C H A P I T R E 9

10 2 0
                                    

Je m'avançais vers le bus pour profiter du prochain trajet et me reposer chez moi, mais je bifurque vers l'hôpital. Comme ça, ils auront tous la confirmation que ces ragots sont vrais. De toute manière, ils doivent prendre le coup que j'ai offert à Molly comme une preuve qu'il n'a pas menti. 

Je sors mes écouteurs de mon sac à dos beige et lance une playlist énergique pour me motiver, puis je profite des vingt minutes de marche qui me séparent de ma destination, pour admirer le soleil qui se lève et espionner les routes qui prennent vie. Ma conscience dérive vers l'écharpe. 

Avec tout ce qu'il se passe, la responsabilité qui m'a été confiée ne me dérange plus, ou moins qu'avant. Et puis elle m'a permis d'obtenir de bonnes notes récemment, donc je ne suis pas à plaindre. D'ailleurs, je pourrais en parler à Gaspard, et lui faire part de cette possibilité pour sauver Pierre. Je verrai ce que je ferai quand je serais avec lui. Sur cette certitude, mon cerveau s'immerge dans la mélodie pop rock de The Beatles. 

Avant de pénétrer le bâtiment, je m'arrête devant sa façade. Elle est blanche, un blanc pur qui a été sali par le temps. C'est une sorte de rappel qu'ici, des gens innocents voir bienveillants, vont peut-être mourir parce que quelqu'un là-haut à décidé que leur époque était finie. 

J'entre, grimpe les escaliers et je retrouve Gaspard avachi sur les jambes d'un petit ange endormi dans une pièce éteinte. J'embrasse mon petit-ami pour le réveiller et en se relevant, les draps qui recouvraient Pierre se collent à sa joue. Il les tire et malgré la situation, malgré le lieu nous sourions tous les deux, amusés par la scène. Pierre remue, nous réprimant inconsciemment pour le bruit qu'on fait, et d'un clin d'œil, on prend la décision de nous éclipser.

Je ferme la porte derrière moi, et me tourne pour agripper Gaspard avant de voir ses yeux rouges que l'obscurité de la chambre me cachait. Je le sens mouiller mon épaule, mais je ne le lâche pas et lui chuchote dans l'oreille.

— Je suppose que tu n'as rien mangé depuis un moment ? Viens, on va t'acheter un truc à la cafétéria, répondis-je sans attendre.

~

Nous sommes installés à une table éclairée par le sublime soleil et la froideur du matin réveille Gaspard, ce qui est parfait par rapport à la discussion que j'aimerais avoir avec lui. Il tire le sachet qui emballe un sandwich et l'entame. Il n'a pas envie de manger, c'est flagrant qu'il se force pour moi, mais tant pis, au moins il se nourrit. 

— T'as remarqué que pour un sandwich d'hôpital, c'est super bon ? Je ne m'y attendais pas, tentais-je pour adoucir l'ambiance.

— Oui...

— Mon amour, pour tout t'avouer, il y a certaines choses que tu devrais connaître et je suis là pour te les dire, mais je ne sais pas trop comment aborder le sujet.

— Vas-y, je t'écoute, d'habitude, tu n'es pas aussi timide quand il est question d'honnêteté.

— Tu te rappelles quand j'ai été absente une journée, il n'y a pas longtemps ? En fait, j'étais à une sorte de grande réunion familiale, qui a lieu tous les dix ans. Lors de cette réunion, on désigne une femme de ma famille pour lui confier un héritage qu'elle devra conserver pour la décennie suivante.

— Hum, d'accord, répond-il en donnant plus d'intérêt à sa nourriture qu'à mes propos.

— Cette année j'ai été choisie, et je dois garder une écharpe un peu particulière...

Voyant qu'il ne m'écoute pas, j'opte pour des mots plus concrets histoire d'avoir son attention. J'ai déjà du mal à lui divulguer tout ça, je n'ai pas besoin d'une difficulté supplémentaire.

— Je pourrais sauver Pierre.

Ces yeux s'arrondissent sous l'effet de la surprise, et il lâche prise sur son sandwich qui s'échoue sur la petite table bleue. Je n'ai plus le droit d'hésiter alors je poursuis.

— L'écharpe que ma famille m'a donnée a des sortes de pouvoirs. Je n'y croyais pas, tu me connais, je suis plus du genre à croire à des faits scientifiques et prouvés. Sauf que j'ai mis en pratique les instructions pour s'en servir et ça a fonctionné. Et j'envisage de l'utiliser pour sauver ton petit-frère cependant, il y a...

— Va la chercher. On le fait maintenant. Je te fais confiance, je reste ici et ce soir, Pierre est à la maison.

— Non, ne te précipite pas. Je ne t'ai pas tout dit au sujet de cette écharpe, il y a des risques et beaucoup de zones d'ombres, c'est pour ça que j'ai retardé ce moment, je voulais trouver des réponses avant. Et puis je n'ai pas le droit de m'en servir, je serais reniée de ma famille !

—  Pourquoi tu m'en parles si tu es incapable d'agir ? Tu es forte, courageuse, belle et pleins d'autres choses, mais je ne te pensais pas lâche.

— Tu ne peux pas me traiter comme ça, tu sais bien que ma mère ne survivrait pas si elle devait m'abandonner, pas après Mik...

— Mais on ne parle pas du passé ni de futur, s'énerve-t-il avec un visage transformé, on parle du présent, on parle de Pierre, mon frère, en train de décéder d'un cancer pourri ! Ne pas le sauver, c'est comme le tuer.

— Calme toi ! Tu ne sais pas tout sur cette écharpe idiot alors calme toi.

— Je sais que pour la première fois de ma vie, j'accepte de croire en un truc dingue parce que c'est toi qui le présentes, et en échange, tu ne veux même pas sauver ma famille par simple égoïsme !

Les larmes abondent le long de mes joues. Il n'est pas dans son état normal. Son frère meurt et il est impuissant. Mais ses paroles me blessent, car, au fond, il a raison. J'ai toujours été un peu égoïste, mais c'est aussi pour préserver ma mère et mon père que je ne fais rien. Je n'ajoute pas de mot et quitte cet endroit. Il est grand temps de prendre du recul sur tout ça et d'enfin honorer la promesse que je me suis faite.

~

Je pousse la porte d'entrée entrevoyant mon père assis dans le canapé. Je déchausse mes pieds et me jette sur lui. J'ai tellement besoin de discuter avec lui et un bon chocolat chaud. C'est stupide, mais c'est l'une des choses qui me remonte le plus le moral : le fameux chocolat chaud. Je constate d'ailleurs qu'il avait tout prédit en apercevant les tasses bouillantes. 

— Je commets bêtises sur bêtises papa.

— Non, tu grandis ma puce, c'est totalement différent. Qu'est-ce qu'il se passe ? J'ai reçu un appel de Noah, il y a presque deux heures. Il m'a informé que tu rentrais à la maison, car tu ne sentais pas très bien et tu n'arrives que maintenant...

Entre le chocolat chaud, ma dispute avec Gaspard, le lycée... Je craque. Ma bouche forme des sons qui sortent sans que je puisse contrôler quoique ce soit et je lui révèle tout. Molly et le nouveau ragot du lycée, mon expérience avec l'écharpe, ma dispute avec mon amour. J'omets juste l'idée que j'ai eue pour Pierre. Il me dit que tout va s'arranger, qu'il va parler avec maman. Il m'emmène me reposer dans ma chambre et me propose d'aborder le sujet avec ma mère, ce soir. En famille.

~

Je tremble de froid et frotte mes deux mains pour me réchauffer. Le car arrive et une jeune femme me secoue légèrement l'épaule, croyant que je dormais. Je prends place à l'intérieur et repense à mes parents. 

C'est l'une des meilleures idées qu'ils ont eu depuis longtemps. Faire du bivouac en montagne pour me reconnecter avec moi-même et me ressourcer. Je m'assoupis, un sourire étirant mes lèvres, en me répétant ce que maman a affirmé : « Je crois qu'après l'accident, c'était l'une des seules choses qui arrivait à t'apaiser, ça te ferait du bien d'y retourner deux jours, tu ne crois pas ? ». Si maman, je suis d'accord. Merci.








********************


Hey ! Qu'as-tu pensé de cette partie ?


---> Que penses-tu de la réaction de Gaspard ?


---> Qui est Mik ? Que s'est-il passé ?


Pour en savoir plus, tu n'as plus qu'à attendre demain soir, 18h !

Le tricot de mamieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant