Cinquième

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J'avais dû dormir deux ou trois heures cette nuit, mais j'avais bien dormi. J'avais la vague impression qu'à seize heures, j'allais commencer à piquer du nez. J'ouvrai les stores de la chambre et Jacob grogna, lui, il avait vraiment bien dormi.

- Il est trop tôt, referme ça, dit-il en se couvrant la tête.

J'allai pour lui tirer la couverture et il m'attrapa, me faisant basculer sur le lit. Il me chatouilla et je ris à pleines dents, c'était vraiment mon point faible, je n'y résistais pas. Au bout d'un certain temps, je mis fin au supplice, il fallait que je mange.

- Bon, tu viens manger ? Le buffet ferme à onze heures, lui dis-je en me recoiffant.

- Ouais, je te rejoindrai, dit-il en se levant.

Je sortis de la chambre et passai devant Manon. Je la saluai et mis mes claquettes.

- Vous vous amusez bien là haut, dis donc.

Je me tournai vers elle et fronçai les sourcils. Si elle faisait allusion à ce que je crois, elle a faux sur toute la ligne. Je ne suis pas si bruyante.

- Loin de là ce que tu penses, il me taquinait c'est tout, lui dis-je en prenant les clefs.

- Bon appétit ! me cria-t-elle alors que je sortais.

Elle était vachement bizarre, je trouve ça assez intrusif. Je n'allais pas passer mes vacances avec elle, c'était certain.

Je traversai l'allée, le portail, je découvrais un peu l'atmosphère et je ne pouvais que m'y plaire. J'arrivai enfin dans la salle de petit déjeuner et me pris un plateau. Je le remplis de multiples fruits et d'une omelette, cuite sous mes yeux. La salle était remplie, mais assez grande pour accueillir de nouvelles personnes. Je trouvai une table près de la baie vitrée et m'installai.

J'entamai alors mon repas sous les enfants criards et la musique d'ambiance, mais surtout sous la climatisation. Je m'apprêtais à déguster ma pastèque lorsque quelqu'un vint bousculer ma chaise par derrière. Sans aucun doute, c'était Paul.

- Oh, bah quelle coïncidence. Pas fait exprès, désolé, dit-il faussement étonné.

- C'est vraiment la seule excuse que t'as trouvée pour me parler, hein, dis-je en souriant.

Il sourit en retour et laissa tomber ses bras dramatiquement.

- Oui ! Hélas, je n'ai trouvé aucune issue afin de parler à la grande Manon Daniels.

Je lui tapai doucement l'épaule et me tournai. Jacob entra dans la salle et je lui fis un geste de la main. Il me vit et et retira ses lunettes de soleil qui lui vont si bien. Je continuai de manger et l'attendis. Puis arrive Manon, toujours cet air si sérieux sur le visage, elle pourrait se détendre un peu.

Jacob s'assit enfin en face de moi et jeta un coup d'oeil sur mon assiette. Il n'avait pris que de la viennoiserie et de la charcuterie.

- Un peu trop sain à mon goût ce petit-déjeuner, fit-il en secouant la tête.

Je finis mon morceau de pomme et posai ma fourchette.

- Que veux-tu, j'ai un amoureux qui aime bien me reluquer à tout va. Je me dois de rester en forme, ris-je en me penchant vers lui.

Il se lécha le doigt et essuya le coin de ma bouche.

- Nous ne sommes pas tous seuls, Jacob.

- T'avais juste un truc sur le visage, âme malsaine.

Je souris et nous continuâmes notre discussion. Jacob m'avait bien dit qu'il voulait passer ses deux semaines au bord de la piscine. Il avait son "cerveau en surchauffe" depuis qu'il avait intégré Sciences-Po, surtout avec son père dans les parages sans cesse. Il ne souhaitait pas faire de visite, il voulait s'allonger au bord de l'eau, et tout oublier pendant un moment. Il disait vouloir se requinquer. Je lui avais fait part de mes projets, j'avais prévu de visiter les Grottes de Batu, un temple hindou dans des grottes de calcaire, et de me rendre sur plusieurs plages du pays, toutes époustouflantes. Je ne voulais pas y aller seule, je voulais y aller avec Jacob. J'allais sûrement visiter les temples seule, mais les plages et autres, je l'emmènerai de force, il ne pouvait pas rater ça.

Nous finîmes de manger et sortîmes. Paul et Manon étaient déjà partis. Nous arrivâmes devant la piscine et Jacob proposa de nous réserver des serviettes et des transats. Je l'attendis avant de rentrer et vis passer Paul, avec Manon sous son bras. Il me fixa puis détourna le regard, gêné. Je ne voulais pas qu'une certaine gêne s'installe entre nous. Nous étions des adultes -enfin, ce qui y ressemble-, nous pouvions très bien rester en bons termes et agir comme si de rien n'était, surtout que nos conjoints respectifs n'avaient aucune idée que nous avions un passif ensemble. Jacob finit enfin la réservation et nous nous dirigeâmes vers la villa. 

Nos colocataires bronzaient sur la terrasse, enfin, Manon bronzait tandis que Paul était sur son téléphone, sur un transat. Nous avions prévu de monter et préparer nos affaires pour passer l'après-midi à la piscine, mais Jacob se dirigea vers le jardin.

- Qu'est-ce que tu fais ? lui chuchotai-je.

Il me fit signe de l'attendre, ce que je fis.

- Vous avez prévu quoi aujourd'hui les amoureux ? demanda-t-il à Paul et sa fiancée, adossé contre la baie vitrée.

Paul leva le nez de son téléphone et se redressa. Manon devait être endormie.

- Comme tu vois, Manon dort en brûlant sous le soleil pendant que moi, je me détends. Et vous ?

Jacob se tourna vers moi et je souris brièvement. J'avais juste hâte de plonger dans la piscine et je voulais mettre fin à cette conversation embarrassante.

- On va aller se baigner dans l'une des autres piscines. Si tu te sens trop seul, viens avec nous, proposa Jacob.

Il avait toujours eu de l'empathie en voyant les gens rester seuls. J'admirais cette qualité chez lui mais, pas lorsqu'il s'agissait de Paul Brassin.

Paul se leva et s'étira. Ne me dîtes pas qu'il allait venir.

- J'espère que je ne dérange pas, dit-il en prenant un air de chien battu.

Jacob lui tapa virilement le bras.

- Mais non, hein chérie ?

Deux paires de yeux verts braquées sur moi, je ne me voyais pas refuser.

- Bien sûr que non, plus on est de fous, mieux on rit.

Sunset Lover - 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant