Même quand tu n'étais pas là, tu étais là. À travers les autres ou les arbres fruitiers.
Adossée au cerisier, je regarde le jardin. J'ai abandonné la vue sur la mer, pour celle sur la montagne et les arbres. Ma planche à dessin sur les genoux, une feuille vierge n'attendant que mon crayon, je laisse mes pensées se faufiler dans la contemplation. Le vert des feuilles est tellement lumineux sous les rayons de l'après-midi. Je suis triste de ne pas avoir mon aquarelle ou mon acrylique pour leur rendre justice. Je sais qu'une fois rentrée chez moi, je ne pourrai pas les colorer aussi justement. Alors je laisse le blanc entre les veines de mes feuillages.
Mon crayon glisse sur le papier dans un délicieux bruit. Si l'on ajoute à cela les chants d'oiseau, je suis bien dans ma bulle. J'ai trouvé ma source d'inspiration et de créativité sous ce cerisier.
Sous les autres arbres, une silhouette s'agite, dansant presque en ramassant des fruits que je devine être des abricots. Marilou, il n'y a pas de doute. Je ne vois pas mon père sautiller en travaillant. Il peut être jovial et énergique, mais pas à ce point.
— Tu as vraiment un don.
En parlant du loup, il vient s'asseoir à côté de moi. Je tente de cacher mon dessin, mais c'est trop tard. Je n'aime pas qu'on regarde ce que je fais, surtout quand il s'agit de ça : c'est mon jardin secret.
— Tu tiens ça de moi, dit-il en riant. Ta mère a toujours été incapable de griffonner ne serait-ce qu'une fleur.
— Maman déteste le dessin.
C'est majoritairement pour ça que je garde mon matériel et mes travaux dans un tiroir fermé à clé, que je suis la seule à posséder. La connaissant, elle serait tout à fait capable de fouiller dans mes affaires, et je ne veux pas qu'elle les trouve. Elle a une telle aversion pour cet art, probablement à cause de mon père d'ailleurs, qu'elle refuse d'en entendre parler. Alors savoir que c'est mon échappatoire, je n'imagine pas la crise qu'elle ferait.
— Je ne te demanderai pas pourquoi. Je pense savoir.
— Je ne confirmerai donc pas ta pensée.
On pousse un soupir en même temps, dans un même mouvement d'épaules. Doucement, ça me fait sourire.
— Si je peux émettre une petite critique...
— Je sais, ça manque de couleurs. J'ai laissé mon matériel à la maison.
— Ici ou chez ta mère.
— Chez moi.
— Je vois.
Sa phrase reste légèrement suspendue, comme s'il devinait ce que je ne dis pas. Qu'ici, ce n'est pas ma maison. Je ne sais même pas si un jour ça le sera. Peut-être, peut-être pas. Sincèrement, je n'en ai aucune idée.
— Suis-moi !
— Pourquoi faire ?
— Tu verras.
Après un instant d'hésitation, je m'exécute. On rentre, puis il monte dans ma chambre. Il fouille d'abord dans les tiroirs du bureau, ceux que je n'ai pas ouverts, mais grommelle lorsqu'il ne trouve pas ce qu'il cherche. Il se rabat donc sur des boîtes à chaussures, mises dans un coin et donc j'avais éclipsé la présence.
— Super ! s'exclame-t-il en soulevant le couvercle de l'une d'entre elles.
Il s'installe sur mon lit et pose le carton sur ses genoux.
— Viens voir, me dit-il avec un geste de la main.
Je m'assois à côté de lui tandis qu'il fouille parmi des feuilles colorées et des pots.
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À l'ombre des cerisiers fleurissent des bourgeons d'amour
RomanceUn cerisier Un bel été Des bourgeons naissants Remplis de sentiments Cassiopée n'a pas vu son père depuis sept ans, et sincèrement, elle s'en serait bien passé. Après tout, il les a abandonnées du jour au lendemain sans prévenir. Mais, parfois, les...