E P I L O G U E

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 — Sur ce, le cours est fini. Bonne journée à tous.

Après que mon professeur ait enfin terminé ses trois longues heures de cours sur le droit fiscal des affaires, j'attrape ma veste et me glisse dans le groupement d'étudiants qui tentent de fuir notre assommante rentrée. Je rie en voyant que la rentrée est penible pour tout le monde. En effet, le professeur vient de passer par la fenêtre, les autres portes étant déjà monopolisés. Ça promet une année plus amusante que ce que ses explications nous ont fait croire. J'arrive finalement à atteindre la sortie. Les quelques coup de coudes que j'ai donné aidant. Il faut beau aujourd'hui, d'ailleurs les enfants profitent de leurs derniers jours de vacances en se balançant dans les jeux du parc. Comme moi à cet âge. J'adorais la petite balançoire que mes parents avaient installés. Une fois, alors que Mik était encore très jeune, j'avais essayé de lui partager l'amusement qui m'animait en l'y installant. Mon cerveau n'avait pas encore saisit que Mik était trop petit pour s'agripper au corde. C'est pourquoi, quand je l'ai poussé , il s'est écrasé sur moi. Je m'étais tordue la cheville et lui le poignet, ce qui avait clôt la belle après-midi que nous avions. J'aimerais tellement pouvoir m'asseoir dans l'herbe, a l'endroit où ça s'est passé, et laisse mes souvenir s'écouler sans interruptions. Mais c'est impossible. Je n'ai plus ce droit, tout comme je ne pourrais plus jamais embrasser mes parents.

Des vibrations provenant de mon sac me ramènent à la réalité.

— Mik n'est plus là Alexia, ne l'oublie pas.

J'observe l'écran pour voir qui a dérangé mes rêveries ( et je le remercie intérieurement). Un sourire se trace sur mon visage et je décroche avec entrain.

— Allo ? Oui ne t'inquiète pas j'arrive bientôt. Désolée le prof a éternisé son cours, à mon avis il nous aime déjà beaucoup... quoique... Bref je te raconterai !

J'éteins mon téléphone sans prendre en compte les plaintes de mon interlocuteur et je cours pour avoir mon bus qui est en train de s'enfuir. Cela me rappelle tant de chose.

La cloche tinte tandis que j'ouvre la porte du café. Au fond, j'aperçois la tête rousse de mon meilleur ami plongé dans un livre. Sur la pointe des pieds, je m'approche de lui. Je pose brusquement mes mains sur ses épaules avec un son étouffé et celui-ci répond par un cri bien plus fort. Il me regarde, ses yeux sont ronds comme des cerises et son expression montre qu'il n'est pas passé loin de l'arrêt cardiaque. Enfin ça s'est ce qu'il va me dire parce qu'il adoré tout exagérer. Quand son visage s'adoucit, nous partons dans un fou-rire qui achève d'expliquer aux autres occupants que, oui, nous allons les déranger.

— N'empêche qu'un jour, je vais finir par avoir besoin d'un défibrillateur à cause de toi.

— Bien sûr monsieur le médecin ! Sinon comment s'est passé ta journée riquiqui Noah ?

— Super, j'adore rencontrer pleins de vantards...

— Ne m'en parle pas, j'ai l'impression de n'avoir que des petits prétentieux. Moi qui croyais qu'en master les gens devenaient plus matures et moins imbus d'eux mêmes.

— Que tu y sois aurait dû te mettre la puce à l'oreille.

Je lui rétorque une phrase bien placée qui nous lance dans un concours de piques amicales. Malgré sa bonne volonté je sais déjà que je vais gagner. Il a toujours été trop gentil pour ça, et à chaque fois, alors qu'il aurait largement de quoi me faire rougir de honte, il s'abstient. Au moins, ça me permet de faire plaisir à mon égo.

Nous parlons ainsi pendant deux heures avant que je m'éclipse. L'appel du travail a été plus fort. Durant le trajet du bus, j'envoie un message à Gaspard. Cela fait cinq longues années qu'il m'ignore. Le décès de son frère nous a brisé et il a trouvé une porte de sortie en réalisant un voyage à l'autre bout du monde. Je rédige des mails, des sms et même des lettres, pour qu'il se souvienne de moi. Mais il me relie probablement à la mort de Pierre. Je sais qu'il faut que je me fasse à l'idée que j'appartiens à son passé et le laisser vivre sa vie. Sauf que notre rupture n'a jamais vraiment eu lieu, nos adieux non plus. Un soir, il a déposé un mot chez moi, pour m'informer qu'il partait pour une durée indéterminée. Et c'est tout. Après toutes les années que nous avons partagées, ça a été très brutal. Je ne lui en veux pas, je ne le peux pas puisque je suis responsable de tout. Pourtant, une rancœur que je tente d'étouffer me chuchote au quotidien que si je ne peux pas tourner la page, alors non plus. C'est peut-être pour ça que je persiste à essayer de reprendre contact.

Un son de klaxon me ramène à la réalité. J'ai l'impression que c'est la journée des divagations. Mon regard se pose sur l'extérieur et je le laisse s'y perdre.

~

La porte de mon appartement claque derrière moi. Super. Je vais encore avoir des ennuis avec mes voisins. Je lâche mon sac dans l'entrée. La seule envie qui m'anime sur l'instant, c'est de m'affaler dans mon lit dont l'image me hante depuis ce matin. Comme d'habitude, ce que je souhaites et ce qu'il se passe sont à l'opposé l'un de l'autre.

Un homme vêtu bizarrement est en train de boire dans ma tasse, dans mon canapé, dans mon appartement. Or, c'est la première fois que je vois son visage. Par contre, ses vêtements me disent quelque chose, seulement, je n'arrive pas à savoir où est-ce que j'aurais pu les voir. Cependant, je ne suis pas très adepte du « prenez un thé avec un inconnu qui s'incruste chez vous ». Je saisis la première chose qui me vient. Un coussin. Génial, comme ça je vais pouvoir lui proposer de dormir avec moi s'il est un peu fatigué. Il me coupe l'herbe sous le pied en commençant à me parler alors que je réfléchissais à un moyen de l'interpeller.

— Anscere Alexia. Je viens de Symokos et je suis désolée de t'apprendre que tu es en état d'arrestation pour intrusion non autorisé et rébellion contre l'Autorité.

Comment ça intrusion ? C'est lui qui prononce le mot intrusion comme une accusation alors qu'il était chez moi sans ma permission ? Le monde part en cacahuète. J'allais répliquer puis le faire partir pour enfin dormir, quand deux individus enferment mes bras dans leurs mains.

L'homme qui a parlé jette une sorte de malle par terre en prononçant des mots farfelus. Un rond lumineux, digne d'une œuvre de science-fiction, se forme au dessus de ma table basse. Il pénètre à l'intérieur, et ses deux toutous m'emmènent à sa suite.

C'est officiel, du début à la fin de ma vie, je ne contrôlerais jamais rien et je n'aurais jamais de chance. Sur ce pessimisme, j'entre dans le cercle, ravivant de vieux souvenirs ainsi qu'une nausée qui ne m'est pas inconnu.

Grande nouvelle : Oui, cette fin laisse tellement d'interrogations et (je l'espère) d'envie d'en savoir plus sur cet autre monde... C'est pour cela que j'envisage de faire un tome 2 !!! J'ai déjà eu pas mal d'idées mais je ne sais pas si j'en serais capable. On a qu'à dire que ce sera une surprise !  

Le tricot de mamieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant