Ta spontanéité créait des situations dans lesquelles je ne serais jamais allée sans toi. Mais, quand tu me les proposais, j'acceptais, parce qu'elles semblaient sans danger.
— Mettez-les là, nous ordonne mon père en désignant une pile de cagettes déjà bien remplies.
Marilou me précède dans le hangar, que je n'avais pas encore vu jusqu'à présent. Une douce odeur de fruits frais s'y répand. Je soulève mon panier, obtenu après une récolte tellement fructueuse que la fille au ukulélé a été obligée d'aller en chercher un second, et je le pose sur la table. Du dos de la main, je m'essuie le front : il ne faut pas croire, mais d'aussi petites billes rouge sang peuvent peser lourd.
— Tu n'es pas très valeureuse, rit Marilou avec un sourire alors qu'elle transfère le contenu de son propre panier dans une cagette.
— Merci, ça fait plaisir.
Mon ton est aussi ironique que le sien amusé. Lorsqu'elle a fini, je m'apprête à prendre sa place, mais elle m'interpelle.
— Tu es libre demain après-midi ?
Sa question ressemble à celle qu'elle m'a posée il y a quelques jours, mais je n'ai pas envie de voir se faner son sourire une seconde fois.
— Tes amis ne m'ont pas invitée pour le moment.
Ses lèvres s'étirent et finissent dans un rire. Je l'imite.
— Pas de sortie avec mes amis, m'annonce-t-elle. Je te propose une balade à vélo.
— Tu vas y aller avec une de tes jolies jupes à fleurs ?
Je ne sais même pas pourquoi j'ai posé cette question plutôt que d'accepter son idée.
— Elles sont jolies ? rétorque-t-elle en fermant les yeux et en soulevant les pans du short qu'elle porte aujourd'hui. Comme tu peux le constater, j'ai aussi des shorts en réserve.
— Ma question était bête. Désolée.
— Tu n'as pas à l'être. Tu n'as fait qu'observer.
Elle m'offre un clin d'œil que je n'arrive pas à interpréter, puis elle me redemande si une sortie en vélo me convient. J'accepte et la questionne sur l'endroit où elle veut m'emmener.
— Je connais des chemins sympas. Je passerai te chercher vers 16h, pour que le soleil soit un peu moins brûlant.
Lorsque sa phrase est finie, elle disparaît derrière la porte du hangar. Je tente de la suivre, mais je tombe nez à nez avec mon père.
— Tout va bien ? s'enquiert-il.
— Très, dis-je dans un sourire.
— Tant mieux alors. Après notre discussion de ce matin, je pensais que...
Il laisse sa phrase en suspens, et je ne la complète pas. Je me contente, à la place, de le rassurer.
— Nous avons tous les deux besoin de temps. Les choses ne peuvent pas être parfaites dès le premier essai.
Il me serre dans ses bras sans prévenir.
— Tu as tellement grandi que j'oublie que tout n'est pas comme je l'ai laissé. Je suis content de voir que tu es devenue une jeune femme réfléchie.
— Attends de m'entendre débiter des bêtises et tu reviendras sur ton choix d'adjectif.
Et là, il éclate de rire. Le même qui a bercé mes blagues d'enfant et mes réflexions impertinentes liées à cet âge.
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À l'ombre des cerisiers fleurissent des bourgeons d'amour
RomanceUn cerisier Un bel été Des bourgeons naissants Remplis de sentiments Cassiopée n'a pas vu son père depuis sept ans, et sincèrement, elle s'en serait bien passé. Après tout, il les a abandonnées du jour au lendemain sans prévenir. Mais, parfois, les...