XXXII- Une âme éteinte

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« Les larmes qui coulent sont amères, mais plus amères sont celles qui ne coulent pas. »












Y'a t'il pire douleur que de mourir sans même avoir vu ses enfants ? Sans même les avoir pris dans ses bras ? Ou même pire, d'en prendre un avec soi et partir. Partir loin de ce monde rempli de barbaries. Partir pour enfin être en paix.



Comment peut-on définir cette douleur ?

Je vois une ombre sortir de la porte. Elle s'approche de nous. Un homme peut-être. Il a comme...une longue cape noire. Je ne vois pas son visage. La lumière et bien trop forte pour cela, comme un soleil. Je continue d'avancer vers cette porte, avec toujours mon fils dans les bras. Nous sommes presque arrivés devant celle-ci mais l'homme nous bloque le chemin.
Il nous empêche d'avancer.
Qui est cet homme ? Pourquoi fait-il cela ?
Il tend ses bras pour prendre mon fils.
Mon fils commence à pleurer, à crier. Ses hurlements sont si forts, si intenses, que mon sang se glace. J'essaie de courir mais je n'y arrive pas.  Je n'arrive pas à bouger. Je reste ici, figée. Mais je dois le récupérer. C'est mon fils. Il n'a pas droit de me le prendre.
L'homme s'éloigne avec dans ses bras mon enfant qui sanglote et continue de hurler en me tendant ses petites mains.
Maman est là...
Ils s'éloignent... La lumière blanche s'intensifie, que je ne vois plus rien.
Ils disparaissent totalement de mon champ de vision.





Une seconde fois, la mort n'a pas voulu de moi. Elle n'a pas voulu m'emmener avec elle.



Mes yeux papillotent. Je suis navrée. Navrée d'être en vie. La lumière rougeâtre et bleutée de l'aube a envahit la chambre de l'hôpital. Je tourne lentement la tête à droite, un homme se tient debout, face à la fenêtre. Cet homme ne peut être que Oliver. Il a dans ses bras quelque chose qu'il berce. Notre enfant. Je me redresse et tente de me lever du lit. Lorsque mes pieds atteignent le sol froid, des frissons s'emparent de moi. Ma vision se trouble quelque instant.
Je marche vers eux en claudiquant. Me retrouvant derrière lui, je pose ma main sur son épaule. Il lui a fallut un long moment pour comprendre que quelqu'un l'avait touché. Il se retourne et sans même lui adresser un regard, mes yeux se posent immédiatement sur le nourrisson recouvert d'un lange blanc et d'une couverture en laine d'un bleu clair.





- Ein Junge. ( Un garçon. ) Me dit-il, comme si il avait lu dans mes pensées. Sa chemise blanche et tachée de sang, de mon sang. Et ses yeux sont aussi rouges, révélant l'épuisement.
Au lieu de prendre mon enfant dans mes bras, comme l'aurait fait tout autre mère, je recule. Je me retourne et regarde autour de moi. Il y'a qu'un seul berceau. Je secoue la tête.
Non... Il ou elle est sûrement dans une autre pièce. Je dois le retrouver. Je me précipite vers la porte. Wohin gehst du ? ( Tu va où ? )
Gerda nein ! Trop tard. Je suis déjà sortie. Un silence règne dans les couloirs. Une infirmière sort d'une chambre en entraînant avec elle un chariot de soins.





- Madame ? Qu'est-ce que vous faites ? Vous ne devez pas vous lever de votre lit.




- Je cherche mon bébé, où est-il ?

La blonde me regarde avec désolation.


- Venez... Vous devez vous reposer. Dit-elle en saisissant délicatement mon bras.




- Non ! Hurle-je. Oliver sort à son tour de la chambre. Oliver... Sie nahmen unser Kind. ( Ils ont pris notre enfant. ) Quand je me retourne vers la femme, elle baisse ses yeux.  Pourquoi évite-elle mon regard ?
Rendez-moi mon enfant ! Vous n'avez pas le droit de me le prendre ! Vociféré-je. Un médecin et deux autres infirmières surgissent dans ce grand couloir qui m'étouffe. Et si ils allaient aussi prendre mon autre enfant ?
Je cours soudainement vers la chambre, en bousculant Oliver, qui lui, ne réagit pas. La douleur de mon corps n'est rien comparé à celui qui tourmente mon cœur. J'ouvre la porte et m'approche du berceau.
Il est si petit... Ses yeux bleus comme un ciel en été, regardent le plafond. D'un geste hésitant, je le prends. Je m'assois sur le lit, les larmes aux yeux. Sa peau douce, son odeur...
C'est mon fils. Sa petite main agrippe mon doigt. Je ne peux m'empêcher de sourire. Mais ce sourire ne dure pas longtemps. Il durera seulement quand j'aurai aussi mon autre enfant dans mes bras. La porte s'ouvre et mon amant rentre. Les larmes qui inondaient mes yeux, ne sont plus des larmes de joie, mais d'accablement.




Condamnée à Aimer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant