由美 7. Amitié

162 20 1
                                    

ー Mais c'est la petite Tsubaki ! fit mon père lorsque nous arrivâmes chez moi.

ー Bonjour, M. Sakuhana !

Mes parents nous adressèrent un grand sourire. Cela faisait longtemps que Tsubaki n'était pas venue à la maison : ils pensaient peut-être qu'elle allait pouvoir m'aider à aller mieux. À vrai dire, je l'espérais aussi.

Avec le plus grand soin, j'évitai Tadao et Ryôma et emmenai rapidement Tsubaki dans ma chambre. Je ne voulais pas que ces deux-là viennent nous embêter. Une fois la porte refermée, nous nous assîmes tranquillement sur mon lit et un silence s'installa. Comment allais-je lui dire ?

En voyant mon angoisse, Tsubaki attrapa une peluche près de mon oreiller et se mit à la caresser. C'était un petit chat.

ー Prends ton temps, me dit-elle.

Je la regardai, hésitante. J'en avais assez de souffrir. Je voulais en finir au plus vite.

ー En fait...

C'est dur... Que va-t-elle penser ? Est-ce que je vais la dégoûter ? Est-ce qu'elle m'aimera comme avant ? Elle ne voudra peut-être plus rester avec moi...

ー Je suis tombée amoureuse... murmurai-je.

Comme Tsubaki ne disait pas un mot, je finis ma phrase tout bas :

ー D'une fille.

Tsubaki prit soudain une expression triste.

ー Tu veux toujours être mon amie ? lui demandai-je aussitôt.

ー Bien sûr, Yumi.

Elle me tendit les bras et m'étreignit.

ー Ça n'a pas d'importance que tu aimes les filles ou les garçons.

Je la serrai fort contre moi. Mon cœur battait vite, mais j'avais tout à coup l'impression d'être libérée d'une partie de mon fardeau. « Pas d'importance ? » Il n'y avait bien que Tsubaki pour dire cela.

ー Cette fille, c'est Hatsu, n'est-ce pas ?

Je me redressai subitement. Comment...

En voyant ma surprise, Tsubaki reprit cet air triste.

ー Je m'en doutais, avoua-t-elle. Tu n'arrêtais pas de me parler d'elle. Le soir, tu étais impatiente d'aller la voir. À vrai dire, je ne t'avais jamais vue comme ça... Et puis du jour au lendemain, tu as fait comme si elle n'existait plus. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu lui as dit que tu l'aimais et... elle t'a repoussée ?

ー Non, dis-je timidement. Je ne lui ai rien dit.

ー Alors pourquoi es-tu si triste ?

ー Mais parce que... Elle n'est pas comme moi...

ー Qu'est-ce que tu en sais ? Tu lui as demandé ?

Je secouai la tête. C'était pourtant évident...

ー Tu sais Yumi, les filles qui s'aiment, ça existe, m'expliqua-t-elle avec un sourire.

J'avais du mal à la croire.

ー Tu as peut-être raison, mais moi je ne suis rien pour elle (Je répétais là les mots de Suki). En plus, elle doit me détester maintenant que je n'arrête pas de l'éviter.

Tsubaki désapprouva. Elle hésita un instant, puis finit par me dire d'une voix calme :

ー Écoute, je vais te dire quelque chose. Tu te rappelles, quand Naoka a décidé de vendre des glaces au lycée ?

J'acquiesçai.

ー Comme elle a préféré à la dernière minute te garder auprès d'elle, je me suis retrouvée toute seule dans l'aile sud. Et Hatsu était là.

Mon cœur se serra.

ー Quand elle m'a vue, elle a été surprise que tu ne sois pas avec moi, continua-t-elle. Elle m'a demandé si tu allais bien. Elle avait l'air inquiète... et un peu triste, aussi.

J'imaginai le beau visage de Hatsu rempli de chagrin. Qu'avais-je fait ?

ー Je suis sûre qu'elle t'attend toujours le soir au dôjô.

ー Mais je n'oserais jamais retourner la voir...

Tsubaki me prit les épaules et colla son front contre le mien.

ー Je suis là maintenant, déclara-t-elle. Et je vais t'aider.

Après une nouvelle étreinte, elle ressaisit la peluche et m'adressa un curieux regard.

ー Tu sais, je peux te comprendre. Hatsu est super belle.

Je me mis soudain à rougir.

ー Qu'est-ce que ça fait, d'aimer une fille ? Tu t'es déjà imaginée en train de l'embrasser ?

ー Arrête Tsubaki, c'est gênant...

En émettant un rire malicieux, elle pressa la peluche contre mes lèvres ; je la repoussai immédiatement mais elle recommença de plus belle.

ー Mais arrête ! m'esclaffais-je.

ー Embrasse-moi, Yumi ! disait-elle avec une voix aigüe, comme si c'était celle du petit chat.

Cette soirée resta à jamais gravée dans ma mémoire. Cela faisait longtemps que je n'avais pas autant ri. C'est à ce moment que je me rendis compte à quel point Tsubaki était une amie formidable : avec elle à mes côtés, j'avais l'impression de pouvoir tout accomplir.

Le lendemain, je retournai au lycée le cœur léger pour la première fois depuis longtemps. Nous ne croisâmes pas Hatsu. Pendant les cours, Tsubaki et moi nous nous taquinâmes avec nos règles. Tout semblait être rentré dans l'ordre. Je dirais même que notre amitié en était sortie renforcée. L'après-midi, quand nous arrivâmes au bureau des élèves, je fus choquée de retrouver la vraie Naoka. Comme nous étions légèrement en retard, elle nous cria dessus et nous donna deux fois plus de travail. Mais ce n'était pas bien grave. Du moment que Tsubaki était avec moi, le monde me montrait ses plus belles couleurs.

Le soir, Tsubaki me saisit par la main et me força à aller au dôjô. Elle m'accompagna jusqu'à sa porte mais je fus incapable de la faire coulisser. Hatsu... Hatsu était sans doute derrière. Peut-être dans la salle de rangement ? Elle devait avoir besoin d'aide.

ー Je ne peux pas, murmurai-je.

Mes doigts tremblaient alors qu'ils se posaient sur la porte. J'avais si peur de son regard...

Tsubaki haussa les épaules et m'adressa un sourire.

ー Ce n'est pas grave. Tu réessaieras demain.

Le lendemain, Naoka nous demanda de jouer les surveillantes dans les couloirs. Entre les cours, nous enfilions donc nos brassards et inspections les différentes ailes du lycée. J'étais incroyablement tendue, mais tout se passait bien avant que nous n'arrivions à l'aile sud. Là, j'aperçus au loin une silhouette que je connaissais bien. Je revis soudain ces cheveux noirs qui m'envoûtaient tant. Elle était seule.

ー Tsubaki ! m'écriai-je. Cache-moi !

Aussi paniquée que moi, mon amie ne sut comment réagir.

ー Elle vient vers nous, chuchota-t-elle avec angoisse.

Effectivement, Hatsu marchait en notre direction. Alors qu'elle s'approchait, je fermai les yeux, prête au choc. Mais quelques secondes passèrent et le silence demeurait.

ー Yumi, fit la voix de Tsubaki. Elle est partie.

J'ouvris timidement les yeux, juste assez rapidement pour la voir disparaître au bout du couloir.

ー Elle m'a vue ? lui demandai-je.

ー Je ne sais pas... Elle avait le regard vide.

Lâchant Tsubaki que je tenais crispée contre moi, je m'en voulus aussitôt. C'était peut-être l'occasion de renouer avec elle... Pourquoi m'étais-je cachée ? Un simple bonjour aurait même suffi...

Hatsu, désolée...

Kimi no kiaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant