Exceptionnellement, une table avait été attribuée à chaque villa et chaque chambre. Nous dînions tous dehors, face à la scène. La soirée blanche était mythique dans l'hôtel et ils ne faisaient pas les choses à moitié. Un repas gastronomique nous avait été servi, un spectacle en continu afin de nous divertir tout au long du dîner nous avait été offert, et chaque femme portait une couronne de lys. Nous avions donc été forcés de manger avec Paul et Manon, c'était, d'après Anaïs, une opportunité de faire connaissance. J'étais assise aux cotés de Jacob, Paul était face à moi, avec Manon à ses cotés. J'étais dos à la scène. Étonnamment, Jacob et Manon n'avaient cessé de discuter à propos d'un tas de sujets, sans vraiment se soucier de la présence de leurs partenaires respectifs. Paul et moi, ne nous parlions pas, encore un peu perturbés par ce qui venait de se produire. Le dessert arriva rapidement -pour mon plus grand plaisir- et c'est avec surprise, que je découvris de la glace à la vanille. Nous venions de déguster de la pure gastronomie et tout ce festin s'achevait sur une simple glace, à la vanille en plus ?
Paul me jeta un coup d'œil, conscient que la vanille me rappelait son parfum. Je poussai légèrement la glace loin de moi, je n'avais plus faim. Jacob se tourna -enfin- vers moi, confus.
- Tu ne manges pas ta glace ?
- Je n'ai plus très faim.
- C'est pourtant ta préférée.
Je ne dis rien, sentant toujours un regard perçant en face de moi. Je devais m'éclipser. Je prétextai une envie pressante d'aller aux toilettes, Manon tenta de me retenir en m'indiquant que le spectacle des enfants allait commencer, mais je n'en avais que faire, des enfants qui sautent et qui font la fierté de leurs parents ne m'intéressent pas. Tout ce qui m'intéressait, c'était de m'échapper de toute cette tension qui rôdait autour de moi.
J'arrivai dans les toilettes et jetai un coup d'œil à ma tête, dans le miroir orné de bambous en face de moi. Je transpirais, je ne me sentais vraiment pas bien. J'estimais avoir trompé Jacob en embrassant Paul. J'aimais Jacob, je ne pouvais pas le nier, c'était une évidence, mais j'aimais toujours Paul, c'était aussi une évidence. Le fait est, que Paul a à un moment donné, dû faire un choix et qu'il ne m'a pas inclue dedans. Jacob s'est toujours sacrifié pour moi, c'était l'homme parfait, et pourtant, j'avais trouvé le moyen de lui donner une raison de me laisser, de m'abandonner. Il n'allait pas le faire, il tenait beaucoup trop à moi. Je songeai à lui dire la vérité, toute la vérité, sur Paul et moi, notre histoire, la réelle raison de notre rupture, et puis le baiser de tout à l'heure. Une migraine immense me prit et je dus m'appuyer sur le rebord de l'évier, j'étais soudainement prise de vertiges, je décidai de m'asseoir carrément, sur le tabouret situé à ma gauche. Soudain, la porte s'ouvrit, c'était Manon. Je ne lui avais pas vraiment parlé mise à part notre dispute à l'aéroport. Elle me vit et s'agenouilla devant moi.
- Ça ne va pas ? demanda-t-elle en me regardant dans les yeux. J'essuyai légèrement les gouttes de sueur qui ruisselaient sur mon front et relevai la tête vers elle.
- J'ai un peu la nausée, sûrement à cause de la fatigue.
Elle se redressa et se lava les mains.
- Sûrement un bébé, je dirais, affirma-t-elle en me regardant dans le miroir.
Je me mis à froncer les sourcils.
- Pardon ?
Elle se retourna et croisa les bras.
- Tu m'as l'air d'avoir tous les symptômes pourtant, dit-elle, confiante.
- Je ne suis pas enceinte, ça me paraît évident.
- Oh, toi et Jacob, n'avez jamais ...?
Alors là.
- Ça ne te regarde en aucun cas ! m'indignai-je devant ce manque de respect.
Comment osait-elle m'interroger sur ma vie intime avec Jacob et surtout, insinuer que j'étais enceinte ?! Nous ne nous connaissions absolument pas et elle se permettait de tirer des conclusions aussi hâtives.
- Oh, et entre Paul et toi alors, ça devrait me regarder, tu ne penses pas ?
Mon cœur rata un battement. Tout à coup, j'avais peur. Je ne savais pas si elle parlait de notre amourette d'adolescents, ou bien du baiser échangé avant le repas, ou même des deux. J'étais en position d'infériorité, je craignais les connaissances de Manon, elle pouvait aussi bien tout savoir, ou prêcher le faux pour avoir le vrai. Mais dans ce cas-là, pourquoi ? Paul et moi n'avions pas fait preuve d'une certaine ambiguïté. Au contraire, nous ne nous parlions jamais en présence des autres. Je reculai sur le peu de place qu'il me restait sur le tabouret et m'adossai au mur. Je devais me prendre un air détaché afin de ne pas semer plus de doutes. Mais si elle doutait, Jacob aussi alors ? Un second nœud se forma au creux de mon ventre, je me sentais étouffer. Manon se rapprocha de moi, et me sourit vicieusement.
- Alors ?
- Il n'y a rien entre Paul et moi, j'aime Jacob.
Elle se baissa et m'observa droit dans les yeux. Je pouvais y voir de la haine, du défi, de la méfiance et de l'arrogance, un peu de mépris.
- Je vais te dire un truc, annonça-t-elle avant de se relever, encore une fois.
Je ne dis rien et elle poursuivit.
- Tout à l'heure, nous nous dirigions vers, le dîner, n'est-ce pas ? Oui. Et, bien que Jacob soit franchement hyper cultivé et intéressant, je me suis demandée "Mais où sont nos deux partenaires ?" Je me retournai et ne vis aucun de vous deux, étrange ! Je prétextai alors avoir oublié une petite babiole dans la villa pour faire demi tour. Jacob ne s'occupa pas d'où est-ce que tu étais passée, hélas. Il poursuivit donc sa route et moi, je marchai à pas de loups. Je vis alors une embouchure, qui menait à un espèce de buisson. Et là, quelle surprise, Manon et Paul, les lèvres scellées ! Tu me diras, "mais comment tu peux être sûre que c'était nous ?" et là je te répondrai, les led rouges ont éclairé Paul et je ne pouvais que déduire qu'il t'embrassait, toi, Manon. Je m'éclipsai rapidement, loin d'être blessée,ah ça, non, je savais que cela arriverait. Paul joue avec les cœurs, il a toujours été comme ça, il ne changera jamais, il est extrêmement séduisant et aime jouer de son charme pour faire tomber toutes les femmes dans ses filets.
Je me levai enfin, lui faisant face.
- Pourquoi tu es toujours avec lui, alors ?
- Il a besoin d'être recadré, dressé, maintenu. Il pêcherait tout ce qu'il trouverait sinon, brisant alors des centaines de petits cœurs.
Je laissai échapper un rire nerveux. Cette métaphore entre Paul étant un pêcheur et les femmes, juste de malheureux poissons se laissant piéger par un bon appât était juste ridicule.
- Oh, je devrais donc te remercier d'épargner toutes ces femmes de se faire briser le cœur par le gros méchant Paul ! Qu'est-ce qu'on ferait sans toi, Manon, dis-je ironiquement en tapant des mains.
Elle sourit hypocritement, toujours les bras contre la poitrine. Elle leva alors les yeux au ciel.
- Si tu veux te laisser manipuler par ce Paul Brassin que tu crois si bien connaître, vas-y, mais sache qu'un certain Jacob est prêt à tout pour ta sale gueule.
Sur ce, elle quitta les toilettes et je restai bouche bée. Elle me poussait littéralement dans les bras de son fiancé, mais dans quel but ? Alors elle ne l'aimait pas ? Elle souhaitait simplement éviter qu'il fasse du mal aux femmes qui seraient susceptibles de l'aimer ? Honnêtement, je ne pouvais pas me fier à elle. Certes, elle connaissait Paul depuis plus longtemps que moi, mais quand bien même, elle n'avait pas besoin de se fiancer à lui afin qu'il arrête de jouer. Elle avait dû avoir un sacré cœur brisé. Je ne lui en voulais pas tellement car, en soit, son action était admirable. Je doutais franchement de la sincérité de ses propos. J'avais aimé Paul, je l'aimais toujours, et il était loin de correspondre à la description qu'elle venait de me faire de lui.
Je retournai à table et Jacob me demanda si j'allais mieux. Je lui esquissai un sourire et il me prit la main, sous le regard du couple voisin. Manon prit son verre de vin en main et le souleva, pour porter un toast.
- Trinquons en l'honneur de l'amour, la confiance et la fidélité.
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Sunset Lover - 2
RomanceDeux couples, des vacances à l'autre bout du monde et une flamme ravivée.