Chapitre 2 - Descente

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Le rythme de mon coeur s'emballe, ils vont tout prendre, comme à leur habitude. Et je refuse qu'il me prennent mes seuls trésors. Je dois absolument entrer dans ma chambre. Je passe derrière le bâtiment, là où les voitures ne sont pas encore arrivées. Je prend les escaliers qui mènent à l'étage, en faisant bien attention de ne pas me faire repérer par les brigades qui entrent en masse à l'autre bout du hangar. Tak va avoir des problèmes. Je cours dans les couloirs pour enfin arriver devant ma porte, j'enfonce la clef et entre en trombe. J'ouvre mon sac à dos avant d'y fourrer des restes de nourriture et quelques vêtements chauds. J'entends les pas bruyants des flics monter à l'étage. Je n'ai plus que quelques secondes. Je soulève le matelas et la latte de parquet avec une rapidité que je ne me connaissait pas pour saisir mon enveloppe presque pleine et lui faire subir le même sort qu'à mes vêtements.

Je sens mon coeur s'arrêter quand quelqu'un frappe à ma porte violemment. Des éclats de voix retentissent, puis plus rien. Je me fige et tente de ne pas faire de bruit en ouvrant la fenêtre. Ils risquent de fracasser la porte en quelques secondes, j'arrête de respirer quand je vois mes dessins posés sur mon bureau, à l'autre bout de la pièce, à côté de la porte. L'hésitation me fait perdre quelques secondes, ces dernières ont failli m'être fatales quand la porte s'ouvre en grand dans un nuage de poussière. Sans réfléchir, je saute à travers la fenêtre ouverte pour atterrir violemment sur le toit d'en dessous, je me redresse, une boule dans le ventre. Quelle conne !! Je dois les récupérer. Je me poste en hauteur dans la nuit, pour observer ce qu'il se passe dans ma chambre.

Je découvre que les flics de la haute société sont entrés dans ma petite pièce, ils la scrutent avec attention. Les alarmes s'étant calmées, je peux vaguement entendre leur conversation.

- Je demande une montée du Capitaine Païkan au 1er étage. Annonce un flic dans sa radio.

Il faut à peine quelques minutes pour que je vois entrer un homme dans ma chambre, sa carrure impressionnante me fait me recroqueviller sur moi-même. Son regard est dur et semble refléter ce qu'il a vécu, une vie difficile et tempêtueuse. Quelques mèches noires lui tombent devant ses yeux verts. Même d'où je suis, je peux deviner que c'est un homme qui a un long parcourt derrière lui, malgré sa jeunesse. Je lui donnerai une petite trentaine d'années.

Je me secoue la tête, me trouvant bête d'avoir baissé ma garde pour observer cet homme.

- Nos informateurs avaient vu juste, la mineure habitait bien ici. Lui dit un flic.

Il hoche simplement la tête avant d'observer la pièce. C'est donc cela, si un Capitaine est descendu jusqu'ici c'est que j'avais vu juste, ils étaient bien informés. Depuis quelques années, la haute société de Dengar fait descendre des brigades entières dans le but de récupérer des enfants. La surpopulation de nos quartiers qui entourent la ville a fait de nombreux orphelins, les femmes ne peuvent souvent pas assumer leurs enfants faute de moyens suffisants et de moyens de contraception. Néanmoins, je ne sais pas comment ils ont pu apprendre ma présence ici, je fais mon maximum pour ne pas me faire remarquer, c'est étrange. Le regard du Capitaine se pose sur mon bureau.

- Allez aider les autres. Ordonne-t-il.

Sa voix rauque me fait un frisson dans toute la colonne vertébrale.

- Oui mon capitaine.

Et ils dégagent tous en une seconde. Tant mieux, il ne reste plus que ce Capitaine. Il est la dernière barrière entre mes dessins et moi. Aller, dégage, va voir ailleurs si j'y suis. Mais au lieu de ça, il s'approche de la petite table et saisi les feuilles qui sont posées dessus. Non. Repose ça. Je m'approche du bord du toit. Il scrute mes dessins avec beaucoup trop d'attention. Et moi qui ai eu le malheur de les signer.

- Ska. . . Prononce-t-il.

Merde.

La gouttière sur laquelle ma main droite est appuyée cède sous mon poids, je recule d'un coup dans le noir pour me cacher mais la bêtise est faite, un énorme vacarme suit la chute de la gouttière. Je vois le Capitaine s'avancer vers la fenêtre ouverte. Il regarde dans ma direction. Je reste pétrifiée, ne sachant pas s'il me voit. Des cris se font entendre en bas, je dois bouger. Je ne veux pas être interner dans leurs centres pour enfants abandonnés, c'est pire qu'une prison et je tiens à ma liberté.

A la seconde où le Capitaine ne me regarde plus je saute sur le toit d'en face et m'enfuit en courant, je vais aller me mettre sur un autre toit pour suivre leurs mouvements. Des cris en bas me suivent pendant quelques minutes mais je les sème sans difficulté. L'aube se lève et je m'assoie au bord d'un nouveau toit. Sans gouttière.

Je ne peux plus entendre ce qu'ils disent mais je peux encore les voir. Je pose mon sac à dos pour observer la scène. Tak est sorti du hangar de force, trois flics le maintiennent. Une dizaine d'hommes de Tak subissent le même châtiment, tous embarqués dans des camionnettes. Je vois alors le Capitaine sortir du bâtiments, des feuilles à la main. Mon sang ne fait qu'un tour. Il a osé. Je le vois s'approcher de Tak, il lui montre les feuilles en lui parlant, Tak lui répond avec une expression hargneuse. Je voudrais tellement entendre ce qu'ils se disent. Mais Tak se fait lui aussi embarquer dans une fourgonnette. Puis en quelques minutes, le hangar est complètement désert. Je souffle un bon coup avant de me décider à y retourner.

J'entre par la fenêtre de ma chambre pour découvrir qu'elle est vide, il ont pris tout ce qu'il me restait, mais ce qui m'inquiète le plus, ce sont mes dessins. Je dois absolument les récupérer, quel qu'en soit le prix. Je repositionne mon sac sur mon dos avant de sortir de la pièce par la porte et de descendre dans le hangar. Il leur a fallu moins d'une heure pour démanteler le réseau de Tak. Mais je ne m'inquiète pas pour lui, ce n'est pas la première fois qu'il se fait prendre, il s'évadera à un moment ou un autre.

Je me dirige alors vers son garage, j'espère qu'il ne m'en voudra pas trop. J'entre et allume la lumière. Je savais qu'il gardait ici un tas de caisses, vieilles comme plus récentes mais je jette mon dévolu sur une vieille coccinelle et sa couleur verte passée. Enfin, je n'ai pas trop le choix, c'est la seule qui a ses clefs sur le contact. J'aurais bien suivi le Capitaine à partir des toits mais il me faut aussi un endroit où dormir et il est hors de question de revenir ici, le hangar va être bouclé et surveillé. Je démarre et sort du parking couvert. Je déambule dans les rues désertes du petit matin, les gens se sont barricadés chez eux quand ils ont entendu les sirènes des brigades arriver, un classique chez nous.

Et je sais exactement par où ils sont passés, j'ai juste à faire le même chemin. Je bifurque juste avant d'arriver en bas du mur, bien sûr je ne passerai pas sans papiers, alors je me dirige vers mon antenne. Je me gare en cachant la voiture à côté du petit cabanon qui gère l'antenne et descend du véhicule. Je grimpe sur l'antenne et saute sur le mur. Mais au lieu d'atterrir comme d'habitude, je me prend l'arrête du mur dans le ventre, me coupant le souffle. Je me retrouve les pieds dans le vide. Une quantité d'adrénaline me pousse jusqu'en haut, où je reprend ma respiration. Bon, quand ça m'arrive ça veut dire que je dois me reposer. On verra ça plus tard. Je me tourne vers Dengar, les véhicules des flics sont juste en bas. Bingo.

DengarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant