Troisième

21 2 2
                                    

L'humidité nous frappa dès la sortie de l'avion, et ça n'a fait qu'empirer lorsque nous sommes sortis de l'aéroport. Il était environ 16h30 et la foule était agitée. Entre les parents qui retrouvaient leurs enfants, les couples qui étaient à la recherche de taxis ou les familles qui tentaient de trouver un moyen d'aller à leur hôtel, il y avait Jacob et moi. Il était déjà venu une ou deux fois, mais il était encore jeune, il n'avait plus beaucoup de souvenir du peu de malaisien que sa mère lui avait appris.

Je m'étais assise sur un petit banc en bois, en attendant que Jacob ait sa mère au téléphone. Je n'étais jamais allée en Asie du Sud, j'avais voyagé au Japon, en Corée et j'ai fait une petite escale en Chine, mais ça s'arrêtait là. L'atmosphère était festive ici, le soleil tapait si fort que mon tee-shirt était déjà trempé, alors que nous étions ici depuis seulement une vingtaine de minutes. J'aimais cette ambiance. À l'époque, je me serais plaint de ne pas avoir la climatisation, plaint de devoir attendre, plaint de ne pas comprendre un seul mot de ce que les locaux disaient et plaint d'avoir autant de yeux rivés sur mes longs cheveux, devenus blonds à mes dix-sept ans. En effet, ils n'avaient pas l'air d'être habitués à voir des femmes de mon genre. Les européens raffolent pourtant de ce genre de pays.

Je me levai pour en savoir plus sur ce qu'Anaïs racontait à Jacob au téléphone. Lui, en l'occurrence, avait l'air exténué, ses yeux se fermaient petit à petit, il ne donnait pas l'impression d'écouter ce qui se disait au bout du fil. Il me fit sourire. Il raccrocha enfin et me prit sous son bras.

- Bienvenue à Kuala Lampur, Malaisie ! s'exclama-t-il en faisant un geste de bras. Tu ne trouveras pas de gens plus gentils et bienveillants ailleurs, et surtout, tout est au prix le plus bas, un régal pour votre porte-feuille, jeune demoiselle.

- Oh, mais je me hâte d'entamer cette expédition à vos côtés, grand Jacob.

Nous aimions bien prendre un accent britannique et parler comme à la bonne époque. C'était notre truc, on n'était pas encore des adultes accomplis.

- Bon, trêve de plaisanterie, ma mère m'a dit de suivre la sortie pour piétons, elle nous attendra sur le parking.

- Allons-y, dis-je en faisant rouler ma valise.

Nous traversâmes l'allée bondée, les chariots, les valises pour -enfin- arriver à la sortie de la zone aéroportuaire. Nous arrivâmes sur le parking en question et un van blanc, orné d'une inscription en doré, mentionnant "Villas Roberts". C'était son nom de jeune fille, Anaïs Roberts. C'était un van destiné à accueillir les touristes et les emmener directement à l'hôtel et c'était compris dans le prix de la chambre. Nous n'avions pas pris cette option mais Anaïs nous l'avait offerte.

Elle sortit du véhicule et ôta ses lunettes de soleil. Elle était plus petite que moi, elle devait faire un mètre soixante-cinq, pas plus. Elle avait de longs cheveux blonds, bouclés, son teint était doré, sûrement dû au fait qu'elle y vive depuis un peu plus de dix ans. Elle avait emménagé ici lorsque Jacob avait dix ans. Elle portait un short en jean et un débardeur blanc, elle n'avait que des claquettes aux pieds. D'après les photos des albums de famille, Anaïs vieillit très bien, je dirais même qu'elle n'a pas changé en quarante ans. Nous ne pouvions passer que de bons moments avec elle, ça se voyait.

- Dans mes bras ! cria-t-elle en écartant les bras.

Jacob vint se réfugier dans les bras de sa mère et je me contentai de sourire. Il avait eu du mal à lui pardonner mais au fil du temps, j'ai réussi à le débrider afin qu'il prenne la chose sous un différent angle. Sa mère était heureuse ici, il devait l'être pour elle là-bas.

Anaïs laissa Jacob reculer et vint me faire la bise. Elle sentait bon la chaleur et le monoï, c'est une vraie vie de rêve qu'elle doit vivre. Elle s'écarta légèrement et plissa les yeux, comme pour mieux me voir. Elle sourit largement et se tourna vers son fils.

Sunset Lover - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant