~Chapitre 18~

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Le trajet fût particulièrement agité du fait du mauvais état des routes souvent non goudronnées et poreuses. L'hivernage les dégradent encore davantage, on voit des creux un peu partout sur le chemin. Le chauffeur conduisait à vitesse réduite par prudence compte tenu de la récurrence des chocs qui eurent lieux souvent dans ces zones sinistres où les animaux cohabitent avec les humains. Dans ces contrées sylvo-pastorales les querelles entre bergers et agriculteurs sont monnaies courantes entretiennent de vives tensions entre eux. Mais cela n'exclut pas d'autres causes de tiraillements dans ces lieux telles que les autres incidences malencontreuses qui sapent la paix entre les acteurs. En effet de temps à autre on dénote des collisions entre les véhicules et les cheptels créant de vives tensions entre les pasteurs peuls et les transporteurs. Qui plus est l'éclairage public étant en défaut dans certains endroits ce qui est un facteur de plus dans les statistiques relatives aux dommages routières en l'occurrence les accidents de voitures.

Les mouvements contestataires se font rare dans le monde rural. Les gens sont d'habitude insouciants des problèmes de la collectivité, ce qui est fort déplorable. Les vagues de révoltes qui sont dénombrées sont généralement motivées par des revendications d'origines crypto-personnelles. Quand les médias interpellent les populations en marge de leurs mouvements d'humeur ils répliquent la plupart du temps à réclamant de l'état, la construction de maternité, la sécurisation de bétail, la subventions des semences, des engrais, le rachat de leurs productions agricoles. Certes c'est sans doute des choses importantes et qui s'avèrent nécessaires mais néanmoins il y a d'autres urgences qui méritent qu'on y prête attention en l'occurrence l'accès à l'eau potable, à l'électricité, la couverture maladie universelle, la construction d'écoles et d'hôpitaux à la téléphonie, la réhabilitation des voies d'accès aux endroits les plus reculés entre autres.

Cela dit les hommes politiques oublient souvent leurs rôles quand les dirigés ne réclament pas leurs droits. Entre promesses électorales et mensonges d'État l'irresponsabilité est bien entretenue. L'équité territoriale n'est qu'une farce républicaine que l'on fait croire aux peuples pour gagner leur sympathie même s'il faut admettre qu'à bien des égards des avancées significatives ont été concédées dans ce sens surtout en ce qui concerne le développement communautaire. Le désenclavement des terroirs est devenu une réalité pour certains ruraux qui voient leurs milieux bénéficier de projets et infrastructures dans le cadre du programme de modernisation du monde rural. Mais le problème est que c'est fait de manière déloyale, chaque élu se n'œuvre que pour son compte et celui des siens hors qu'il devait servir les intérêts de tout le monde. Quoi qu'il en soit, malgré tous ces acquis la médiocrité étatique, le manque de vision et de volonté envers le peuple reste le nœud de souffrance de la nation. Les consciences populaires sont pour la plupart enfermées dans l'extrême ignorance si elles ne sont pas perverties. Les minorités capables de changer la donne et d'éveiller les foules sont souvent harcelées par la puissance publique, diabolisées et discréditer s'ils ne sont pas corrompues et réinvesties à la solde du gouvernement. Le pouvoir fait souvent l'objet d'accaparement des ressources par la famille présidentielle telle une dynastie qui s'adjuge les rouages du monopole de la puissance oubliant ses obligations envers les électeurs qui ont placés leur confiance sur un être était censé renverser la tendance et redresser le pays mais hélas la déception semble prospérer dans le cœur de chaque citoyen qui se sent abusé et trahi.

Assis au devant du bus pile derrière le chauffeur, les deux voyageurs semblaient nostalgique déjà. Habillait d'un jean noir et d'un tee-shirt gris avec des souliers de marque Jordan. Malick avait mis ses écouteur qu'il avait branchés sur son MP3 et profitait ainsi de douces chansons, la tête recouverte d'une casquette rouge qui cachait sa coiffure laissant apparaitre les contours de sa chevelure presque déchaussée. Avec son look d'américain le jeune homme était tranquille dans son siège contemplant les paysages à travers la vitre. Il était à première vue ravi et joyeux mais au fond de son regard s'affichait un cliché de tristesse. Les plaisirs gratuits qu'il se contentait ne sont plus à présent que des lointains souvenir le présent met de l'ombre et range dans les placards de la réalité. Ce jeu de passion avec les belles filles du village auquel il était habitué et avait pris goût est à présent terminé. Quant à Maïmouna elle s'embourbait dans son foulard et voguait dans ses imaginations, pensive mais éveillée. Sans doute elle s'était encore réfugiée dans ses réflexions comme d'habitude. Naturellement c'est quelqu'un qui ne s'ennuyait que très rarement, son esprit est une terre de rigueur et de liberté où tout ce qui attire son attention fini par l'occuper irrémédiablement. Cependant elle suscita durant le parcours l'admiration du conducteur qui n'a pas arrêter de la contempler à travers le rétroviseur accroché à l'avant et chaque fois que leurs regards se croisaient, il détournait le sien et se reconcentrait sur le volant. Il avait éteint toutes les lumières internes à l'exception de celles devant afin de pouvoir satisfaire sa curiosité. Ce fait particulier n'a pas passé inaperçu, après 06 heures de route, quelques passagers côtés ayant constaté l'intéressement du convoyeurs sommèrent celui-ci d'éteindre toutes les lampes. Étant conscient que ceux-ci ont compris ses manœuvres, pour ne pas créer la polémique il s'exécuta sans opposé de résistance car étant certain que Maïmouna avait compris son manège depuis le début mais avait fait comme si de rien était. Certaines beauté féminines mettent souvent les désirs de la gente masculine à rude épreuve. Difficile détourner le visage face au charme exaltant et désarmant de cette belle créature soninkée. Les hommes ne purent s'affranchir des attaches de sa sensualité qui dévorent la passion de ces êtres et les dépouille de leur tranquillité réveillant chez eux les viles énergies sordides et impudiques, leurs appétits sexuels. Le plus dure dans l'histoire est qu'ils sont condamnés à observer sans jamais nourrir leurs sentiments.

Après que le calme soit revenu, le voyage reprit, le silence régna de suite. A l'entrée des faubourgs du département de Gossas, quelques singes, des babouins se ruèrent sur le bus piquant l'attention de tout le monde. Soudains des voix s'élevèrent et certains se mirent à crier "nous sommes attaqués chauffeur arrêter de conduire bon sang!" exécutez !. Mais celui-ci refusa de céder et plutôt se mît à rire ce qui étonnant les autres. Lanique fût évitée de justesse. Les apprentis se levèrent rassurent les passagers et leurs demandèrent de garder leur calme, ces animaux sont inoffensifs. Ainsi les échos se dissipèrent, chacun regagna son siège. Cette ville mythique, désolante et frivole cache bien ses secrets. Polarisée par Kaolack, ravitaillée en second par Diourbel et dépendant administrativement de Fatick, la ville de Gossas est partie en vrille depuis plusieurs décennies. Cette situation est caractérisée par une économie locale en pointillés et une pauvreté notable en infrastructures. Elle n'a pratiquement pas changé de visage depuis 40 ans. En dehors de quelques kilomètres de voirie récemment bitumés, la ville agonisante et presque morte est recroquevillée autour de son marché et de sa gare routière, les seuls endroits où l'on note une certaine activité. Mais même ici, on constate que la plupart des restaurants qui se trouvaient près de gare routière pour profiter des éventuels chalands ont fermé depuis belle lurette, victimes d'un trafic insuffisant.

Par la suite le bus se gara et tout le monde descendu, c'était le lieux d'escale avant de rallier Dakar. Restauration spontanées et des gargotes inondaient les lieux. Malick et Maïmouna partirent se soulager dans les maisons d'à côté avant de revenir dans le groupe. Ils avaient emporté des friandises et quelques sandwichs préparés pour l'occasion qu'ils se mirent à déguster dans leur coin. Malick partît un moment acheter de l'eau et des boissons pendant qu'elle faisait ses prières. Il n'a pas tarder à revenir de sitôt, ils se désaltèrent calmement et se reposèrent profitant de la pause.

Au bout d'un moment, les voyageurs furent conviés à remonter dans le véhicule et ainsi ils poursuivirent leur route. Après une heure de route, l'air frais de la petite côte commença à se faire sentir à travers les vents qui soufflent et qui s'incrustent dans les parois des vitres faisant balancer les voiles et les capuchons des uns et des autres. Et après quelques heures de chemin, ils entrèrent à Diamniadio où un long bouchon les attendait. Une pile de voitures faisait la queux jusqu'à devant les portes de la firme Sococim. La chaleur reprit son droit sur le climat, et l'étourdissement s'accapara de bon nombre des passagers qui se lassaient d'être accroupis sur leurs sièges trempés dans la sueur et l'inconfort.

Après un moment de peine et d'attente la circulation se décanta peu à peu et les voitures s'échappèrent et se dispersèrent dans la nature. Le calme de la campagne n'est plus qu'un lointain souvenir, à présent il faut vivre avec la turpitude et les agitations, le mal-être de la vie urbaine. Étant donné dès qu'on revient en ville, nos vieux démons reviennent nous hanter. La pollution sonore, la fumée des voitures, la promiscuité, l'insalubrité sont autant de facteurs qui confèrent à notre existence un goût âcre et dérisoire. Ils nous ôtent l'envie, l'appétit des plaisirs élémentaires auquels on s'était habitués.

Souffle de l'espoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant