Avertissement : ce chapitre contient des passages pouvant heurter la sensibilité des plus fragiles. Vous pouvez directement aller au résumé se trouvant tout à la fin, si vous ne vous sentez pas d'humeur à lire ce chapitre. Pour les autres, bonne lecture.
---L'amour était l'une des expériences de la vie que le Torboyo avait soustrait à Azalais. Peu de gens ont la chance de réchapper à l'attaque de ce navire, et ceux qui l'obtiennent ne sont plus jamais les mêmes. Comment avait-elle pu reprendre une vie normale après une telle expérience ? Azalaïs n'avait pas la réponse, d'ailleurs, elle ne la cherchait pas non plus. Elle se contentait de survivre.
Du moins, jusqu'au jour où elle avait rencontré Gia. Auparavant, son cœur battait dans l'unique but de la maintenir en vie jusqu'à la disparition du Torboyo. L'arrivée imprévue de la jeune femme dans son existence lui avait rendu la part d'humanité qu'elle ne possédait plus. Sans grande surprise, la disparition de cette dernière allait avoir un effet inverse.
La rage de vivre n'avait jamais été aussi grande en son for intérieur. Malgré la faim et la soif, elle s'accrochait à la vie. Pour Gia et sa famille, pour toutes les victimes des brutes et des ordures, elle devait rester dans ce monde. Et pourtant... Si elle n'avait pas été si affaiblie, elle aurait eu toutes ses chances face à Guillermo. Azalaïs ne pouvait que se débattre, ses faibles muscles en manque de ressources peinaient à se mouvoir. En dépit de sa volonté d'acier, sa force n'était plus qu'un alliage de facture médiocre.
– Arrête de bouger gamine ! ordonna le chauve lubrique. si tu t'arrêtes de bouger, peut-être que j'te ferai pas mal. À moins que t'aimes ça ?
Les mains rugueuses de Guillermo plissaient la peau brûlée d'Azalaïs. Il l'avait saisie par les avant-bras et avait essayé de l'immobiliser contre les barreaux de la cage. La jeune femme se défendait tant bien que mal, dans la douleur.
Le reflet du clair de lune illuminait les pupilles inhumaines du tavernier et l'éclat jaunâtre de son sourire. Il s'étirait d'une oreille à l'autre, et s'agrandit encore devant la résistance faiblissante d'Azalais. Il relâcha la pression sur ses bras, petit à petit, pensant l'avoir dominée.
La jeune femme en profita pour lui asséner un coup-de-poing au visage et se libéra par miracle de son emprise.
Guillermo se retrouva dos sur le sable, les mains plaquées sur sa figure, un flot de sang coulant de ses côtés. Azalaïs saisit l'occasion pour ramper jusqu'à la sortie. Son cœur battait d'une telle force qu'elle croyait son crâne et sa cage thoracique se briser à chaque impulsion. Ses doigts glissaient entre les minuscules grains qui constituaient le sol. Sa progression semblait inexistante tant il lui était difficile de bouger.
Elle remplit ses poumons d'une large bouffée d'air une fois la porte de la cage passée. Appeler à l'aide, c'était ce qu'elle devait faire ! Elle prépara sa gorge à se déchirer par son futur cri de désespoir, mais seul un souffle coupé par la surprise en sortit. Guillermo venait de saisir la jeune femme par la chevelure et la tirait de nouveau vers la prison.
Non sans mal, Azalaïs revint de force au point de départ et d'un revers de main son patron la gifla. Quelque peu sonnée, elle vit trouble durant un temps indéterminé. Une fois sa vue revenue à la normale, ses poignets étaient attachés aux barreaux par la chemise de Guillermo.
Celui-ci se pavanait devant elle, debout et cul nu, fier comme un coq. La jeune femme déglutit avec difficulté tout en essayant de se relever, mais en vain. Elle réussit tout juste à se mettre en position assise, les mains derrière la tête.
Un bourdonnement du diable résonnait tout autour d'elle. Azalaïs voyait Guillermo parler, mais aucun mot ne semblait parvenir jusqu'à ses oreilles. Cette sensation étrange de sortir de son corps, la jeune femme l'avait déjà expérimentée lors de l'attaque du Torboyo.
Le tavernier se mit au même niveau qu'Azalaïs. Il rapprocha son visage du sien. Elle sentit l'odeur exécrable d'un relent de vomi s'échapper de sa bouche : un mélange immonde de poisson, de mangue et de bière. Guillermo avait l'habitude de boire sans raison pendant ses heures de travail. L'ironie de la situation, car il ne tenait pas du tout l'alcool et se retrouvait le plus souvent à rouler sous le bar, rond comme un tonneau de rhum.
Il saisit la jeune femme par les joues et colla ses lèvres gercées contre les siennes. Si son estomac n'avait pas été vide, elle aurait rendu son contenu. Impuissante, Azalaïs extirpa sa bouche bien trop tard, pour cracher l'excédent de salive qui ne lui appartenait pas. Guillermo s'essuya les babines à l'aide de sa main, puis déchira la chemise de la jeune femme, exposant sa nudité.
Enfin, il glissa ses mains le long des cuisses tremblantes d'Azalaïs et força l'ouverture. Il avait la respiration rapide et les veines des poignets gonflées. Avec beaucoup de difficulté et contre les mouvements de la jeune femme, il réussit à lui retirer son pantalon en toile. Le tavernier se pencha une ultime fois au-dessus d'elle et plongea son regard sinistre dans les pupilles vides de la serveuse.
Le temps s'était figé sous ses yeux. La jeune femme n'entendait plus rien, et n'en ressentait pas plus, comme ce jour où elle avait perdu toute sa famille.
Un vent frais vint lui caresser la poitrine. Elle cligna des yeux et à sa grande surprise, Guillermo ne se trouvait plus sur elle. Il était maintenu au sol par une femme qui lui était inconnue. D'autres personnes l'entouraient. Peu à peu ses sens se remirent à fonctionner. Elle pencha sa tête vers son bas-ventre et rien, aucune douleur, le mal n'était pas fait...
Elle vit un visage familier, qui ne lui procurait aucun sentiment de sécurité d'habitude, mais qui cette fois-là, la rassurait.
– Aye, gamine. J'ai bien cru qu'on ne te reverrait plus, dit Darzal, en lui libérant les mains.
– Merci, souffla-t-elle d'une voix faible.
Une femme, dont Azalaïs connaissait la voix par cœur, bouscula les pirates avant de choir à ses pieds. Gia, la respiration saccadée, se releva et prit son amie dans ses bras, la serrant de toutes ses forces. La jeune femme n'en croyait pas ses yeux, Gia était vivante, bel et bien vivante. Cette enflure de Guillermo, pour briser l'esprit d'Azalaïs, lui avait fait croire le contraire. Une joie immense se diffusa petit à petit dans tout son corps, un sentiment intense qui surpassa tous ses maux, tous ses problèmes. Elle qui pensait ne plus jamais la revoir, était ravie d'avoir tort.
– Tu vas me tuer, Gia, prévint-elle, moi aussi je suis heureuse de te voir.
– Capitaine, intervint celle qui tenait Guillermo, qu'est-ce qu'on fait de celui-là ?
– Hilda, je pense que sa vie repose entre les mains de ces jeunes femmes, rétorqua-t-il.
Le capitaine Hamilton se tourna vers les deux femmes. Sans se concerter, Azalaïs et son amie jetèrent au tavernier un regard noir. Gia se dirigea vers lui et emprunta le sabre de ladite Hilda. Elle le fit danser sur le torse-nu de l'immonde personnage. Et la lame plongea dans une lenteur cruelle et satisfaisante.
Pendant que ses os et sa chaire cédaient sous le tranchant de l'épée, Gia, d'une voix sinistre qui fit trembler toutes les personnes présentes, murmura :
– Je veux que ta mort soit lente et douloureuse. Je veux que mon visage soit le dernier que tu vois dans ce monde. Je veux qu'il te hante pour l'éternité que tu passeras dans les profondeurs de Melzul, trois milles lieux sous les mers. Je veux te voir souffrir comme tu m'as fait souffrir. Tu vas regretter ce jour à jamais.
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Résumé : Azalaïs se trouve dans une situation désespérée face à son horrible patron, Guillermo. Alors que tout semble perdu, l'équipage du Neptune's Eye, ainsi que Gia, arrivent à sa rescousse. Guillermo est neutralisé par Hilda, une pirate d'Hamilton, mais c'est l'amie de toujours d'Azalaïs, qui met fin à la vie du tavernier.
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Neptune's Eye
AventuraUn mât et une coque en chêne ébène, une sirène dorée en guise de proue. Elle porte le bateau avec aisance. Sa chevelure ondulée coule en peintures de guerre, qui scintillent jusqu'à la poupe. Sous le soleil. Voiles d'encre qui flottent au gré du zép...