XXX- Désemparée

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« Car ta bonté est devant mes yeux, et je ne fais que marcher dans ta vérité. »
Psaumes 26:3







  Paris, lundi 24 février 1941,
       09h14.





Je trouve enfin une cabine près d'une gare, après une bonne dizaine de minutes de marche angoissante. Je m'avance vers celle-ci sans adresser un regard à quiconque. J'entre et ferme soigneusement la porte derrière moi. J'ouvre mon sac pour prendre une pièce.
Ce n'est pas possible...
Je cherche et recherche dans mon sac mais je ne trouve aucune pièce. Tant pis, je n'ai pas de temps à perdre.

Il ne me reste plus qu'un choix à présent, aller au point de regroupement. Hannah m'avait dit qu'il y avait une librairie située dans la rue Victor Hugo,  quelques rues après l'hôpital Lariboisière. Cet à cet endroit que nous devions nous retrouver normalement aujourd'hui à seize heures. Je sors rapidement et reprend ma route.



La population a encore plus sombré dans la misère depuis un an. Paris, cette ville qui est devenue fade et terne. Un silence de mort et une obscurité dompte la capitale en pleine matinée. Des panneaux de signalisation en gros caractère noir écrit en allemand, se trouvent fréquemment à chaque rue. Malgré l'heure matinale, de longues files d'attente devant des magasins se trouvent, où l'on peut lire sur des pancartes « Pas de viande » « Pas de beurre » et... Je m'arrête brusquement devant la vitrine, le cœur serré. « Interdit aux juifs ».
Sans même cligner des yeux, je reste la, figée, devant cette maudite pancarte.
Je ne sais pas comment décrire ce sentiment qui me submerge. Un sentiment mêlé d'injustice, de d'humiliation, de dégoût.

Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi nous sommes si détestés.
Nous enlever la nationalité, notre emploi, nous chasser, nous persécuter, nous offenser...
Pourquoi cette humiliation ?
Que comptent-ils faire de nous ?
Qu'avons-nous fait pour mériter tout cela ? 

Hashem n'a pas entendu mes prières quand j'ai demandé son aide. Il n'a pas voulu m'ôter la vie, mais il m'a fait un don. Il m'en a offert deux autres.
Je garde espoir. « Que l'innocence et la droiture me protègent, quand je mets en toi mon espérance ». Viendra le jour où nous pourrons vivre sans avoir peur, où nous serrons réunis avec toutes les personnes qui nous sont chers, le jour où la guerre s'achèvera et que tout ce cauchemar se terminerait enfin.

Le jour où nous serrons de nouveau libres.



[...]





Après une longue marche éreintante sous un horrible déluge, j'arrive devant une librairie. C'est sûrement celle-là, car c'est la seule aux environs. Il m'a fallut plus de temps que prévu pour l'atteindre, en raison de nombreuses rues barricadées et des grands quartiers dans lesquels je me suis perdue de nombreuses fois.
Sans plus attendre, je pousse la porte et rentre. Il n'y a personne. Aucun bruit ne parviens à mes oreilles, seul le tonnerre qui gronde, et le plancher qui craque sous mes pas.




- Bonjour ? Y a quelqu'un ? J'aperçois qu'au fond de la boutique, se trouve un grand bureau avec au-dessus, plein de livres en désordres. Derrière, il y'a une porte, celle d'une cave sûrement. Je m'approche lentement et sans même toucher la poignée, la porte s'ouvre. Je recule de quelque pas, prise de stupeur. Un homme au visage émacié, avec un béret noir positionné maladroitement sur le crâne et une cigarette mal roulée à la bouche, me regarde attentivement.



Condamnée à Aimer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant