初 17. C▓ch▓mar

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Le vent de la montagne m'apportait l'odeur mélancolique et fruitée des érables de la vallée. Les rayons du soleil s'amusaient avec les feuilles et dessinaient des tâches d'ombre par terre. Allongée dans l'herbe, je regardais la lumière d'un air absent.

ー Hatsu, tu viens t'entraîner ?

La voix de grand-père me sortit de ma rêverie. Le sourire aux lèvres, je pénétrai dans la maison et cherchai un shinai. Un ruban lumineux glissait sur le parquet et m'indiquait le chemin à suivre. Il me mena jusqu'au katana de grand-père, déposé sur son socle. J'approchai timidement mes doigts de la lame et un visage se refléta dans le métal.

ー N'y touche pas !

Terrifiée, mes jambes perdirent de leur force et je tombai dans un étang. Je me mis à couler lentement et fermai les yeux.

Où étais-je ? Tout était noir... Je me sentais partir lentement et c'était agréable. Une douce chaleur m'entourait, j'avais envie de rester ici pour l'éternité... Qu'est-ce que c'est ? Dans le creux de ma main, je remarquai que je tenais quelque chose. Pourquoi n'arrivais-je pas à le lâcher ? Agacée, je secouai mon bras mais mes doigts ne me répondaient pas. J'entendis une voix m'appeler et me tirer lentement de cet endroit merveilleux. Incapable de résister, j'ouvris les yeux.

Le vent de la montagne m'apportait l'odeur mélancolique et fruitée des érables de la vallée. Les rayons du soleil s'amusaient avec les feuilles et dessinaient des tâches d'ombre par terre. Allongée dans l'herbe, je regardais la lumière d'un air absent.

ー Hatsu, comment s'est passée ta rentrée ?

Grand-père vint s'asseoir à côté de moi. Je lâchai un long soupir.

ー Ce n'était pas formidable, fit ma voix enfantine. J'ai retrouvé Daisuke et Eijirô. Ils n'ont vraiment pas été gentils avec moi.

ー Tu ne t'es pas laissée faire, j'espère ?

ー Bien sûr que non ! Je les ai frappés et la maîtresse m'a punie.

ー Ils l'avaient mérité, me rassura grand-père.

J'hochai la tête avec amusement.

ー Je déteste les garçons, déclarai-je en fronçant les sourcils. Ils sont prétentieux et ne contrôlent pas leur force. Ils pensent avoir leur place partout où ils vont et ils disent que nous sommes faibles. Dire qu'un jour je me marierai avec l'un deux...

ー Tu n'as pas fait que te battre, j'espère ?

ー Non ! J'ai retrouvé Fumiko et on s'est bien amusées, toutes les deux.

Grand-père s'allongea dans l'herbe avec moi. Il m'adressa un sourire curieux et me demanda :

ー Et elle, comment tu la trouves ?

ー Fumiko ? Elle est très douce avec moi. Quand les garçons me frappent, c'est elle qui vient mettre de la glace sur mes bleus.

ー Elle est jolie ?

Je me redressai brusquement, les joues rouges.

ー Bien sûr qu'elle est jolie ! m'écriai-je.

ー Ce n'est pas plutôt avec elle que tu veux te marier plus tard ?

Je m'esclaffai sans retenue.

ー Grand-père, tu es bête ! On ne se marie pas, entre filles !

Il se joignit à mon rire.

ー Tu en es sûre ?

Je m'arrêtai tout à coup, déconcertée et prise de doute.

ー Peu importe, me dit-il. Tout ce qui compte pour moi, c'est que tu sois heureuse.

Le téléphone se mit à sonner dans la maison. Prise de peur, je vins me blottir près de grand-père.

ー Va répondre, Hatsu, c'est sans doute tes parents.

ー Je ne veux pas, bafouillai-je.

ー Va répondre. (La voix de grand-père se faisait de plus en plus menaçante)

Je n'aimais pas lorsqu'il se mettait en colère, mais mes jambes refusaient de bouger.

ー Va répondre ! cria-t-il.

L'herbe disparut pour laisser place à un étang noir. Je me mis à couler et fermai les yeux.

De nouveau cet endroit... Ressentir sa chaleur m'envelopper me rendit incroyablement heureuse. Je suis si apaisée... Doucement, je me laissai aller dans l'obscurité mais des rires se firent soudain entendre. Qu'est-ce qui se passe ? Je me sentais remonter à la surface. Non ! Laissez-moi ici... Mon corps se mit à bouger dans tous les sens, comme si quelqu'un d'invisible me prenait par les épaules et me remuait. Mais qu'est-ce que c'est ? Dans ma main, je tenais toujours fermement cette chose. Malgré tous mes efforts, les rires m'arrachèrent à cet endroit et j'ouvris les yeux.

Le vent de la montagne m'apportait l'odeur mélancolique et fruitée des érables de la vallée. Les rayons du soleil s'amusaient avec les feuilles et dessinaient des tâches d'ombre par terre. Allongée dans l'herbe, je regardais la lumière d'un air absent. J'entendais une voix m'appeler au loin, mais elle se mêlait au vent, à peine plus perceptible qu'un murmure.

ー Hatsu, tu l'entends toi aussi ? me demanda grand-père.

J'acquiesçai, confuse. Cette voix me paraissait familière, mais je n'arrivais pas à la reconnaître. Quand elle disait mon nom elle me faisait rougir.

ー Qui est-ce, grand-père ?

ー Si tu ouvres les yeux, tu le sauras.

Je ne comprenais pas.

ー Qu'est-ce que tu racontes ? Ils sont déjà ouverts.

La voix se fit de nouveau entendre ; je crois même qu'elle se mit à chanter. Embarrassée, je me bouchai les oreilles. Grand-père me saisit alors le poignet.

ー Non, ne l'ignore pas ! s'écria-t-il.

ー Mais elle m'énerve !

ー Écoute, elle t'appelle.

Je me dégageai avec agacement et me levai d'un bond. Courant aussi vite que je le pus, je dévalai la montagne mais mes jambes se bloquèrent d'un coup. Après avoir trébuché, j'atterris dans cet étang sombre où je me remis à couler.

Laissez-moi... Laissez-moi partir... Je ne veux pas ouvrir les yeux...

Kimi no kiaiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant