n'avons pas beaucoup de paladins dans l'coin ces temps-ci ! Finit-il en riant.

Locklhan paya et prit la pinte avant de se poser à l'une des tables vides. Certains regards persistaient encore, mais le paladin savait qu'il trouverait l'information dans ces lieux, peut-être pas l'équipage au complet mais la personne qui l'y conduirait.
Les discussions reprirent peu à peu, l'ambiance changea radicalement. Les paladins étaient en général dans leur quartier, en train de lire de vieux parchemins en quête de nouvelles connaissances magiques, afin de manier au mieux leur marteau sculpté dans les forges de la cité.
Que l'un d'entre eux s'aventuraient dans une taverne était peu commun, souvent signe de mauvais augure. Un homme peu chaland s'approcha de Locklhan, l'un de ses yeux était dissimulé par un tissu violet tâché par endroit, le teint blafard et de vieux vêtements mal rapiécés.

Il prit une chaise et s'assit rapidement, comme s'il ne voulait être vu :
- Vous cherchez quelque chose on dirait.
- Je ne fais que boire mon verre, rétorqua le jeune paladin afin de n'éveiller aucun soupçon.
- M'est d'avis que ce n'était pas qu'un simple verre que vous vouliez en entrant ici, je me trompe ?

Locklhan tenta d'éviter la discussion mais dans sa quête d'un équipage, il lui fallu mettre en évidence que le plus commun des mortels pouvait lui apporter la réponse.

Le jeune homme continua :
- Il se pourrait en effet que je ne veuille pas qu'un simple verre.
- Ni verre, ni fille ou même de garçon, je me doute qu'un paladin soit ici pour ce genre de chose.
- Si je te parle de quête ? Demanda Locklhan avec hésitation.
- Vous doutez de ma loyauté envers notre Roi ou vous vous méfiez des inconnus, c'est sûrement ça !
- Je ne suis pas ici pour juger les gens mais...
- Je peux vous apporter ce que vous recherchez ! Affirma le borgne.

Le jeune paladin se tint en arrière, il se demandait comment un homme de la sorte aurait une quelconque équipe voire même un navire. Tous les navires n'étaient pas assez robustes pour parcourir les milliers de lieux tellement l'Océan de l'Éternité était grand et impétueux.

Locklhan se résigna à faire confiance à cet homme :
- D'accord, je t'écoute.
- Vous comprendrez bien messire qu'un tel sujet ne peut être évoqué dans ce lieu sinistre.
- Où doit-on en parler dans ce cas ? Demanda le jeune homme quelque peu réticent.
- Partons de cette taverne et allons ailleurs.

Chacun se leva et se dirigea vers la sortie, certains regards persistaient mais personne ne broncha. Le tavernier s'arrêta soudainement d'essuyer les quelques verres restants jusqu'à ce que la porte se referma entièrement.
Ce lieu généralement plein de vie reprit le cours de son tumulte. Les deux hommes marchèrent dans une direction totalement inconnue pour le paladin, la main sur son épée. Lui qui arrivait toujours à déceler le moindre détail d'une embuscade se trouvait alors sans aucune réaction, un vide total, plus aucune émotion ne lui permettait de savoir dans quoi il s'embarquait.

Après quelques minutes de marche, le borgne s'arrêta promptement devant une minuscule bâtisse à la porte noire, celle-ci dénotait car aucune autre maison n'était aussi contrastée. Le bois vieillissant, des murs fragiles prêts à s'écrouler à la moindre secousse, et dont l'intérieur était aussi peu accueillant que son hôte.
L'homme au tissu violet recouvrant son œil fit un signe à Locklhan afin d'engager le pas, celui-ci s'exécuta et entra dans la demeure lorsque la porte d'entrée se referma d'un coup sec, le geste fit trembler les bibelots posés un peu partout sur les meubles de bois. Le jeune paladin regarda l'homme dont la main droite détenait une rune luminescente alors qu'il incanta rapidement un sortilège : « A-Shâla Mâa-Norä ».

Tout à coup Locklhan sentit ses yeux se fermer, ses paupières étaient si lourdes qu'il s'endormit instantanément. Ainsi, son corps s'écroula au sol.

LOCKLHAN - Le destin d'un paladinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant