... à moins que ce soit ta vision de la vie qui ait fait basculer les choses. Sans toi, certaines situations n'auraient jamais évolué.
Le matin se lève, dans une aura rosée. Il est tôt, et je regrette bien assez vite d'avoir oublié de fermer le store hier soir. Je me suis endormie comme une masse. Le cadeau de mon père traîne par terre, à côté de mes chaussures. Des mèches s'échappent de ma tresse et mes yeux se perdent dans le plafond. Je ne sais plus trop quoi faire en vérité. Celle-ci est devenue floue et nombreuse. Mon père, Helynnah, Maman... Trois versions d'une même histoire : la mienne. La nôtre. Jusqu'à maintenant, je n'avais qu'un seul fil directeur, et entre temps, deux autres sont apparus et ont fait leur chemin.
J'allume mon téléphone pour voir l'heure. 7h15. Et un message de ma mère, daté du milieu de la nuit m'énerve. Elle veut savoir où j'ai rangé la clé du tiroir de mon bureau, celui où je range mes dessins. J'ignore ce sms et je jure. C'est ce que j'appelle commencer sa journée du bon pied. Je marmonne une série d'insultes et finit par balancer un coussin contre le mur. Sauf qu'il fait tomber ma thermos d'eau en tombant. Métal contre parquet, le bruit résonne dans le silence.
Peu après, j'entends des pas dans les escaliers. La tête de mon père apparaît.
— Tout va bien ?
Oui. Réponse instinctive.
Non. Réponse trop catégorique.
Je ne sais pas. Solution de sûreté.
Mais je ne dis rien. Les mots restent coincés dans ma gorge et se contentent de rebondir dans ma tête. Alors, je le regarde. Ses traits sont encore couverts par le voile du sommeil. Il y a une lueur d'inquiétude dans ses yeux. Il semble désemparé. Un peu comme moi, là maintenant. Sept ans de vide suffisent à creuser des espoirs et des colères. Lesquels l'emportent ? Je n'en ai aucune idée.
— Tu veux que ?
Je devine la fin de sa phrase et acquiesce. Il vient s'assoir à mes côtés, puis me serre dans ses bras. Je ne sais plus où j'en suis, mais à cet instant, je me sens bien, ma tête collée contre sa poitrine. Les battements de son cœur tambourinent contre mon oreille alors qu'il passe sa main dans mes mèches en désordre. Il finit par se débarrasser de l'élastique qui les retient, et se met à les démêler. Je ferme les yeux et je souris doucement. Les souvenirs me reviennent, doux comme des plumes. J'oublie toute ma rancœur et ma colère. Seul compte cet instant. Je sais qu'il ne durera pas, mais je vais tout faire pour arranger les choses. Je ne peux pas rester en conflit éternellement. Je dois comprendre pour prendre ma décision.
— Un jour...
— Tu m'expliqueras. Je sais.
C'est un échange de murmures, mais pour le moment, il se suffit à lui-même. Je veux des réponses. Je n'ai pas envie d'attendre, sauf que maintenant, je ne suis pas en état de les entendre. Bientôt, mais pas tout de suite.
Je m'endors sur ses genoux et à mon réveil, il n'a pas bougé.
— Quand tu étais petite, chuchote-t-il alors que j'émerge doucement de ma demi-heure de récupération, tu t'endormais souvent sur mon cœur. J'adorais te tenir tout contre moi et sentir ton souffle régulier. Tu étais tellement paisible que je pouvais te regarder pendant des heures.
— Je ne m'en souviens pas, admets-je.
— Je me doute bien. Je ne sais pas si ta mère a gardé les photos.
Je ne lui dis pas qu'elle a très vite jeté tout ce qui le concernait de près ou de loin après son départ.
— Mais, je pense en avoir quelques-unes dans une boîte. Tu voudrais les voir ?
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À l'ombre des cerisiers fleurissent des bourgeons d'amour
RomanceUn cerisier Un bel été Des bourgeons naissants Remplis de sentiments Cassiopée n'a pas vu son père depuis sept ans, et sincèrement, elle s'en serait bien passé. Après tout, il les a abandonnées du jour au lendemain sans prévenir. Mais, parfois, les...