Qui aurait cru que je te rencontrerais ainsi ? Pas moi en tout cas : c'était trop improbable ; un peu comme toi.
Sur le coup, je reste un peu sans voix. Je savais que je finirais par la rencontrer : après tout, elle vit ici et c'est la femme de mon père. La bague à son annulaire me le confirme. Je ne sais même pas depuis combien de temps.
Mes parents n'ont jamais été marié, bien que ma mère en ait rêvé pendant des années. Encore aujourd'hui, parfois, quand elle a un peu trop bu, elle se demande pourquoi il ne l'a jamais épousée. Et sincèrement, je n'en ai aucune idée. En général, c'est un sujet dont on évite de parler, car il est source de stress, colère et tristesse pour ma mère. Si elle le mentionne, je sais que le lendemain elle aura oublié. Et même si ça me peine de le dire, j'en remercie l'alcool.
— On dirait que tu n'as pas grandi, commente Helynnah en me détaillant. Tu as les yeux de ton père.
— Les photos que mon père possède sont vieilles et loin d'être fidèles à celle que je suis aujourd'hui.
— Je me doute. Mais tes traits se sont affinés tout en gardant la douceur de ton visage d'enfant. Et oui, je l'admets, tu as l'air d'avoir pris une bonne quinzaine de centimètres.
Elle se met à rire, et je ne peux m'empêcher de l'imiter : c'est contagieux.
— Tu es devenue une belle jeune femme.
— Que pouvez-vous en savoir ? Vous ne m'avez pas vue grandir.
— Je n'ai pas besoin de ça pour constater, mais j'aurais aimé pouvoir le faire. Et s'il te plaît, ne me vouvoie pas. On appartient à la même famille et on va vivre ensemble pendant quelques temps. Il n'y a pas de raison pour que tu ne me tutoies pas.
Je lui aurais bien répondu que je ne la connais pas et que trois semaines ne vont pas y changer grand-chose, mais je me retiens. Elle ne m'a rien fait et elle m'accueille chez elle alors que je ne suis pas sa fille ; dans l'histoire, c'est elle qui devrait m'en vouloir. Alors je lui souris et je me tais. Je me dois de faire un effort pour que tout se passe bien.
— Maman ! s'exclame Maëlys depuis le haut des escaliers.
— Maëlys ! Combien de fois t'a-t-on dit de ne pas courir quand tu descends les marches après avoir pris ta douche ? s'écrie mon père encore à l'étage. Tu risques de glisser et de te faire mal.
Mais elle ne l'écoute plus : elle serre sa mère dans ses bras.
— Comment va le bébé ? demande la fillette en embrassant le bassin d'Helynnah, puis en collant son oreille tout contre.
J'écarquille les yeux. Mon père attend un autre enfant. Je sens ma jalousie et ma colère gronder dans mon ventre. Je ne comprends pas pourquoi il m'a proposé de venir ici alors que sa famille vit très bien sans moi. Je serre les poings et souffle pour évacuer ces mauvaises ondes. Trois semaines et c'est fini.
Pourquoi est-ce que cette histoire m'émeut autant ? Ce n'est qu'un bébé. Mon père a refait sa vie, je le sais parfaitement et je les admis il y a bien longtemps. C'est pour ça qu'il est parti à la base : il est tombé amoureux d'Helynnah et a voulu fonder une famille avec elle. Il est logique qu'ils aient des enfants. Pourtant une part de moi refuse d'accepter cette idée. Peut-être que, naïvement, j'espérais qu'il reviendrait à la maison en me voyant. La petite Cassiopée qui sommeille encore en moi l'aurait aimé. Mais la jeune adulte que je suis maintenant sait que ça n'arrivera jamais. Et en voyant les sourires radieux qu'Helynnah échange avec mon père et Maëlys, je sais que j'ai raison. C'est une famille comblée et le trio de mon enfance n'a jamais été aussi heureux pour un simple bonjour du quotidien. Je commence doucement à avoir des doutes sur la version de l'histoire de ma mère...
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À l'ombre des cerisiers fleurissent des bourgeons d'amour
RomanceUn cerisier Un bel été Des bourgeons naissants Remplis de sentiments Cassiopée n'a pas vu son père depuis sept ans, et sincèrement, elle s'en serait bien passé. Après tout, il les a abandonnées du jour au lendemain sans prévenir. Mais, parfois, les...