C H A P I T R E 14

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C'est officiel, je suis en retard. Heureusement que j'avais une alarme pour me rappeler d'appeler le dentiste qui m'a tiré de mon sommeil, sinon ça aurait été pire. Il est quatorze heures passées et je cours vers l'hôpital où je dois discuter avec Gaspard. À mon avis, j'étais tellement anxieuse que j'ai ignoré mon réveil pour retarder le moment. 

Pourtant, j'ai fait mon choix et rien n'altérera ma décision, mais inconsciemment, je sais que j'ai peur. Plus que de la peur, je suis terrifiée en pensant aux conséquences de ce que je m'apprête à faire. Je suis libre, c'est le message que j'ai voulu faire passer hier pour un tout autre débat. Ce n'est que maintenant que j'entrevois les véritables intentions de mes paroles de la veille. 

La sensation qu'elles ne provenaient qu'à moitié de moi n'était peut-être pas qu'une simple invention de mon esprit. La part de mon être qui cherche sa liberté depuis notre naissance s'est manifestée pour que je comprenne que c'était maintenant ou jamais. 

Je m'assois pour reprendre mon souffle sur les sièges de la salle d'attente. Il faut que je prévienne Gaspard de mon arrivée. Il doit être avec Pierre, je ne voudrais pas réveiller ce petit ange et perturber son repos. En ouvrant mon sac à dos beige, mes mains frôlent un tissu familier. Un élément que j'ai presque oublié tellement je me suis hâtée en me préparant. 

Je le tire pour l'étudier encore une fois. Comme si, à chaque fois que je l'observe, je découvre une nouvelle chose. À force, la seule chose que je peux découvrir, c'est que pour la première fois de ma vie, je connais un vêtement mieux que moi-même. Je laisse mes doigts glisser le long de la laine de l'écharpe. Elle pique un peu et ses couleurs m'agressent légèrement les pupilles. Néanmoins, cela ne gâche en rien l'importance qu'elle a. 

Les pouvoirs qu'elle possède suffisent à rendre ce tricot irremplaçable. Un bip m'informe que Gaspard m'attend dans le jardin de l'hôpital. Je me secoue la tête puis je m'élance vers ce lieu qui est le seul que j'arrive à apprécier dans ce grand édifice qui respire la mort. 

Avant de surgir dans la pièce que Gaspard et moi avons surnommé jardin, je détaille l'allure de celui qui possède mon cœur. C'est niais à dire, mais c'est la vérité. Je lui ai donné tout l'amour que je pouvais donc mon cœur lui appartient. 

Mais en le voyant, avachi et le regard dans le vide, je me rends compte que mon amour ne suffit pas à l'aider. Je ne suffis pas. Pour éviter de sombrer dans un tourment supplémentaire, je m'avance. Il lève à peine la tête pour me voir. Je prends place à ses côtés sur le banc, et enferme sa main dans la mienne. De cette manière, je suis sûre qu'il a conscience de ma présence. Ce simple contact devient le seul lien qui nous lie en cet instant. Cette constatation m'afflige et pourtant, nous en sommes responsable. Ou pas ? 


— Bonjour Gaspard, ces quelques jours se sont passés comment ?


C'est stupide de lui demander ça. Les jours qui se sont écoulés ont dû être durs et il n'a sûrement pas envie de s'en souvenir. Mais comment engager la discussion ? Par un comment tu vas ? Si j'osais le questionner sur son état psychique, je serais bien plus cruelle. Alors je me contente de cette question banale qui est la seule me semblant adaptée. 


— Aussi bien qu'aujourd'hui. Alexia ? Tu voulais me voir à propos de notre dernière discussion ?, il interroge lors d'un éclair de lucidité.

— Oui, je suis partie du lycée à cause de ça... J'avais besoin d'y réfléchir, et maintenant, je sais quoi faire, mais j'ai besoin de ton accord et de ton soutien.

— Mon soutien dépendra de ce que tu feras, je ne peux pas te promettre une chose sans savoir ce qu'elle implique. Mais avant, je voulais te présenter mes excuses. Je n'aurais jamais dû te parler de la sorte.

Le tricot de mamieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant