Chapitre 4 : Souvenirs

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Toujours contre le tronc d'un arbre, Lucy l'observait essayer d'allumer un feu tout content de ses progrès. Il y a peine quelques minutes, une légère fumée presque imperceptible s'était élevé du tas de branches qu'il avait confectionné. Achilleus en sentant cette odeur caractéristique de bois cramé se mit à sautiller partout, pour lui c'était une très grande victoire alors que pour la jeune femme ses efforts ne servaient à rien. Ils étaient en pleine été et le feu aurait servi au mieux à éloigner les bêtes sauvages.

- Regarde j'y suis presque ! s'exclama-t-il entre deux improvisations de pas de danse.

- C'est bien, bravo Achilleus, répondit-elle avec le ton qu'une mère adopterait face aux «œuvres» de son enfant. J'ai déjà chaud tu sais puis on a pas vraiment besoin de ça pour l'instant....

- Au moins, je saurais le faire quand cela sera nécessaire.

Quelques semaines en arrière elle aurait sûrement dansé avec ce type trop naïf mais les Jeux étaient passé par là. Sa vie avant la Moisson lui manquait terriblement, c'était une existence simple mais calme. Forcément ils vivaient dans la galère mais n'est-ce pas ce qui donne tout le charme à cette vie d'artiste ? Des spectacles par-ci par là, des sourires arrachés aux mineurs moroses qui rentraient de la mine.

C'était sympa, ni plus, ni moins et ça lui convenait. Sa mère lui disait souvent que le calme précède la tempête qui précède le bonheur mais Lucy voyait mal comment trouver le bonheur dans sa situation.

En tout cas, le garçon venu du Capitole s'en était tiré mieux qu'elle ne l'aurait cru. Il avait réussi à sortir la balle sans trop bousiller sa cheville puis il avait arraché un pan de son t-shirt pour lui faire un bandage. Ils n'avaient rien pour la désinfecter mais c'était mieux que rien. Toute cette gentillesse la rendait bizarrement très méfiante, comment un gamin venu de là-bas pouvait être aussi désintéressé. Ne sont-ils pas tous des hypocrites, avide de gloire ? Lucy s'interdisait de s'attacher à ce personnage atypique, ni de lui laisser la moindre chance de gagner sa confiance.

- Pourquoi tu ne m'as pas tué ? T'aurais pu rafler toutes mes provisions en plus je dois être un poids pour toi, s'interrogea Lucy avec une petite voix érailler.

- Parce que c'est mieux d'avoir la compagnie de quelqu'un vivant plutôt que d'un cadavre. Répondit Achilleus pendant qu'il continuait d'essayer d'allumer son feu de camp. Puis je pouvais pas te laisser crever, c'est pas mon genre.

C'était une curieuse réponse pour le moins mais elle n'en démordit pas, Achilleus avait forcément un intérêt derrière.

- Pourquoi tu t'es retrouvé dans l'armée et pourquoi au District 12 ? continua-t-elle curieuse de connaître son histoire, un type aussi loufoque devait avoir une vie à la hauteur de son étrangeté.

- J'ai fais une grosse connerie que mon père n'acceptait pas. C'était l'acte de trop et il m'a envoyé chez les Pacificateurs sans me donner le choix. Puis comme ultime humiliation j'ai échoué au District 12. Ma punition était de passer vingt-ans là-bas, tu imagines ? Quand tu reviens à la maison tes sœurs sont mère de famille et tes frères ont les postes les plus prestigieux de Panem.

- C'était quoi cette connerie. Pourquoi tu as fuis des pacificateurs alors ? Tu reçois une solde tous les mois et ils te nourrissent sans te faire payer, si c'est pas beau ça.

- Je ne veux pas en parler, lâcha-t-il soudain froid, voulant couper court à cette discussion.

Elle ne chercha pas plus loin et se tut les yeux rivés sur la cime des arbres. Cette conservation semblait l'avoir frustré puisqu'il arrêta ses efforts et se colla contre un tronc en face d'elle. Les deux étrangement muets s'observèrent ne sachant pas quoi l'avenir leur réservaient.

La chanteuse pouvait bien se promettre de s'éloigner de lui dès que possible, elle avait besoin du garçon venu du Capitole. Sans quoi elle deviendra folle ronger par la solitude et la mélancolie des jours plus heureux.

Achilleus, lui s'accrochait déjà à Lucy car sans elle, il n'a aucune raison de vivre. Lucy représentait une partie de sa vie perdu, un souvenir à protéger coûte que coûte. Il savait qu'il n'était pas très fort ni malin et que son optimisme l'insupportait déjà mais il faisait ce qu'il pouvait. Pour faire revenir l'ancienne Lucy, celle qu'il avait adoré écouter au zoo, Achilleus se dit que c'était une bonne idée de remuer le couteau dans la plaie et lui rappeler des souvenirs trop frais pour qu'elle puisse «extérioriser».

- C'est ton amoureux qui t'a fais ça ? demanda-t-il en pointant avec son doigt sa jambe.

Lucy le dévisagea ne sachant pas s'il faisait exprès d'être aussi maladroit, d'un ton cinglant sa réponse ne se fit pas tarder :

- Ce n'était pas mon amoureux. Sa voix ne laissait aucune place à l'interprétation, Lucy ne voulait pas parler de ça.

- Ah ? Pourtant les gens disaient que vous vous êtes embrassé devant les professeurs et les juges.

Elle se souvenait de ce baiser que trop bien, la chaleur de son étreinte et la douceur de ses lèvres seront des sensations qu'elle ne pourra jamais oublier sauf qu'il lui rappelait des choses définitivement perdu et cela l'emplissait de tristesse. Achilleus la vit perdre le peu d'assurance en elle alors que des gouttes perlaient aux coins de ses yeux, se maudissant d'être aussi maladroit il combla timidement la distance entre elle et puis il passa sans dire un mot ses bras autour de ses épaules. La jeune femme se laissa faire trop occupé à sangloter pour émettre la moindre protestation. Cette étreinte ne pouvait remplacer celle de son amour perdu mais elle avait le mérite d'être réconfortante.

Alors que les larmes coulaient contre ses joues et que ses épaules tressautaient. Lucy n'avait qu'une envie, se reprendre en main et vivre.

Hunger Games : La ballade de LucyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant