由美 11. Grondement

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Maintenant que j'y repense, je m'en veux de ne pas avoir su quels dangers pesaient sur Hatsu à l'époque. Innocemment, nous continuions à nous retrouver au lycée dans le dôjô, à l'abri des regards. Ces moments étaient pour moi les plus précieux car je pouvais me jeter dans ses bras sans retenue. Personne ne pouvait ni nous voir, ni nous juger. Je me disais qu'il en serait toujours ainsi, qu'elle serait toujours là pour me montrer ses plus beaux sourires.

Comme d'habitude, nous étions ce soir toutes les deux l'une contre l'autre. J'étais assise entre ses jambes et je m'amusais avec ses cheveux sombres.

ー Dis, Hatsu, murmurai-je. Un jour, j'aimerais bien me marier avec toi.

Ma remarque provoqua un rire chez elle.

ー Moi aussi, j'aimerais bien.

ー Tu crois que ce sera possible ?

Je m'étais retournée vers elle et lui adressais un regard plein d'espoir. Dans ses yeux, j'aperçus pourtant un peu de tristesse.

ー Ça risque d'être compliqué, m'avoua-t-elle. Mais nous réussirons bien un jour.

Je savais au fond de moi qu'elle me mentait. Je n'avais rien dit à ma famille, et en vérité je n'avais pas vraiment envie de les mettre au courant. Je redoutais leur réaction, et puis... les mariages entre filles, ce n'était pas bien vu, ni même reconnu là où nous vivions. Si seulement nous n'avions été que deux, tout aurait été plus simple... Malgré cela, je voulais me bercer de rêves.

Comme elle me voyait préoccupée, Hatsu me demanda ce qui n'allait pas.

ー Et pour les noms de famille ? lui demandai-je, angoissée. Comment on va faire ?

ー Je n'aime pas le mien, alors je pourrais adopter le tien, me proposa-t-elle.

Hatsu Sakuhana. Ça sonnait plutôt bien.

ー Tu crois que tes parents seraient d'accord ?

Hatsu fit une grimace. Je me tus alors, n'osant plus poser aucune question. C'était idiot de demander ça, Yumi. C'était idiot d'aborder l'idée du mariage. Cependant, je ne pouvais m'empêcher d'être triste. Et pourquoi cela était-il idiot ? Parce que nous étions des filles ? C'est injuste... Nous nous aimons, nous devrions pouvoir faire ce que bon nous semble. Accablée, je commençai soudain à penser au futur. Je ne veux pas vivre dans le secret toute ma vie... Quand nous partirons du lycée, le dôjô ne sera plus là pour nous cacher. Est-ce que Hatsu sera au moins toujours avec moi ?

ー Ce n'est pas juste, lâchai-je, retenant ma colère.

Hatsu resta silencieuse, puis commença à me caresser les cheveux. Elle me dit tout bas :

ー Oui, ce n'est pas juste. Parce que nous sommes deux filles et que nous nous aimons, on ne va pas nous laisser faire ce que l'on veut... Les gens nous jugeront peut-être et nous ne pourrons rien y faire. Cependant, si certaines personnes ne sont pas d'accord, cela veut dire que d'autres le sont. Tsubaki et Kana sont bien heureuses pour nous, n'est-ce pas ?

Hatsu disait des choses sensées. Attentive, je la regardai dans les yeux.

ー Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Nous devons simplement faire ce que nous voulons faire, c'est tout.

J'hochai la tête. Hatsu avait raison, ce n'était pas quelques regards malveillants qui allaient me séparer d'elle. Peu importait les obstacles qu'on mettrait sur notre route, je continuerais à l'aimer.

Tout à coup, nous entendîmes une sonnerie de téléphone retentir dans le dôjô.

ー C'est mon portable, fit Hatsu.

J'essayai de toutes mes forces de l'obliger à rester assise et d'ignorer l'appel, mais elle réussit à se lever avec un rire. Elle sortit alors de la salle de rangement et décrocha. Intriguée, je me levai aussi et vins la rejoindre. Mais soudain, je me figeai. Hatsu avait un air terrifié que je ne lui avais jamais vu.

ー Quoi ? Tout de suite ? (Sa voix tremblait). Mais... je ne suis pas encore à la maison...

Ayant un mauvais pressentiment, je gardai mes distances.

ー Non, non, je travaillais... D'accord, je me dépêche.

Le téléphone raccrocha et il y eut un silence extrêmement désagréable. Je compris que quelque chose se passait.

ー C'était mes parents, m'expliqua Hatsu. Leur avion vient d'atterrir, ils arrivent bientôt.

ー C'est génial ! m'écriai-je innocemment.

Hatsu secoua la tête, l'air grave.

ー Non, Yumi. À chaque fois qu'ils reviennent, quelque chose de mauvais se passe.

Je n'osai pas la contredire. Hatsu se rapprocha de moi et m'embrassa le front.

ー Il faut que je te laisse, je dois partir vite.

Toutes les deux, nous sortîmes du dôjô. Avant que Hatsu ne se mette à courir, je lui avais lancé un « bon courage ». J'espérais qu'elle n'en aurait pas besoin.

Kimi no kiaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant