由美 13. Crépuscule

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La réponse de Hatsu avait beau m'avoir soulagée la veille, ce fut avec le cœur lourd que je retournai au lycée. « Ça aurait pu être pire. » Qu'avait-elle voulu dire par-là ?

Le matin, je fus surprise de ne pas la croiser. Pourtant, il me semblait bien avoir vu Gôsei dans les couloirs. C'était si inhabituel que je fus immédiatement inquiète. L'après-midi, je me mis donc à supplier Noaka pour qu'elle me laisse partir en surveillance, chose qu'elle m'accorda. Aussitôt sortie du bureau des élèves, je me précipitai alors chez les troisièmes années. Je reconnus quelques-unes de ses camarades de classe, mais Hatsu n'était pas là. Peut-être était-elle déjà partie au dôjô ? Je fis donc volte-face et m'empressai d'y aller. Au détour d'un couloir, j'aperçus pourtant Suki au loin. Elle était assise par terre et avait le regard vide. Que faisait-elle ici ? Si le club de kendô avait ouvert ses portes, c'était là-bas qu'elle aurait dû être... Trouvant cela de plus en plus étrange, je pressai le pas et arrivai au dôjô. Alors que je m'apprêtais à faire coulisser la porte, j'entendis quelqu'un crier.

ー Et comment veux-tu que je reste calme ?

Était-ce la voix de Gôsei ? Que faisait-elle ici ? Décidément, quelque chose ne tournait pas rond. Voulant en avoir le cœur net, je m'introduisis discrètement à l'intérieur.

Le dôjô était vide. Aucune kenshi n'était venue aujourd'hui. Je ne voyais que Gôsei et Hatsu, debout face à face. Et elles semblaient se disputer.

ー Rassure-toi Kana, je préfèrerais encore mourir plutôt que de leur céder.

ー Ne dis pas ça !

Gôsei avait une voix tremblante, comme si elle était sur le point de pleurer. Alors qu'elle tournait le dos à Hatsu, elle lança un regard en ma direction et sembla m'ignorer.

ー Et à elle, tu lui as dit ? demanda-t-elle tout bas.

Hatsu remarqua soudain elle aussi ma présence. Elle se mordit la lèvre et secoua la tête.

ー Qu'est-ce qui se passe, ici ? m'inquiétai-je.

Personne ne voulut me répondre. Mes yeux passèrent de Hatsu à Gôsei, et inversement. Finalement, Gôsei lâcha un soupir et s'en alla du dôjô.

ー Je vous laisse toutes les deux.

Toujours effrayée, mes jambes se mirent à trembler.

ー Hatsu ?

Comme elle me tendait la main, un sourire tendre sur les lèvres, je m'approchai et fus surprise par son étreinte. Hatsu resta longtemps sans rien dire, puis elle me demanda de m'asseoir.

ー Hier, je t'ai menti, avoua-t-elle. Ça s'est très mal passé.

ー C'est vrai ?

ー Oui. Mes parents ont décidé de me marier, et ça va se faire très bientôt. Je n'étais au courant de rien. Aujourd'hui, c'est mon dernier jour au lycée.

J'émis un rire nerveux.

ー Tu me fais une blague ?

Je savais bien que c'était vrai.

ー Non, Yumi.

ー Mais... Tu ne peux pas refuser ?

ー J'ai essayé, crois-moi, dit-elle en baissant les yeux. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.

Hatsu me serra de nouveau contre elle. Je m'agrippai alors à son uniforme, les larmes aux yeux, et respirai son odeur.

ー Je ne vais pas les laisser gagner.

ー Et si tu n'arrives pas à leur faire changer d'avis ?

Hatsu prit un air lugubre, puis me répondit avec un sourire :

ー J'y arriverai.

Je voulais la croire. Mais si elle en était si sûre, pourquoi ses mains tremblaient autant ? Pourquoi ses sourires avaient-ils l'air si faux ?

ー Mes parents veulent que je rentre à la maison à 18h, me dit-elle. D'ici-là, est-ce que tu veux bien... rester avec moi ?

J'hochai la tête frénétiquement. Bien sûr, bien sûr que je voulais rester avec elle. Je me mis donc à la serrer contre moi, comme si c'était la dernière fois que je la voyais. Mais ce qui m'inquiétait, c'était qu'elle aussi semblait agir dans cette même logique. Hatsu... Elle m'embrassait. Hatsu... Elle me disait qu'elle m'aimait. Toutes les deux, nous allâmes dans la salle de rangement et fîmes les mêmes choses que nous avions faites chez elle. Je me rappelais de la première fois où nous nous étions vues. Jamais je n'aurais imaginé la place qu'elle prendrait dans ma vie. Elle m'avait fait dévier des autres pétales et atterrir dans cet étang. Elle m'avait fait découvrir mille choses, elle m'avait fait rêver. Tout ne pouvait pas s'arrêter ainsi. C'était impossible. Chaque fois que je regardais ses yeux, j'y voyais sa force et son courage. Comment faisait-elle pour ne pas pleurer ? Hatsu était une fille extraordinaire, je ne comprenais pas pourquoi elle ne pouvait pas vivre comme elle l'entendait. Les Ueda... étaient décidément bien cruels.

Quand le soir commença à tomber dehors, je ne pus me résoudre à la lâcher. Ce fut elle qui dut se débattre. En m'adressant un sourire rassurant, elle m'embrassa une dernière fois et me murmura :

ー À demain, Yumi.

Kimi no kiaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant