C H A P I T R E 10

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Le soleil traverse le fin tissu de ma tente et vient éclairer mon visage me tirant de mon sommeil. Je frotte mes yeux qui ont du mal à s'ouvrir. En même temps, je suis arrivée ici tard. C'était drôle à voir d'ailleurs. Enfin, pas pour moi.

J'étais en train de m'endormir tandis que mon campement, que je peinais à fixer, s'envolait à cause du vent qui me gelait les articulations. Les montagnes ont décidé que je n'aurais pas le droit à ma relaxation dès mon arrivée. Connaissant le penchant joueur de ce lieu, c'était à prévoir. J'avais cet espoir que la météo me prenne en pitié. 

Espoir vain, inutile. Pourtant, avoir vu ces belles montagnes éclairées par la lune. Sans personne. Pas d'insectes dérangeants, ils se sont enfuis quand les nuages se sont approchés. Pas d'intrus trop bruyants et polluants. Pas d'immeubles cachant la beauté de la nature. Pas de lumières factices ni de mœurs trop lourdes. Non, juste cet air frais qui revigore et apporte cette odeur de fleur qui adoucit mes pensées. 

Hier soir, ça a suffit à me rappeler que, quoi qu'il se passe, cet endroit restera à jamais mon cocon de douceur et mon pansement géant. Ce ne sont pas quelques difficultés qui m'arrêteront. Ni qui me feront changer d'avis. 

Le zip propre à ces moments de repos parvient à mes oreilles et je découvre avec stupeur le sublime paysage qui m'avait tant manqué. Je ne prends pas la peine de sortir pour l'admirer. J'en suis incapable. Mes yeux pleurent de joie, de tristesse, de frustration, de colère, d'amour, d'émerveillement et d'un tas d'autres d'émotions suscités par cette vision. Mon corps est immobilisé par tant de chamboulements. Mon cerveau est submergé. 

Je me laisse ce temps pour ne  rien faire à part observer. Je m'imprègne de chaque détail. La beauté d'une fleur banale à l'immensité d'un arbre au loin. Sans oublier cette famille d'oiseaux unie qui passent par là. Les nuages se sont éparpillés, révélant un soleil éclatant qui m'apprend que ma journée sera merveilleuse. 

Au bout d'une durée indéterminée, mon ventre manifeste bruyamment son appétit. Je plie mes doigts pour faire partir les fourmis et me redresse. Je sors ma petite table pliable, un bol en plastique et des céréales que je dévore. D'habitude, je ne me prive pas, alors, en planifiant la longue journée qui m'attend, je me force presque à avaler quelques cuillères en plus. 

Après avoir replié et rangé toutes mes affaires, je sors de la plateforme située en altitude pour m'engouffrer dans une descente vertigineuse qui s'enfonce sous la cime des arbres. 

~

Je m'installe sur la pierre lisse, et mes pieds se glissent dans l'eau turquoise. Une autre beauté que j'ai le droit de voir aujourd'hui. Finalement, les montagnes se montrent bien plus généreuses que ce que je prétendais. Les muscles de mes jambes se détendent avec les mouvements de l'eau et je me repose enfin. Ma journée a été plus dure encore que ce à quoi je m'attendais. Le vent de la veille a condamné certains passages entre deux montagnes, et j'ai fini par dériver ici. Je suis incapable de repartir pour atteindre le point que j'étais censée retrouver. 

Une chance, je songe en contemplant la petite crique. 

Je dresse la tente et mes autres outils. La saleté me collant et la crique m'appelant avec sa belle eau claire, j'opte pour une baignade en sous-vêtement. J'en salive déjà. Lorsque je plonge dans un endroit un peu plus profond, je le regrette immédiatement. Je vais mouiller mes habits avec les éclaboussures. Tant pis, je ne peux pas revenir en arrière. Pourtant, j'aimerais beaucoup parfois.

Je coule ma tête dans l'eau et tous les sons environnants sont étouffés. Je suis seule avec moi-même. Après quelques brasses, je frôle la roche du fond. Son contact froid me rappelle le dernier que j'ai eu avec mon petit frère... 

Le tricot de mamieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant